Avec Malabar Princess, Vendredi sur Mer prend de l’altitude pour retrouver ses racines
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Auteur·ice : Chloé Merckx
05/06/2025

Avec Malabar Princess, Vendredi sur Mer prend de l’altitude pour retrouver ses racines

Il n’est pas si lointain, le temps ou nous faisions pleurer les garçons sur Larme à gauche. Paillettes sur les yeux et verre de rosé à la main, le parlé-chanté de Vendredi sur Mer a accompagné nos soirées d’éternel·les adolescent·es d’un halo rose et mélancolique. Depuis Premiers émois (2019), Charline Mignot, de son vrai nom, n’a cessé de se réinventer, allant de la pop sensuelle et cinématographique aux sonorités plus électro dans un second album plus brut. Pour son troisième disque, l’interprète de Écoute Chérie a troqué les boules à facette et les fumigènes pour de l’air pur et des grands espaces. 

Parce qu’il faut parfois prendre de la hauteur pour y voir plus clair, c’est dans les Alpes suisses de son enfance que Vendredi sur Mer s’est exportée pour puiser de l’inspiration. Loin de ressembler à un avion figé dans la glace, Malabar Princess est un album vibrant et coloré mais ne délaisse pas pour autant sa mélancolie des Premiers émois. À l’occasion de la sortie de ce troisième opus, nous avons pu discuter avec l’artiste de ce retour aux sources en altitude.

La Vague Parallèle : Bonjour, comment vas-tu ? 

Vendredi sur Mer : Ça va merci !

LVP : Ton album vient de sortir, comment s’est déroulée cette release pour toi ? 

Vendredi sur Mer : Très bien, franchement je suis très contente, je l’ai vécu de manière très positive, très calme, tout se passe bien. Maintenant j’ai hâte de partir en tournée et de le faire vivre sur scène.

LVP : C’est ton troisième album, est-ce que tu commences à avoir l’habitude des sorties où au contraire, le stress est toujours le même ?

VSM : Franchement, quand on me demandait “alors, t’es stressée ?” je répondais non. Pour le coup ça va, mais c’est une première. D’habitude, je suis méga stressée. Là non, c’était assez chill quoi ça fait du bien aussi.

LVP : Est-ce que tu penses que c’est lié à cet album là en particulier ? Tu l’as approché différemment ?

VSM : Oui je crois, je voulais quelque chose de simple je ne voulais pas être un personnage comme la Vénus du premier album, j’avais envie que ce soit au plus proche de qui je suis et donc je pense que ça m’a permis de d’avoir une autre approche de la musique, même l’image et de la sortie et je pense que ça a eu un lien.

LVP : Tu étais moins dans la construction d’un personnage et plus dans ce truc de retour aux racines ? 

VSM : Oui c’est ça, exactement.

LVP : Tu as choisi d’appeler ton album Malabar Princess en référence à une histoire de crash d’avion dans les Alpes, mais on ne retrouve pas vraiment de lien dans l’album. 

VSM : Non, si ce n’est que ça s’est produit sur le Mont Blanc et que j’ai grandi avec cette histoire et dans ce lieu. Je trouvais que c’était déjà un très beau nom et puis, je ne sais pas, c’est arrivé comme ça et je n’ai pas réussi à m’en détacher. Je me suis posé la question parce que c’est quand même un drame, et en fait déjà je me suis rendu compte qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui connaissaient cette histoire alors qu’en Suisse on connaît toustes quelqu’un de près ou de loin une personne qui a été alpiniste, sauveteur·euse ou qui a aidé aux recherches.
Mais en vrai mis à part le nom et la localisation il n’y a pas de lien avec le crash réellement.

LVP : C’est vrai que nous on ne connaissais pas du tout cette histoire donc on a plutôt pensé aux chewing-gum Malabar qu’à un crash d’avion.

VSM : Oui oui c’était le cas pour beaucoup de gens. Mais après je trouve pas que l’album soit triste quoi, je pense que si l’avion s’appelait un truc super deep tu vois ça aurait pas collé mais là justement je trouvais que ça marchait plutôt bien.

LVP : Dans cet album la montagne est fort présente dans ton champ lexical, mais on voulait savoir comment tu l’avais intégré musicalement ?

VSM : En fait sur chaque album j’ai des références très différentes. Pour le premier album c’était très années 70-80,  Michel Legrand, sur le deuxième j’avais envie de quelque chose de plus techno parce que ça me manquait sur scène je trouvais que c’était trop gentil trop mignon et j’avais besoin de transpirer un peu, et sur celui ci j’avais envie de d’un peu plus de rock, d’un peu plus  d’un peu plus de guitare d’un peu plus de batterie quelque chose de plus plus organique aussi et et aussi peut-être plus proche de ce que je pouvais écouter quand j’habitais là-bas. C’était la grosse époque du rock aussi quand j’étais ado donc je pense qu’il ya des petits liens.

Vendredi sur Mer

LVP : Est-ce que tu as une madeleine de Proust musicale ?

