Les clips de la semaine #55
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
19/01/2020

Les clips de la semaine #55

Les clips de la semaine, c’est votre rendez-vous du dimanche. Pour faire passer votre gueule de bois et pour adoucir votre week-end, on vous sélectionne les clips qui ont fait l’actu de ces derniers jours. Les clips de la semaine épisode 55, c’est maintenant !

Murman Tsuladze – La flemme de danser

Putain, enfin ! Un des projets les plus excitants du moment débarque enfin sur les internets audiovisuels avec La flemme de danser. Et au vu dudit clip, cela valait le coup d’attendre ! Si Murman Tsuladze nous avait confié à Pete The Monkey être vendeur de tapis volant lors de sa toute première interview (interview complètement débridée qui vaut le détour, d’ailleurs), il semble depuis s’être reconvertit en reporter de terrain. Accompagné de ses fidèles Krikor et Zaouri, il suit le cortège des manifestations qui chamboulent Paris. De République à Bastille, cela donne des images surréalistes : pas de danses devant les fourgons des CRS, reportage de terrain au milieu de la foule, scènes de liesse entrecoupées d’affrontements avec les forces de l’ordre… Un clip jouissif qui dévoile, tout de même, l’étendu des secousses qui agitent la capitale. Faut-il y voir le message que, quel que soit le climat politique, la culture s’en sortira toujours ?

 

U.S. Girls – Overtime

Le minimalisme pète la forme. C’est le retour fracassant de Meghan Remy et de son projet si alléchant qui annonce un nouvel album, Heavy Light, attendu pour le 6 mars prochain. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, c’est à travers le premier single Overtime que brille la folie créative de la prodige qui, au delà de la composition de morceau, s’est aussi attelée à réaliser un clip captivant qui joue sur une simplicité déroutante. Deux plans fixes viennent alors narrer cette ode au saxophone, ceux d’une jeune femme dansant dans la froideur grisâtre d’un atelier. Cette jeune femme, c’est Andrea Nann, chorégraphe membre du collectif Dreamwalker Dance Company. Leur motto ? “La danse peut nous aider à changer nos attitudes et nos façons d’être, pour nous harmoniser à tous ce qui nous rend unique, à tout ce que nous partageons, à comment nous pouvons vivre ensemble dans la paix et le respect.” Une danse d’émotions donc, et qui se ressent sur chaque pas effectué tout au long de cette enivrante envolée corporelle.

 

Glauque – ID8

Le collectif belge le plus énigmatique revient enfin avec un troisième morceau et un second visuel. Si la parcimonie est de mise au niveau du partage de leurs morceaux, cela ne fait qu’amplifier d’avantage l’esprit exclusif de ce slam/électro poétique et survolté. Le deuxième adjectif ne vient cependant pas réellement s’appliquer sur cette nouvelle sortie, tant sa douceur nous prend aux tripes. C’est encore eux qui en parlent le mieux, en affirmant qu’ID8 est un morceau qu’on aime, qui a traversé les deux premières années de Glauque et qu’il était important pour nous de mettre en images nous-mêmes pour ce qu’il peut faire résonner en nous d’intime et de personnel à chaque niveau. En gros c’est un morceau d’hiver.” Un titre hivernal qui a tout pour lui, qui joue sur une dualité captivant entre calme sur la majeure partie du morceau, et effervescence instrumentale sur la dernière minute. Le clip s’accorde parfaitement au titre, tant visuellement que rythmiquement. Le clair-obscur prépondérant dans ces images (tournées et montées par le groupe lui-même) vient alors enrober cet esprit crépusculaire et ombragé, nous plongeant dans cette sensation de noirceur enivrante. Une ville, une nuit, une vingtaine de plans somptueux. Des images qui se synchronisent à la mélodie, notamment cette envolée d’oiseaux qui bat en rythme lorsque le morceau s’affole sur la fin. C’est de l’art, c’est du beau, c’est du belge.

