| Photos : Hugo Payen
Ils font danser des millions de personnes à travers le monde, ont récemment enflammé l’Orangerie du Botanique et s’apprêtent à sortir l’un des EP les plus attendus de l’été : Zimmer90 est indéniablement le groupe à ne pas manquer cette année. Quelques heures avant leur date bruxelloise, Joscha et Finn nous ont raconté comment, de leur studio berlinois, c’est à travers les plus belles salles européennes que leur musique à conquis les cœurs.
C’est à Berlin, capitale aussi folle qu’éclectique, que Zimmer90 prend vie courant 2018. D’une passion commune pour la musique, Joscha et Finn, jeunes compositeurs de génie à l’inspiration infinie, finissent rapidement par ne faire qu’un. Une sortie musicale en enchainant une autre, le duo attire l’œil – et l’oreille des plus aguerri·es.
D’un premier EP, Fall Back, en 2021 à leur récent Lake Diaries à la vulnérabilité débordante, le duo a fait du chemin. Un son léché sur des sonorités chaudes dont il est impossible de s’échapper, vous nous en direz des nouvelles. Plus forts à chaque nouveau projet, la sortie de What Love Is ne fait que renforcer la chose. Pour égailler vos plus belles soirées d’été, on y retrouvera quelques classiques comme Summer Rain, Under The Moon ou leur langoureux Drowning, mais aussi quelques jolies nouveautés.
Victimes de leur succès sur les réseaux sociaux, impossible de ne pas avoir entendu leur incontournable What Love Is, premier tube de ce nouvel EP éponyme aux couleurs qui sentent bon l’été. Dans les couloirs vitrés de la salle bruxelloise – que l’on aime par ailleurs appelé notre deuxième maison –, Zimmer90 nous raconte.
La Vague Parallèle : En 2018, vous sortez Knocking, premier morceau sous Zimmer90. Quand on vous voit aujourd’hui on pourrait penser que vous avez fait ça toute votre vie ! C’était comment sur le moment, de se dévoiler comme ça pour la première fois ?
Joscha : Pour nous, Knocking était plus une démo perdue dans notre disque dur qu’autre chose, je dirais ! Officiellement, c’est quand on a sorti Moving en 2020 que tout a commencé. On avait besoin de créer notre page Spotify (rires). Je ne dirais pas que c’était une fausse sortie, mais Moving était le premier morceau sur lequel on a vraiment fait attention. Pour le coup, c’était assez paisible comme sortie, on ne s’attendait à rien de spécial. On voulait juste faire notre musique finalement, et que d’autres personnes puissent l’écouter et en profiter autant que nous.
Finn : En fait, c’est nos ami·es qui nous ont poussé à sortir notre musique sur les plateformes (rires). Iels voulaient pouvoir l’écouter quand iels le voulaient.
LVP : Un sentiment qui reste le même encore aujourd’hui, avec la sortie de Lake Diaries en septembre dernier par exemple ou de What Love Is, ou c’est d’autant plus stressant justement ?
Joscha : En réalité, on se force à éviter toute pression ou du moins de la garder au minimum. Déjà parce que c’est comme ça qu’on préfère notre musique, sans aucune pression de nulle part et en toute liberté, finalement. On ne cherche jamais à faire un tube ou à faire de la musique pour les autres. Et c’est bien pour ça je pense, qu’on ne se sent jamais réellement stressés par une sortie. On a plus de choses à gérer aujourd’hui, c’est sûr, mais ça ne modifie en rien notre manière de penser ou notre manière de créer.
LVP : Il est né comment ce projet Zimmer90, d’ailleurs ?
Josch : On avait chacun envie de créer un groupe depuis nos 13-14 ans, je pense ! On n’avait juste jamais trouvé les bonnes personnes pour nous accompagner. C’est notre professeure de piano qui nous a mis en contact finalement. On s’est rapidement liés d’amitié, puis on a commencé à jouer ensemble. D’abord pour le fun, puis on s’est dit “pourquoi pas?” !
LVP : En septembre dernier, on en parlait plutôt, vous sortez Lake Diaries. Une collection de souvenirs qui émanent d’un même endroit bien particulier pour vous. C’est quoi l’histoire de ce lieu que vous décrivez comme votre safe place ?