VSM : Oui j’en parlais justement tout à l’heure,  il y a un album que j’écoute, je pense, toutes les semaines ou au moins une fois par semaine mais c’est Eye In The Sky de The Alan Parsons Project et je m’en détache pas quoi. C’est pas un album qui m’a marqué enfant, c’est plus un truc de fin de l’adolescence. Après en termes de madeleine de Proust, mon père il écoutait tellement de musique que je saurais pas choisir un truc, je vais te dire Renaud parce que vraiment mon père m’a bercé à ça, et après j’écoutais plein de trucs qu’il écoutait aussi comme Manu Chao, La Rue Kétanou, Pink Floyd, c’était hyper varié quoi.

LVP : La nostalgie c’est quelque chose de central dans cet album, est-ce que c’est quelque chose que tu cultives consciemment pour ta musique ou est-ce que ça te tombe juste dessus ? 

VSM : J’aime bien, j’aime ça la nostalgie, je suis très nostalgique. Je repense souvent au passé, à des choses, les souvenirs c’est hyper important pour moi. Dans ma vie en tout cas oui je suis assez nostalgique mais plus dans le bon sens du terme, quand tu es nostalgique de quelque chose c’est quelque chose qui était bien, qui était beau, qui était agréable. Après sur cet album il y a de la nostalgie mais il y a surtout de la nouveauté. J’ai revu des gens que je n’avais pas vu depuis des années, j’ai redécouvert les montagnes que j’avais fui donc c’est plus un renouveau qu’une nostalgie. J’ai l’impression de découvrir les montagnes, les gens.

LVP : Est-ce que tu écris pour fixer les émotions ou pour t’en détacher ? 

VSM : Ça dépend des chansons. Un peu des deux, ça reste quand même une bonne thérapie, les chansons. Et aussi, parfois, je comprends ce que j’ai écrit quelques temps plus tard ou quelques années plus tard. Parce que parfois, c’est un peu inconscient et on choisit des mots, on ne sait pas trop pourquoi. Donc je me libère et en même temps, je ne m’en libère pas tant que ça puisque je m’y rattache et que je les chante. Donc au final, elles restent quand même. Mais c’est une manière de lâcher un peu prise.

LVP : Et par rapport aux mots, justement, est-ce qu’il y en a qui reviennent plus que d’autres ? 

VSM : Aujourd’hui on m’a dit que je répétais souvent “les démons, les monstres” et je me suis dit “ouais c’est vrai” même si je m’en rends pas trop compte. Après il y a des termes que je dois employer assez souvent, des formulations des choses comme ça mais j’avoue que je m’en rends pas trop compte. Mais là, on m’a dit que j’avais pas mal utilisé les démons, les monstres. Et en même temps, c’est drôle parce que mélodiquement mes chansons sont pas spécialement tristes ou quoi.

LVP : Mais ce qui rend l’album chouette ce sont aussi les tensions et les contradictions. 

VSM : C’est vrai que la seule chose dont j’étais sûre il y a deux ans de cet album, c’est que je voulais quelque chose de solaire. Et en fait à un moment j’ai dit à ma manager que je n’y arrivais pas, que ça me bloquait, que je voulais écrire des chansons joyeuses mais je me rendais compte que je savais pas faire ça. Et elle m’a dit, “Mais t’as jamais fait ça, Charline.” Je lui ai répondu “bah, si.” et elle m’a dit : “Non, lis tes paroles, c’est pas joyeux.” Les sons sont joyeux et c’est entraînant, mais c’est pas foncièrement joyeux. Donc disons que c’est des chansons tristes sur lesquelles on danse, j’aime bien ce ce ce ce paradoxe là donc ça me dérange pas.

LVP : Tu as aussi une certaine proximité avec les arts visuels, tu as été photographe, est-ce que lorsque tu composes, tu imagines d’abord des images ou des sons ? 

VSM : Je pense d’abord en son. Mais c’est vrai qu’au début, je pense que j’avais peut-être moins de termes techniques pour m’exprimer sur ma musique donc c’est vrai que les images ça m’aidait pour faire comprendre aux autres ce que je recherchais dans les sons. Ça m’est déjà arrivé de dire par exemple : “imagine que tu es dans une ruelle un peu sombre avec une petite lumière.’ Maintenant je fonctionne de plein de manières différentes et un peu moins avec les images, mais ça m’arrive encore.

LVP : Est-ce que pour toi la musique est une façon de capter des instants comme on le ferait en photo ? 