 

Meyy – Common Love

“So come on, love nous susurre la jeune Charlotte Meyntjens, de sa voix suave et sensuelle qui nous gagne déjà après deux singles seulement. Artiste ascendante de la scène bruxelloise, Meyy nous invite à explorer ses rêves et ses passions aux travers de compositions toutes aussi oniriques les unes que les autres. Une musique de songes, une musique de rêve, voilà l’ADN si prometteur de cette petite pépite et de son fidèle collaborateur et proche ami L’étreinte. En octobre dernier, elle nous avait déjà donné chaud avec le somptueux visuel accompagnant la sortie de son premier single Angelic Lies. Si ce dernier brillait par la force de plans spectaculaires et d’une scénographie brillamment pensée, le clip de Common Love puise, lui, dans la sobriété d’archives vidéo de couples amoureux qui partagent devant l’objectif toute la force de l’amour, thème majeur de ce deuxième morceau. Un titre qui ne déçoit pas et qui se dresse comme l’amuse-bouche parfait avant l’EP.

 

Glints – Not A Rapper

La platteland flamande plombée par un ciel gris, la compagnie d’une demi-douzaine de bovins à l’heure du repas et un combo doudoune verte/moustache du plus bel effet. Le tableau que nous expose Glints, le plus british des rappeurs anversois, pour annoncer son premier album imminent (attendu pour mars, avec une release party à l’Ancienne Belgique le 6) est pour le moins barré. Sauf que ce Not A Rapper ne figurera pas sur son disque. “Après avoir terminé l’album, quelques morceaux n’ont pas été sélectionnés pour la tracklist définitive mais méritaient tout de même d’exister. Voici le premier”, précise-t-il sur les réseaux. Déception, on se dit. Car ces 68 secondes (c’est bien trop court, mais c’était “mieux ça que rien du tout” selon lui) s’étaient déjà bien collées au fond de nos oreilles. 1 minute et 8 secondes nappées de la prod. entêtante et mélancolique de Yong Yello, saupoudrées d’un flow lapidaire et nasillard et barrées d’un message en forme d’étendard: “Sorry / If I’m not what you would like me to be”. “Parce que je suis un rappeur, mais en même temps pas vraiment.” Excitation, tout de même. Car si ce titre n’est pas sur l’album, alors on imagine qu’on y trouvera du bien plus lourd encore. Doigts croisés et impatience, donc.

 

Dan Deacon – Become a Mountain

Quand le chantre de la pop expérimentale est de retour, notre cœur est à la joie. Il s’emplit de ces petites bêtes qui viennent agréablement chatouiller le siège de nos sentiments. Peut-être pas celles qui pullulaient dans la vidéo de Sat By A Tree (si vous avez une certaine aversion pour les décomposeurs, passez votre chemin, ne nous remerciez pas), premier extrait de Mystic Familiar, premier album de Dan Deacon en 5 ans (prévu le 31 janvier chez Domino). Sur le nouveau Become a Mountain, le geek de Baltimore met ses émotions à nu. “Pendant les 4 années au cours desquelles j’ai composé ces chansons, j’ai commencé à suivre une thérapie et à pratiquer la méditation. Je me suis senti à vif et vulnérable et je voulais que la musique reflète cela. Lorsque j’essayais d’avoir des pensées positives, elles ne ressemblaient pas aux miennes, mais plutôt à celles d’une autre entité qui essayait de communiquer avec moi. C’est devenu le « Mystic Familiar », mon compagnon surnaturel personnel.” Un processus créatif qui fleure toujours bon le bricolage, mais une voix presque totalement dépouillée d’artifices. Des textes incitant à l’espoir, tendant vers la lumière et portés par un piano kaléidoscopique, qui nous emmène, galvanisant, vers les cieux. Le tout joliment mis en images avec des dessins animés aux couleurs fanées, tantôt géométriques, tantôt psychédéliques. De la poésie électronique pour réparer les âmes.