Finn : En général, on est vraiment inspirés par l’espace qui nous entoure, par notre environnement. On adore bosser dans des lieux qui nous inspire, avec lesquels on se connecte rapidement. Des lieux où le soleil passe et qui ont une âme, une histoire. Pour le coup, Lake Diaries fait référence à cette maison en bord de lac dans le sud de l’Allemagne. On revenait de notre première expérience de tournée. Première fois qu’on prenait la route, c’était assez fou, pas mal intense. On n’avait jamais joué pour des personnes venues juste pour nous (rires). Après cette première tournée, où chaque petite chose était intense, on avait besoin de revenir à quelque chose de calme. On le sentait vraiment au fond de nous. On connaissait cet endroit et ça nous a semblé évident d’y retourner pour être au calme, en pleine nature, et profiter de toute cette beauté qui nous entourait. Ce qui nous a pas mal aidé à redescendre de la tournée et à nous recentrer. C’est là qu’on a retrouvé notre créativité et qu’on a réussi à mettre toute cette énergie positive de tournée, tous ces souvenirs, ces émotions, en musique.
LVP : Quand on écoute l’EP, on sent que la vulnérabilité ne vous fait plus peur. Que c’est d’autant plus facile qu’avant de vous mettre à nu émotionnellement. Sur le morceau Summer Rain, vous écrivez d’ailleurs ces mots : « take a break by the waves and you will start to see the colors I’m waiting for the summer rain to and all my fears got washed away ». C’est un peu l’idée au cœur de l’EP non, ce nouveau démarrage ?
Finn : Oui complètement ! C’est vraiment ce sentiment que nous renvoie cet endroit justement.
LVP : Quand on écoute votre discographie, on sent une certaine évolution au niveau de vos sonorités, comme une exploration à travers laquelle vous essayez de vous trouver musicalement, finalement. Sur vos deux derniers EP, on sent que vous avez trouvé ce que vous cherchiez.
Joscha : Je dirais que Lake Diaries est le plus spécial pour nous, de ceux qu’on a sortis auparavant, surtout parce que c’est la première fois qu’on fait tout nous-même de A à Z. Comme si on avait réussi à capturer quelque chose de très naturel finalement. Tout était super simple et authentique : que ce soit l’écriture, la création ou la sortie. Beaucoup d’artistes ont du mal à réécouter leur morceaux au fil du temps et je ne sais pas pourquoi, mais je sais qu’avec cet EP, ce sera tout le contraire. On en est hyper fiers.
LVP : Je suppose que ça vous a permis de découvrir de nouvelles perspectives musicales aussi, sur la suite de l’aventure.
Finn : Je pense qu’on a pas mal exploré musicalement parlant oui ! Sur cet EP, il était aussi question d’aller creuser notre confiance en nous. Comme le disait Josch, on a tout fait nous-mêmes cette fois-ci. On a eu de l’aide sur les productions par-ci, par-là, mais on était en grande partie seuls. On était les seuls à prendre les décisions finales. Par exemple, j’ai longtemps questionné le caractère très calme et doux que Summer Rain possède. Mais c’est aussi ça dont il était question : aller se challenger sur la vision de notre musique. Prendre chaque petite pensée, chaque doute, chaque « est-ce qu’on devrait faire ça ou non » et les questionner pour en tirer le meilleur. En fin de compte, c’est l’expérience la plus gratifiante.
LVP : Travailler seul en musique peut rendre les choses plus simples parfois. Mais je suppose que douter à deux rend aussi la chose plus intéressante ? C’est une force d’être deux ?
Josch : Il faut savoir qu’avec Finn, on est tellement différents ! Quand il lui manque quelque chose, j’arrive souvent à combler la chose et inversement. On fait pas mal de démos chacun de notre côté mais c’est quand on est à deux et qu’on mélange le tout que la magie opère réellement. Être à deux permet d’apporter la vision manquante au projet sur lequel on bosse. C’est quand les idées de l’un se mélangent à celles de l’autre qu’on se sent vraiment en confiance finalement.
LVP : On en parlait plus tôt, vos morceaux sont un peu plus vulnérables. On peut dire un peu plus mélancoliques aussi ? Que ce soit au niveau des couleurs, mais aussi du choix des mots.
Finn : J’aurais tendance à dire plus contemplatifs et réfléchis que mélancoliques. Ce qui se traduit peut-être par un peu de mélancolie chez certains, d’ailleurs. En fait, on fait d’autant plus attention à notre écriture qu’avant, à la manière dont on raconte ce qu’on veut dire. De manière peut-être plus introspective aussi, d’une certaine manière. On adore osciller entre ce côté plus extraverti et ce sentiment plus introspectif !
LVP : De plus en plus de groupe fonctionnent avec ce format plus court d’EP. Un format plus condensé qui permet de raconter une même histoire sous plusieurs prismes. C’est quelque chose que vous aimez faire depuis le début.
