You Of Now, Pt. 2 : Léa Sen assume ses contradictions, au risque de plaire
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Auteur·ice : Diego Mitrugno
09/05/2023

You Of Now, Pt. 2 : Léa Sen assume ses contradictions, au risque de plaire

| Photo : Diego Mitrugno

Il y a tout juste deux semaines, Léa Sen sortait son deuxième EP You Of Now, Pt. 2. Chanteuse originaire de la banlieue parisienne, elle s’est exilée à Londres et avait éveillé notre curiosité avec son premier projet You Of Now, Pt. 1 sorti chez Partisan Records en 2022. Suite du premier volet, ces cinq nouveaux morceaux confirment le statut de Léa Sen comme l’un des talents les plus prometteurs de la scène émergente londonienne.

Après avoir collaboré vocalement sur les projets d’artistes tels que Joy Orbinson, Oscar Jerome ou encore Wu-Lu, l’artiste française (de seulement 23 ans) a lancé son projet solo il y a maintenant trois ans, affirmant de plus en plus la singularité de sa proposition musicale. Pour l’occasion, nous l’avons rencontrée quelques heures avant son concert au Botanique à Bruxelles. Cheveux blancs aux reflets bleus, regard perçant, celle qui écrit, chante, compose, produit et mixe ses propres titres s’est confiée sur son art et ce nouvel opus.

LVP : Salut Léa ! Comment te sens-tu ? Tu vas bientôt sortir un nouvel EP, You Of Now, Pt. 2, tu es en tournée en Europe avec Nick Hakim, dans quel état d’esprit es-tu ?

Léa Sen : Je me sens bien. J’essaie de rester concentrée. Je sais qu’il y a toujours des choses à améliorer ou à gérer. Par exemple, hier soir à Paris, j’ai chanté des morceaux sur scène avec Nick Hakim et je travaille pour essayer de faire mieux. Je prépare également la sortie des prochains single et de l’EP. Je veux faire les choses bien.

LVP : D’ailleurs ce prochain EP est marqué de la mention “Partie 2”. Est-ce que tu peux nous parler du lien entre ces deux projets ? Qu’est-ce qui relie ces deux projets entre eux ?

Léa Sen : Pour le premier EP, You Of Now, Pt. 1, je venais d’arriver à Londres et le processus créatif était très intuitif. C’est vraiment parti de mon envie de faire de la musique, de parler de ce que je ressentais, de dévoiler une partie de moi. Mais en même temps, j’étais dans la retenue pour me protéger et ne pas révéler trop de choses. J’ai ensuite fait une première tournée, j’ai rencontré des gens dans le milieu de la musique et puis j’ai commencé à bosser sur le deuxième EP. Sur ces nouveaux morceaux, je me suis rendu compte que je ne reste plus en surface, dans l’abstraction des sentiments. J’aborde leurs nuances, leurs reliefs. Je vais plus en profondeur et m’assume davantage !

LVP : Oui, c’est comme si la partie 1 restait un peu plus en surface, alors que la partie 2 va plus en profondeur. J’ai lu que tu te sentais parfois indécise. Je me demandais comment un·e artiste apprivoise ce sentiment pour réussir à créer, à composer en faisant des choix porteurs de sens ?

Léa Sen : Je pense que c’est le propre du processus créatif. Tu es parfois remplie de doutes et d’indécisions et tu arrives quand même à faire certains choix artistiques.

LVP : Est-ce que chacun de tes morceaux a des dizaines de versions différentes parmi lesquelles tu sélectionnes la version finale ?

Léa Sen : Ça dépend de la chanson. Mais, en effet, pour le premier morceau Dragonfly, j’avais fait plein de versions où je testais des batteries différentes. Je n’étais pas convaincue par l’instru, mais j’ai quand même fait écouter une démo à mon entourage et ça leur a plu. Finalement à force de réécouter la démo, tu découvres le sens et l’importance d’un petit élément dans la compo. En fait, les meilleurs morceaux, c’est ceux dans lesquels tu n’as pas peur d’expérimenter, tu es présent à 100 %, tu testes. Puis tu sélectionnes ce qui fonctionne ou pas.

