| Photos : Melissa Fauve
Comment mieux terminer la semaine qu’avec un concert au Botanique ? Dimanche 25 mai, c’était yeule, artiste non-binaire d’origine singapourienne qui a enflammé l’Orangerie. yeule, c’est une sorte d’OVNI sorti·e tout droit d’un jeu vidéo dystopique et iel nous a mis une vraie claque. Récit d’une soirée en 2077.
FITNESSS
On entre dans une salle noire, personne n’est sur scène et le petit public déjà formé s’écarte en son centre. Pas de pogo en vue mais bien ce que l’on devine être FITNESSS, la première partie, au milieu du parterre. Tout ce qui est perceptible, c’est la musique très expérimentale et le faisceau d’un laser rouge que FITNESSS tient en main. Ça et une sorte de console lumineuse placardée sur son torse, c’est tout ce qui illumine l’Orangerie. Dans l’obscurité, on devine la silhouette de l’artiste qui danse au sol sur des sons de techno industrielle, mêlant des synthés et des bruits. Le public le suit, rebouche les trous qu’il laisse en se déplaçant, s’écarte quand il arrive, le regarde, médusé·es, avant de taper du pied lorsque le rythme de la musique reprend le dessus. C’est intense, comme un rite chamanique, personne ne sait comment réagir. Sauf notre voisine, qui filme toute la scène sur sa Nintendo DS XL.
| Photo : Melissa Fauve
La musique est entrecoupée, comme un radio qui disjoncte, par des extraits de hits récents. Impossible de prédire son prochain coup. Il se tortille au sol, se lève et encourage des spectateur·rices à sauter au milieu du cercle qu’il a formé au rythme d’un beat soudainement devenu aggrotech avant de nous surprendre en passant un remix de Boy’s a liar Pt. 2 de Pink Pantheres et Ice Spice. Sans transition, la musique devient cinématique, digne d’Hans Zimmer, couplée au néon de lumière que FITNESSS agite en dansant, on s’attendrait presqu’à l’arrivée d’un Sith à l’Orangerie.
| Photo : Melissa Fauve
La performance de FITNESSS était pour le moins sportive, alors qu’il faisait tout l’effort physique en sautant et se roulant au sol, il a fait monter notre rythme cardiaque. On a même un peu transpiré (d’angoisse). Après avoir fait chanté toute la foule sur le refrain d’un Blame It On Your Love de Charli XCX ft. Lizzo remixé, FITNESSS a clôturé son set avec une minute de silence en hommage au peuple palestinien.
YEULE
On a 20 minutes pour reprendre notre souffle avant l’arrivée du main act, yeule. Pourtant, c’est FITNESSS qui remonte d’abord sur scène et qui prend place à la batterie, coiffé d’un bonnet noir à oreilles de lapins tombantes. Cute mais glauque. Puis, c’est yeule qui entre sur la scène, une plaie en silicone défigurant la moitié de son visage, sapé·e comme un space pirate, couvert·e de tatouages. Très steampunk ou cybergoth. Un des deux, ou un mix, on sait pas, on vous laisse juger. Sans un mot, la première chanson démarre, c’est Electric, titre de son album précédent, Glitch Princess, les cris stridents et reverberisés de yeule sur le refrain résonnent et donnent la chair de poule. Déjà, l’ambiance est, en effet, électrique.
| Photos : Melissa Fauve
yeule annonce la suivante, Bloodbunny, sur laquelle le public chantonne le refrain. Puis, le temps d’enfiler le strap de sa (très grande) guitare, iel nous raconte son rêve de la nuit dernière rempli d’insectes et nous demande de l’interpréter. C’est drôle et surtout très random. Plus tard, iel nous confie qu’iel vient de comprendre pourquoi un de ses chats était gros : il mange les croquettes de son autre chat. Et là, on se dit qu’on pourrait probablement l’écouter parler de bouffe pour chat et de blattes pendant des heures tant iel est charismatique. Le public est en admiration sur les riffs de 4ui12. Le son est bon dans la salle culte du Botanique. Tellement bon que yeule complimente le travail de l’ingé son, apparemment sosie de Timothée Chalamet. Encore un random fact, le public en raffole.
Sur Cybermeat et Softscars, de l’album du même nom, yeule joue de ses charmes en jetant ses cheveux derrière son épaule et en lançant des regards complices à la foule. Iel est magnétique, tout le monde est pendu à ses lèvres, probablement autant en crush que nous. Depuis le début du concert, une vidéo joue en boucle sur un écran. Elle illustre une ville hyper-industrialisée, complètement désertée. On est plongé·e dans ce qui semble être un futur proche et obscur.
| Photo : Melissa Fauve
yeule nous berce avec Don’t Be So Hard On Your Own Beauty, titre de Glitch Princess et son hit le plus romantique (peut-être ex-aequo avec Ghosts, qu’on n’aura malheureusement pas la chance d’entendre ce soir, snif).
I look into your eyes and see a bright white light
And you turn this horrible place
Into
Orange light, sunset in sight, you tell me not to
Be so hard on my own beauty
On reste dans le thème de l’amour avec Aphex Twin Flame, dont le public adore le refrain. Puis, iel troque sa guitare pour une telecaster pour Software update.
yeule lance un regard à FITNESSS, qui joue passionnément de la batterie depuis le début du set et lui demande s’il est prêt. La prochaine, c’est une « big one » : Sulky Baby, premier single de son dernier album. Iel s’assure que ses fans aussi sont prêt·es à enflammer le Botanique, en prenant un archet pour gratter sa guitare.
| Photo : Melissa Fauve
On entend l’influence rock des années 90 sur son dernier l’album avec Dazies dont le riff de guitare n’a rien à envier à The Smashing Pumpkins. On se fait presque écraser les pieds par des fans qui sautent. Enfin, rebondissent, plutôt. C’est comme s’iels n’étaient pas soumis·es à la gravité le temps d’une chanson.
« C’était la dernière », dit-iel en se cassant de la scène sans un aurevoir. Heureusement, personne n’y croit. Mais tout le monde se prête au jeu : « One more song » scande le public de l’Orangerie. yeule se fait un peu désirer, mais revient rapidement en nous criant dessus, pour qu’on l’acclame plus fort. Pas sympa, mais hilarant. Puis iel nous donne ce qu’on veut : une fin en apothéose avec Bites On My Neck qui clôture un concert en dehors du temps.
FITNESSS et yeule sont sûrement reparti·es de Bruxelles en vaisseau spatial pour continuer leur tournée européenne. Nous, on repart avec une étrange envie de revoir Blade Runner 2049 et de jouer à Cyberpunk 2077.
du genre à twerker sur du Phoebe Bridgers