Josch : En fait, on ne se ferme aucune porte, on est ouverts à tous les formats. Je pense que ce format d’EP nous permet de continuer à explorer notre univers et à trouver ce qu’on veut faire musicalement. Lake Diaries par exemple, c’est vraiment une histoire qu’on a voulu raconter du début à la fin et qu’on a écrit et composé dans cette idée. Alors que pour notre nouvel EP, What Love Is, on n’avait aucune idée, sur le moment, que ça allait devenir un EP (rires). On a commencé à écrire quelques morceaux, à composer sans réellement y réfléchir, puis on a fini par avoir une collection de six morceaux qui s’imbriquaient plutôt bien. On a vraiment envie de pouvoir faire un album un jour, on adore en écouter ! Puis, il se pourrait qu’on travaille sur quelque chose en ce moment. Je dirais que le format d’EP nous convenait et nous convient parfaitement pour le moment, déjà parce qu’on est indépendants. On doit donc s’occuper de plein d’autres choses sur le côté, qui nous prennent pas mal de temps aussi … Du temps qu’on prend sur la création pure et dure finalement.
LVP : Vous avez une autre passion qui vous rapproche en dehors de la musique : c’est l’architecture, et l’art en général. Vous diriez que la manière dont vous percevez l’architecture impacte la manière dont vous faites de la musique ?
Joscha : On a besoin de faire de la musique dans ces endroits gorgés d’histoire, dans des pièces où l’on se sent libres. Impossible pour nous de faire de la musique dans nos chambres ou dans un grenier sans fenêtre. Les grandes fenêtres, c’est l’élément le plus important (rires). On ne veut pas avoir ce truc de « bureau » en guise de studio. On adore faire notre studio dans des endroits où des gens ont vécu. On veut juste pouvoir ramener nos chaises, nos plantes, et c’est bon. On a pas mal bossé dans la maison de mon grand-père par exemple, où tu sens qu’un couple y a vécu pendant 80 ans ! C’est vraiment le plus important pour nous. On est pas très studio traditionnel, de par notre passion pour l’architecture, je pense. On n’est pas en recherche du son le plus pur finalement, mais plus à la recherche d’une âme.
Finn : D’un point de vue plus conceptuel, on trouve que la musique et l’espace sont super connectés par exemple. La musique arrive à créer un espace très abstrait, finalement. Que tu l’écoutes dans ton casque ou à un concert, c’est tout un univers spatial qui se crée. C’est cet espace qu’on tend à trouver quand on compose à deux. Il y aura toujours cet espace qui va s’en dégager ! C’est ce qui rend la chose super intéressante et inspirante aussi, de ne pas voir la musique sous un seul prisme. C’est d’ailleurs pour ça qu’on s’appelle Zimmer90, qui veut dire « chambre 90 ». Ça englobe assez bien ce côté très spatial qu’on veut apporter à travers nos productions et notre manière d’appréhender la musique en général, du coup. Tout se rapporte à l’espace, je trouve ! Un morceau créé dans cette pièce-ci ne sonnera absolument pas de la même manière qu’autre part. C’est un peu le pouvoir de la musique (rires) !
LVP : De par cet espace, c’est presque impossible de ne pas se sentir transporté·es dans une imagerie cinématographique chaleureuse quand on écoute Zimmer90. Comme une manière d’échapper à notre réalité, finalement. Il y a d’autres formes d’art qui vous inspirent au quotidien ?
Finn : Je dirais la poésie ! Comme on l’expliquait, c’est vraiment quelque chose qui nous touche ces derniers temps et sur laquelle on travaille beaucoup. Le fait que tu abordes ce sentiment d’escapade cinématographique, c’est le meilleur des compliments parce que c’est vraiment ce qu’on cherche à faire en musique : extirper l’auditeur·ice de sa réalité le temps d’un instant. Et c’est quelque chose qui passe aussi par le choix des mots. L’histoire que tu racontes c’est quelque chose, mais la manière dont tu vas la raconter et la manière dont elle va résonner phonétiquement l’est tout autant !
LVP : Comment ça fonctionne en studio à deux ?