LVP : D’ailleurs, toi tu écris, tu composes, tu joues de la guitare, tu mixes. Tu fais ça de manière autodidacte ou tu te formes auprès de professionnel·les ?

Léa Sen : Aujourd’hui, Internet permet d’avoir accès à une multitude de vidéos, des tutos pour apprendre à faire de la musique. Sur Youtube, il y a des chaînes comme Mix With the Masters ou Pensado’s Place. Il y a plein d’interviews d’ingé, de mixeur·ses, de producteur·ices dans lesquelles iels donnent leurs conseils. Sur les réseaux sociaux, si tu cherches un peu, tu tombes sur des comptes qui expliquent plein de manières différentes de faire de la musique. Bref, il y a plein de ressources que j’utilise, mais l’essentiel c’est d’avoir un esprit critique. C’est pas parce que quelqu’un dit qu’il faut faire les choses d’une certaine manière, que ça va être la bonne ou celle qui te conviendra. Il faut juste trouver quelques personnes à suivre en qui tu fais confiance pour apprendre. Ensuite, il faut pratiquer tout le temps.

LVP : En écoutant l’opus, au niveau de la production, le titre Again m’a fait penser à l’ambiance musicale de la chanteuse britannique Eliza, entre héritage RnB/soul et expérimentations électroniques. Est-ce que c’est ce genre d’influence qui t’a amenée à Londres ?

Léa Sen : Je suis partie à Londres parce que j’en avais marre de Paris. Et je voyais que pas mal d’artistes que j’écoutais étaient là-bas : Radiohead, Thom Yorke, Sampha, Burial. Beaucoup d’électronique. Lianne La Havas aussi. Et j’écoutais aussi des artistes américains qui bossaient avec des producteurs de Londres. C’est plutôt ça qui m’a donné envie d’aller faire de la musique dans cette ville.

LVP : Ce sont tous·tes des artistes de la scène alternative londonienne qui expérimentent pas mal. On a justement l’impression qu’avec ce deuxième EP, c’est la direction que tu veux prendre : trouver une homogénéité sonore, tout en laissant l’espace pour expérimenter dans les morceaux comme dans Hellcat où le son devient plus métallique.

Léa Sen : Je pense que je suis plus à l’aise sur Apple Touch. Quand j’ai fait le premier EP, ça ne faisait que deux ans que je faisais de la production. La production accompagnait plus mes chansons. En 2021/2022, j’ai vraiment amélioré mes compétences en production. Je voulais pouvoir comprendre comment les sons pouvaient se mélanger de manière harmonieuse. Et ça se ressent dans ce deuxième EP. J’ai cherché à faire ressortir une touche personnelle au niveau de la production, faire des propositions nouvelles.

LVP : Et pour la suite, tu voudrais faire un You Of Now, Pt. 3 ? Ou tu envisages de faire un album ?

Léa Sen : Je penche plus pour l’album. Mais ça pourrait être cool de revenir avec une troisième partie.

LVP : Oui, même après un album, des années plus tard.

Léa Sen : Si je devais revenir avec un Pt. 3, je pense que je ne ferais que des morceaux avec des featurings. Un morceau avec six, sept personnes en featuring. Peut-être pour aller contre le fait que sur les deux premiers j’étais seule sur les projets. J’espère que d’ici-là j’aurais rencontré plein d’artistes avec qui je pourrai collaborer. J’adore mixer, produire, tout faire de A à Z, c’est un beau challenge. Et ça m’a ouvert aussi des portes puisqu’on m’a appelée pour produire ou écrire pour d’autres personnes. Mais la musique, ce n’est pas tout faire toute seule tout le temps. J’ai fait ça quelques années. Mais il y a une partie qui doit se vivre avec les autres.


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