 

Swing – Gris

Annoncé début janvier, nous étions tous grisés par l’impatience de la sortie du clip Gris de Swing. Les studios belges Bleu Nuit et BeauCartel nous plongent à nouveau dans une ambiance intimiste avec pour seule compagnie une douce mélancolie. Regards perçants ou regards fuyants, que ce soit du chanteur ou des acteurs, ces coups d’oeil sèment le doute. Entre luminosité ou obscurité, blanc ou noir, nous sommes tiraillés par cette caméra qui nous emmène de bas quartiers à bâtiment abandonné dans une frénésie de tableaux plus léchés les uns que les autres. Mais c’était sans compter sur la douceur du rappeur et de ces mots qui nous rassurent pour quitter cet univers obscur et toucher la lumière. Une dualité blanc et noir qui colle parfaitement au thème du titre. Du grand Swing.

 

King Krule – (Don’t Let The Dragon) Draag On

La vraie bonne nouvelle de la semaine. Le rockeur mélancolique le plus affolant du moment est de retour avec un nouvel album Man Alive! attendu avec la plus grande impatience pour le mois de février. C’est par un premier titre fidèle à son univers sombre et lugubre que l’artiste a annoncé cette surprise. (Don’t Let The Dragon) Draag On est une pépite dépressive comme on les aime, celles qui ont fait la gloire de ce sentimental maître du spleen poétique. Ici, c’est sans détours que Archy Marshall nous fait part de ses démons et de ses noirceurs anxiogènes par des lignes comme “Negative holes to go away. But it seems to grip more. Everyday walls get taller.” C’est pas vraiment l’ambiance, mais qu’est ce que c’est beau. Le jeu de mots du titre est un hommage au film La Planète Sauvage de René Laloux dans lequel les draags, des géants humanoïdes bleus, tyrannisent la race humaine qu’ils domestiquent. Une pensée profonde qui renvoie à certaines réalités de notre monde que le Britannique pointe du doigt en affirmant “Guess this ain’t the world that I dreamt of”. Le clip est d’une beauté rare, jouant sur la durée d’un long plan séquence qui, à partir d’un plan rapproché sur l’oeil du musicien, s’éloigne pour dévoiler en plan d’ensemble un tableau mêlant obscurité et poésie : King Krule mis au bûcher. Le roi Krule réajuste sa couronne et se prépare pour un nouveau triomphe.

 

Goodbye Goni – Stonebreaker

Les Parisiens de Goodbye Goni présentent seulement leur deuxième clip, mais frappent déjà très fort. De sa jolie direction artistique, travaillée par Cyril Dosnon, à ses paroles mystérieuses et à sa voix lancinante, le trio installe avec Stonebreaker une atmosphère qui trouve son climax dans un refrain qui se grave instantanément dans nos tympans. Porté par le contraste magnifique entre le bodypainting lumineux qui illustre son texte et les volutes de fumée qui se découpent en clair-obscur, le titre est un coup de coeur immédiat, tant visuel qu’auditif. Une chose est sûre : avec une telle pépite, on n’a pas envie de lui dire au revoir de sitôt, à Goni. Du moins, pas avant la sortie de son premier album, prévue dans quelques semaines.

 

Soko – Being Sad Is Not a Crime

Maman et artiste, inconciliable ? C’est la question plutôt sérieuse que l’artiste française Soko vient se poser avec beaucoup de dérision et de burlesque. L’artiste qui a bercé nos passions adolescentes avec des titres phare tels que First love Never Die ou encore l’irrésistible et délicat I’ll Kill Her annonce son grand retour avec un morceau dreamy presque dansant. On dit presque car difficile de faire abstraction du thème et du sujet tristounets du morceau qui nuancent cet esprit coloré et pétillant. Une ambivalence s’installe alors dans les images : Soko la performeuse et Soko la maman dévouée. Avec un cameo attendrissant de son véritable fils, la chanteuse vient nous chanter les difficultés d’assurer sa carrière musicale tout en dédiant assez de temps pour son enfant. Le titre Being Sad Is Not A Crime prend alors tout son sens lorsque la “police de la tristesse” vient s’en prendre à la jeune artiste pour lui interdire d’afficher sa peine sur scène. Toujours sourire, toujours briller. Soko nous chante ses détresses et c’est percutant, vivement d’autres claques sur l’album attendu pour le printemps.