Reste : on était sur le tournage du dernier clip d’Iliona
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
09/12/2020

Reste : on était sur le tournage du dernier clip d’Iliona

© Photo : Paul-Louis Godier |

Iliona, c’est l’élégance d’une chanson française intemporelle, la sensibilité d’une génération Z à fleur de peau et la voix d’or d’une scène bruxelloise en pleine floraison. Mais pas que. Après trois premiers singles encensés par les médias francophones, elle boucle son année 2020 avec Reste. Un virage audacieux et séduisant qui prouve qu’elle est tant d’autres choses que ce que l’on attend d’elle. Pari réussi. On a eu l’occasion de s’inviter sur le tournage de son dernier clip, réalisé par l’artiste elle-même. On vous raconte. 

Aller voir ailleurs

Si elle a séduit son public avec une forte imprégnation de l’esprit chanson française, il est donc étonnant de la découvrir sur une oeuvre moins classique. Plus insolente,  même, dans un sens. On retrouve ainsi une fibre plus expérimentale et complexe sur Reste, entièrement écrit et produit par la musicienne. Le fil conducteur demeure l’amour et les passions sentimentales, avec une focale sur le vide que celui-ci provoque lorsque s’éloigne sa moitié.

C’est une chanson qui parle de relations à distance et de mise en péril des relations.

Je l’ai écrite par rapport à des histoires personnelles.

La ritournelle pianotée en fond, modulée façon synthé dreamy, ainsi que la voix altérée par l’autotune ne vont pas sans rappeler l’esprit mi-féérique mi-halluciné de l’artiste Oklou, autrice de la superbe mixtape galore plus tôt dans l’année. Le rattachement à la chanson française se retrouve néanmoins dans certains gimmicks propres au genre. Notamment la sonorité des mots, cette façon qu’à Iliona de faire voler ses lignes, d’aérer les “r” de ses refrains, de rendre la langue française plus poétique encore, tout simplement.

“On retrouve une base de chanson française, mais j’ai vachement produit le morceau par la suite avec une prod assez forte, un bon mix qui claque un peu avec les basses. On retrouve notamment de l’autotune, que je n’avais jamais utilisé avant. On l’a poussé au maximum, et ça donne presque l’impression d’un synthé. Je trouve ça intéressant, ça rajoute de la texture. Forcément, au vu de Moins Joli qui était un peu à l’inverse de celui-ci, je me suis demandé si les gens s’attendaient vraiment à ça. Et j’imagine que pas du tout. (rires) Mais c’est ça qui m’excite : d’aller voir ailleurs. Et ça ne veut pas dire pour autant que je ne ferai plus de chanson française classique, ça il est hors de question que j’arrête. Mais j’avais envie de tester au maximum.”

© Photo : Paul-Louis Godier 

Un clip façon mille-feuilles sentimental

Le clip de Reste se veut à l’image du morceau : effervescent, saccadé, étourdissant. Une palette de couleurs acidulées s’invite ainsi dans les différents tableaux qui ponctuent le clip, des néons de la nuit citadine aux tons rosés/orangés des plans tournés en studio. On joue ici avec les textures et les formats, passant d’un VHS nostalgique à une définition plus cinématographique hautement léchée. Les nuances sont calibrées, le résultat est un kaléidoscope mesmérisant des états d’âmes de la chanteuse : l’errance nocturne dans la ville, les instants volés à composer depuis sa chambre, la fougue pourpre du désir amoureux, la froideur d’un clair-obscur bleuté pour la solitude et le manque. Un véritable mille-feuilles de sentiments.

Comme sur l’excellent Rattrape-moi, nous voilà emporté·es à bord d’un bolide parcourant la nuit illuminée. Des séquences réussies dans lesquelles on aperçoit la musicienne chantonner à l’arrière de la voiture avant de passer à des plans plus abstraits, nous rappelant l’atmosphère du clip If The Car Beside You Moves Ahead du maître James Blake.

“Pour ce clip, j’avais vraiment envie de m’amuser. Mes précédents clips, c’était surtout un décor, une ambiance, une émotion. Ici, avec Reste, j’avais envie de surcharger le truc avec plein de couleurs, plein d’ambiances, plein de tenues différentes, pour que ce soit intense. Presque trop. Même si ça reste une chanson et un clip tristes, je voulais aussi que tout cela soit pris de colère, que ça dépasse la tristesse. D’où ce choix de bombarder d’images pour que cela en devienne presque psychédélique, entêtant.”

© Photo : Paul-Louis Godier 

Les plus observateur·rices remarqueront le clin d’oeil subtil à une photographie datant de 1937 sur laquelle deux acteur·rices hollywoodien·nes échangent un baiser malgré le port du masque hygiénique, dans le contexte d’une épidémie de grippe. Remis au gout du jour sur Reste à l’aide d’un couple sexagénaire, le tableau ne va pas sans rappeler le contexte sanitaire actuel.

“En réalisant le clip, je me suis rendue compte que beaucoup de symboliques que je comptais y intégrer collaient avec le contexte actuel : la crise sanitaire, la distanciation sociale, etc. Et c’est fou parce que mon intention n’était pas du tout de faire des clins d’oeil par rapport à la covid, ça s’est plutôt fait tout seul. Du coup ça me fait rire, je me dis que ça fera un souvenir !”

© Photo : Paul-Louis Godier 

Louve solitaire bien entourée

Si Iliona est une artiste multi-casquettes au contrôle absolu et remarquable de son projet, elle peut néanmoins compter sur une équipe grand cru pour donner vie à ses idées. Ainsi, c’est du tandem de productrices Flora Koffi-Lopèz et Marjane Slami de la boîte de production française FAM Prod qu’elle s’entourera pour rendre possible ce visuel de Reste. Pour peaufiner les différents tableaux qui colorent l’oeuvre, on retrouve en Directeur de la Photographie le cinématographe Gaston Struye, déjà présent sur les clips de J’ai du mal et Moins joli. Finalement, pour les différentes tenues qui élèvent davantage les séquences, le tout est supervisé par la styliste parisienne Axelle Teixeira – qui a déjà habillé quelques grands noms de la musique, de DJ Snake à Sneazzy en passant par Zed Yun Pavarotti.

Avec ResteIliona brille là où on ne l’attendait pas, et prouve qu’elle peut s’émanciper loin des codes de la chanson française de ses débuts tout en gardant la même justesse. Une versatilité plaisante et opportune qu’il nous tarde de découvrir en live, après de long mois à passer en boucle les douces mélodies de cette pépite dans nos oreilles.