Joscha : Ce qui est fou, c’est que chaque journée est différente de la précédente. Parfois, Finn va prendre la basse, moi le synthétiseur, et on commence à jammer. Parfois, on trouve, parfois non, puis on part sur autre chose ! On écrit séparément, par contre. J’adore écrire seul au piano par exemple. D’expérience, c’est d’ailleurs mieux quand j’arrive à trouver un peu de solitude pour écrire. Puis, je montre tout à Finn, on retravaille les paroles ensemble et on enchaîne sur la musique. Après, on adore changer de processus en permanence, sinon on perd de notre essence. Ça nous arrive de ne rien écrire pendant des semaines mais de jammer sans s’arrêter pour voir ce qui en ressort. Ça ne nous arrive pas trop de ne pas avoir d’inspiration finalement, on est tous les deux continuellement entrain de composer ! Je me rappelle pas m’être assis sans avoir un minimum d’inspiration. Mais c’est surtout parce qu’on a des approches différentes et qu’on se complète plutôt bien. On fait pas mal de reprises aussi, ça nous force à ne jamais réellement nous arrêter. On a tellement de possibilités dans ce processus de création, qu’on ne s’ennuie jamais (rires).
LVP : C’est facile de rester inspirés, en tournée ?
Joscha : On n’écrit pas trop pendant les tournées, c’est pour ça qu’on est parfois un peu tristes de partir trop longtemps. On prend tellement de plaisir à créer que c’est dur de s’arrêter. Juste avant de partir pour cette tournée européenne, c’est ce qu’on a eu ! On était tellement à fond sur la création de What Love Is qu’on a eu du mal de quitter le studio (rires). Tu dois changer de mode de vie aussi, ce n’est pas toujours quelque chose d’inné, je dirais. On est deux personnes qui aimons beaucoup être dans un environnement paisible et calme. Les tournées, c’est hyper excitant et magique, mais tu n’as jamais vraiment le temps de te poser et d’écrire. En tous cas pour le moment. Puis j’aime bien aussi l’idée de séparer ces deux mondes, de se concentrer sur une chose à la fois.
LVP : Vous parliez plutôt du fait qu’être artiste indépendant veut aussi dire devoir faire un tas de choses en dehors de la musique en elle-même. Vous êtes un groupe assez présent sur les réseaux sociaux, que ce soit Tiktok ou Instagram où votre morceau What Love Is a pas mal tourné. Vous montrez pas mal les dessous de la création, vos quotidiens en tant que groupe, les hauts mais aussi les bas, etc. Aujourd’hui, on peut dire que c’est presque devenu une nécessité pour les artistes de communiquer à fond sur les réseaux sociaux. Alors que ça peut sembler facile pour certain·es, pour d’autres, c’est quelque chose qui s’apparente au fardeau d’être omniprésent·e comme ça. C’est devenu partie intégrante de ce qu’est être un·e artiste aujourd’hui finalement. Vous l’avez appréhendé comment, vous ?
Finn : Au début, ce n’est clairement pas quelque chose de naturel. On voulait juste faire notre musique. Mais comme tu dis, ça fait partie du jeu aujourd’hui, on va dire. Chaque artiste va l’imaginer de manière différente, ce truc de marketing. Pour nous, c’est Josch qui a réalisé le pouvoir que peuvent avoir les réseaux sociaux aujourd’hui. C’est seulement quand tu t’y lances que tu peux comprendre la puissance de cet outil. On a accepté que ça faisait partie de notre travail, comme chaque job à ses côtés négatifs finalement. On a voulu utiliser cet outil à notre sauce sans trop dénaturer qui on est. On est arrivés à un point où oui, ce n’est clairement pas notre partie favorite, mais on réalise à quel point ça nous aide en tant qu’artistes indépendants. On a juste décidé de faire le contenu qu’on aime et on en est assez contents en fin de compte. C’est quelque chose que tu n’avais pas dans les années 80, communiquer comme ça sur tes projets. Puis ça te permet aussi de plonger les personnes qui te suivent dans un univers visuel, qui rajoute au sonore ! Il y a quarante ans, c’était plus compliqué de toucher des personnes hors Europe, par exemple. Avec les réseaux sociaux, tu brises aussi cette barrière géographique !
LVP : Dans votre playlist d’artistes qui vous inspirent, on retrouve pas mal de beaux noms comme Men I Trust, Kaytranada, Jungle, Cannons, NEIL FRANCES et j’en passe. Des groupes qui décrivent assez bien votre univers musical. À l’heure où on parle, vous mettriez qui dans cette playlist ?
Joscha : On adore le dernier album de Khruangbin ! Surtout en tournée, c’est quelque chose qui nous apaise pas mal. Puis on a toujours un peu de Tame Impala et de Mac Demarco dans les oreilles. Je déteste cette question ! J’arrive jamais à me me rappeler sur le moment ce que j’écoute puis ça me revient après (rires). Je dirais qu’en tournée, on sera plus sur de la musique plus ambiante, plus relaxante.
Toujours au premier rang d’un concert par amour mais surtout parce que je suis le plus petit. Je fais de la mélancolie mon principal outil.