Hi-Fidelity : le manifeste indie de Lava La Rue est une ode au changement
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
04/08/2022

Hi-Fidelity : le manifeste indie de Lava La Rue est une ode au changement

| Photo : Amir Hossain

“Un dernier projet qui sert de passerelle entre la version de Lava qui a débuté et la personne que je suis en train de devenir.” Lorsque Lava La Rue présente son dernier EP Hi-Fidelity, le message est clair : il est venu le temps du changement. Après plusieurs sorties remarquées qui voyageaient de registre en registre, du hip-hop à la pop lo-fi, l’artiste british dégaine un 5-titres à l’esprit décontracté, guidé par des lignes de basses crémeuses et un tandem rap-chant plus assumé que jamais.

Lorsqu’on découvrait sa musique en 2019 sur son album StitchesLava la Rue exploitait avec curiosité et versatilité un registre plus hip-hop/rap qui lui vaudra depuis d’être trop facilement étiqueté·e rap – pour le meilleur et pour le pire. En parallèle, son esthétique rebelle et ses collages Tumblr en guise de pochettes lui apporteront rapidement l’auréole DIY de la musique lo-fi.  Seulement, cette époque est révolue. Le titre de ce nouveau travail est d’ailleurs un clin d’œil à cette rupture avec cette image lo-fiHi-Fidelity est une collection pensée, composée et sublimée en studio, avec un équipement et une poignée de collaborations à la hauteur des fantaisies que Lava voulait mettre en musique.

À la tête de du collectif londonien NiNE8 Collective, qui rassemble des noms à suivre tels que Biig PiigNayana Iz ou McWetha, l’inépuisable électron libre qu’est Lava La Rue n’a de cesse de décupler ses casquettes. On retrouvait d’ailleurs sa vision à la réalisation du clip de Ur Mum, tube des sensations Wet Leg. C’est qu’après plusieurs années dans l’industrie musicale, la volonté de s’affranchir des limites de son art devient brûlante, et un disque comme Hi-Fidelity représente une manière adéquate de l’exprimer.

 

On aurait tendance à vous conseiller d’écouter Hi-Fidelity dans l’ordre, tant la setlist semble retracer l’évolution artistique de l’interprète-multi-instrumentiste : Don’t Trip est ce qui se rapproche le plus de la fibre hip-hop/rap de ses débuts tandis que Motel joue la carte d’un rock indé vaporeux où le chant et les sections instrumentales occupent presque tout l’espace. Mention spéciale pour les imprévisibles beatswitches de Cry Baby qui fluctue subtilement entre tempos et moods en un claquement de doigts. Des choix stylistiques qui appuient le message de transformation de Lava La Rue, qui en profite pour donner toute sa légitimé aux sections chantées, maîtrisées et envoutantes, son timbre se révélant à la fois voilé et joueur, pas très loin de ce que propose sa comparse Biig Piig. Les deux compatriotes se rejoignent d’ailleurs sur le titre éponyme de l’opus. Produit par Isom Innis, membre du groupe Foster The People, le track Hi-Fidelity est un véritable highlight du disque grâce à sa vibe hybride de disco-R&B et le bridge céleste de Biig Piig.

On ne peut s’empêcher de se laisser aspirer par le parfum seventies irradié des compositions à la fois groovys et enfumées d’un titre comme Don’t Come Back. Au delà de sonorités généreuses et envoutantes, portées par une ligne de basse plus résonnante encore que sur les autres titres, le morceau brille par son texte candide. Des lignes comme “So how can we fix this? It’s turned to serious business/And I don’t think I’m having any fun no more” se font entendre, exprimant la peur de la codépendance et du concret. Un morceau écrit en équipe avec la visionnaire Saya Gray – autrice de 19 MASTERS, son premier album sorti plus tôt cette année, brillant de complexité.

La mue de Lava La Rue semble s’opérer sans embûches, et l’atmosphère détendue des cinq titres de Hi-Fidelity confirme que l’artiste traverse une période prospère et saine pour son art. Avec des moyens techniques qui rendent l’expérimentation plus accessible et moins brouillonne, iel s’émancipe du statut d’artiste DIY pour s’aventurer dans la cour des grand·es et proposer un opus carré au niveau des sons, sans pour autant délaisser le fun, infusé ici par des références variées, de la soul au jazz funk en passant par un disco groovant à souhait. Lava se repositionne librement sur le spectre du genre musical, non pas pour s’approprier un registre au détriment d’un autre, mais plutôt pour s’approcher au mieux d’un milieu plus abstrait, à la croisée de ses genres de prédilection.