VSM : Moi je l’imagine plutôt comme un GIF. Parce que c’est figé, mais ça bouge tout le temps. Par exemple en live j’ai des automatismes, je chante Les filles désir sur scène depuis des années avec un certain placement précis de la voix. Et lorsque j’ai fait ma setlist pour la tournée précédente j’ai ré-écouté la chanson, et je me suis rendue compte que je ne la chantais plus du tout de la même manière. Et je n’avais pas capté mais j’ai décalé tout plein de mots, j’ai rajouté des trucs, et dans ma tête c’était comme ça sur le disque alors que pas du tout. Donc au final c’est figé mais ça bouge tout le temps, ça évolue, et quand tu chantes une chanson des tonnes de fois sur scène la version studio te semble plate. Et parfois dans ce que je raconte ça évolue aussi. Ça arrive que je ne sois plus du tout en adéquation avec ce que je disais, ce qui est normal parce que ce sont des moments différents de ma vie. Mais par contre, ça peut se référer à un autre moment de ma vie actuelle. C’est philosophique, c’est un peu chiant peut-être. (rires)

LVP : Non, ça nous intéresse. (rires) Mais c’est vrai que maintenant qu’on voit ces trois albums l’un à la suite de l’autre, on voit qu’ils représentent différentes étapes. Est-ce que c’était un choix de faire quelque chose de très différent à chaque fois ?

VSM : Oui, parce que ça m’ennuie sinon. Déjà, ça n’a aucun intérêt de faire la même chose sur trois albums. Je me serais ennuyée, les gens se seraient ennuyés. Et puis parce que j’avais envie de voir autre chose, de découvrir autre chose. Et puis c’était en adéquation avec qui j’étais aussi au moment même. Donc c’est sûr que ça se ressemble pas et peut-être que ce n’est pas très marketing parfois, quoi parce que tu te dis : “bah le premier il a marché vas-y essaye de refaire la même chose sur le deuxième”. Mais moi ça me fait un peu chier quoi, ça m’intéresse pas. Ils sont très différents je pense, mais je les aime tous les trois pour ces raisons.

LVP : Justement sur cet album tu as une chanson qui s’appelle Pour toi, sur le fait d’écouter ses envies. Est-ce que c’est difficile d’écouter tes envies dans cette industrie ?

VSM :  Ah non, franchement j’ai trop de chance parce que je faits absolument ce que je veux. Et mes équipes me font confiance, me soutiennent. Et si je n’ai pas envie de faire un truc, je ne le fais pas. Après, j’aime bien avoir leurs conseils et leurs avis, mais je suis assez têtue, donc si j’ai décidé d’un truc, c’est compliqué de me faire changer d’avis. (rires)

LVP : Pour Malabar Princess tu as collaboré avec Adrien Gallo, comment ça s’est fait ?

VSM : En fait, j’avais envie d’avoir des chansons un peu plus du style variétés. Et Adrien, c’est un immense compositeur, c’est aussi un des mecs les plus gentils que je connaisse, un des mecs les plus drôles malgré lui. C’est vraiment un pitre sans même faire quoi que ce soit. Et donc, il y a un lien qui s’est créé immédiatement. Au début, c’était vraiment pour avoir sa patte à lui et qu’il m’emmène aussi vers un univers où moi, j’étais peut-être un peu moins.
Et puis, après, il a bossé sur pas mal de titres, il m’a aidé en top line. On avait fait une chanson tous les deux mais qui est encore dans mon tiroir et peut-être sortira…

LVP : Sur une réédition? (rires)

VSM : Par exemple. (rires)

Vendredi sur Mer

© Chloé Merckx

LVP : Tu vas partir en tournée très prochainement, comment as-tu préparé ton show pour qu’il colle avec cet album ?

VSM : On a fait quelques répètes, et c’est vrai qu’au début je ne savais pas vraiment comment on allait faire coexister ces trois albums qui sont très différents dans un même live. Et en fait ça fonctionne par la magie des musicien·es et des arrangements et franchement c’est un show hyper chouette. Mais par exemples aux Nuits ça sera une heure donc le format festival c’est vraiment une autoroute. Mais en fait plus on a d’albums plus on a de choix dans les chansons pour ne garder que le meilleur.

LVP : Est-ce que pour toi c’est compliqué d’aborder des chansons personnelles devant une foule de têtes ?

VSM : Ça l’est moins qu’au début. J’avais un peu peur. Pas du jugement forcément mais c’était comme si je racontais mon intimité à, genre 100 personnes. Mais je me suis détachée de ça et puis je me suis aussi rendue compte que ce que je racontais, les gens les percevaient à leur manière. Ils se disent pas “Ah ouais elle est comme ça, elle pense comme ça, elle aime pas cette personne”. En fait les gens écoutent et ça devient leur chanson, ce n’est plus la mienne. Donc aujourd’hui je suis complètement détachée, ça rend la chose moins flippante, je trouve.

LVP : Qu’est-ce que tu espères que les gens retirent de ce album?

VSM :  Déjà, j’espère qu’iels vont l’aimer et retenir des émotions, quoi. Qu’iels vont s’apaiser de certains trucs, vont pleurer sur d’autres et voilà,

LVP : Merci beaucoup ! 

VSM : Merci à vous !

NB : Si vous l’avez ratée aux Nuits du Botanique, pas de panique ! Vendredi sur Mer sera de retour en Belgique pour deux autres dates :

  • Le 13.07 au festival La Semo à Enghien
  • Le 27.11 à La Madeleine à Bruxelles

 

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