WHO CARES? sonne la renaissance printanière de Rex Orange County
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Auteur·ice : Philomène Raxhon
12/03/2022

WHO CARES? sonne la renaissance printanière de Rex Orange County

Alexander O’Connor dévoile un nouvel album, WHO CARES?, mêlant accents rococos et mélodies orchestrales à la sauce Rex Orange County. Après trois ans d’absence, le Britannique fait un retour qui s’apparente plus à une épreuve décisive qu’à une haie d’honneur. Toujours en équilibre précaire, O’Connor parvient cette fois à transcender ses tendances soporifiques pour proposer un quatrième album aux morceaux frais mais pas juvéniles, d’un éclectisme maîtrisé, dans la tradition de ses débuts.

En cas d’incendie, sur Pony, précédent album de Rex Orange County, on ne sauvait que Pluto Projector, laissant le reste partir en cendres aussi volatiles que les thématiques réchauffées qui composent l’opus. La lassitude avait finalement eu raison de la naïveté adolescente et de la voix nasillarde de O’Connor qui, jusque-là, aurait éveillé des instincts maternels même en Chuck Norris. La flamme s’était éteinte. L’amour dévorant que l’on portait à Apricot Princess, son second album indépendant, n’était pas parvenu à perdurer une fois jeté dans le grand bain de RCA Records et Sony Music où est né Pony. Alors pour WHO CARES?, toujours chez Sony mais fort des leçons apprises, les attentes étaient hautes, mais l’envie d’y croire aussi. 

L’album s’ouvre sur Keep it Up et une variation de violons digne de la cour de Versailles. Habitué des sonorités anachroniques comme une paire de converse dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, Rex Orange County y jette ensuite un beat dansant, attisant notre curiosité. Les violons Louis XIV, un piano énergique et le beat, toujours, se répondent en paradoxes tout au long du titre qui présage une dynamique moins synthétique que Pony. L’essai est concluant, mais il faut savoir garder la tête froide, au risque de la perdre. 

 

Difficile pourtant de ne pas se sentir pousser des ailes lorsque les violons refont surface, plus vivifiants que jamais, sur Open a Window, second morceau de l’album. O’Connor y chante son ras-le-bol bleu ciel sur fond de tambourin printanier ; I’m tryna find a way to get out, so can I open a window?. L’artiste préfère l’ouverture de fenêtre à l’enfonçage de porte. C’est comme ça que, en 2017, Tyler, The Creator avait repéré le premier opus discret, bcos u will never b free, de Rex Orange County et recruté l’ado de 17 ans pour collaborer sur deux chansons de l’album Flower Boy. Près de 5 ans plus tard, les artistes se retrouvent sur Open a WindowTyler et ses talents de rappeur prêtent main forte à un Rex Orange County qui a bien grandi.

Les morceaux s’enchaînent. L’intro de Worth It se fait plus grandiose encore, dotée d’une symphonie d’instruments à vent et du beat, toujours le beat. O’Connor enrobe ses textes mélancoliques sur le néant de l’existence de fioritures rococos dans une juxtaposition qui fait mouche. Vient ensuite Amazing, single dévoilé plus tôt cette année et qui laissait entrevoir les ambitions orchestrales de l’album. Concentré de tout ce qu’on aime chez Rex Orange County, Amazing alterne cadence exaltante, déclarations naïves et énergie solaire qui rappelle Sunflower, single le plus réussi de la carrière de l’artiste, en toute subjectivité. 

Don’t change a thing, you are amazing

I can’t believe you’ve come and saved me

We can stay here, spend everyday dear

I wouldn’t mind

 

On se perd un peu ensuite dans les textes de crooner enrhumé, style qu’on appréciait déjà moyennement chez Timberlake et qu’il vaut mieux laisser dans les années 2000 avec les cheveux frisés et décolorés style plat de nouilles. Puis débarque If You Want It au synthé bas entêtant qui vient répondre aux violons surexcités. L’instrumentale de cet album est la plus aboutie de tous les projets précédents de Rex Orange County. Parfois délirante, parfois feutrée, elle reste cohérente mais imprévisible. Même les textes, qu’on a connus simplistes à outrance, font preuve d’une profondeur nouvelle. Now I’m painting all my walls just to see if you like the shade, avoue O’Connor sur Shade, 8e morceau de l’album. Le titre s’accompagne d’un xylophone délicat et d’une guitare qu’on imagine vert d’eau et ocre dans la tradition bedroom pop

À ce stade, on écoutera même Alexander O’Connor user et abuser de sa voix tremblotante sur la ballade de piano-bar, Shoot Me Down, juste pour cette fois. WHO CARES?, titre éponyme, clot l’album à l’aide d’une mélodie spontanée et de paroles répétées en boucle. On en oublierait presque les violons sur les morceaux précédents qui auront paré l’opus d’un attrait baroque comme des dorures par-dessus un mur couvert de posters adolescents. 

Rex Orange County a su faire fi des explorations hasardeuses au profit d’une recette attitrée et sublimée. Avec WHO CARES?, l’artiste nous sert une pop abondante et lumineuse qui sent bon la maturité, avec une touche d’abricot.

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