De BBP à Sandòr Waïss : la redécouverte d’un artiste à double facette
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Auteur·ice : Arotiana Razafimanantsoa
11/06/2023

De BBP à Sandòr Waïss : la redécouverte d’un artiste à double facette

Artiste ou producteur·rice. Peu importe notre position, on peut être confronté·e à des restrictions. Évidemment ce ne sont pas quelques éclats de pierre qui nous feront trébucher, bien au contraire, c’est ce qui nous poussera à suivre un autre chemin, à repousser les limites de notre créativité. Mais imaginons un instant la possibilité de produire pour d’autres artistes un jour, puis d’incarner soi-même l’artiste pour lequel on produit le lendemain… On vous présente un explorateur qui navigue habilement et subtilement entre deux facettes : un jour il est BBP, un autre il est Sandòr Waïss. Un jour il est producteur, un autre il est auteur-compositeur-interprète. Et parfois même réalisateur.

BBP, l’explorateur de mélodies planantes

« Naha, Naha, hmm, hmm… » La voix d’Ademo résonne dans nos oreilles tandis qu’une production complètement envoûtante la surplombe. Il y a des chansons comme celle-là qu’on peut écouter en boucle même sept ans après sa sortie. Des sonorités maintenant intemporelles qui, à l’époque, étaient pourtant révolutionnaires. « J’avais clairement PNL en tête en faisant cette instru (Source : annotation de BBP sur Genius). » Il sait s’adapter et s’imprègne de l’univers des artistes pour lesquels il produit – s’il faut en citer d’autres à part PNL, retenons Vald, Timal, Dinos, Alkpote, Dosseh, sachant que cette liste est non exhaustive. Il faut être sacrément polyvalent et attentif pour être capable de s’aligner à différents univers artistiques (rien que pour cette faculté, les producteurs de façon générale méritent d’être plus mis en avant) qui sont aujourd’hui parmi les plus connus et les plus marquants de l’industrie du rap. Ce qu’on essaye de vous dire c’est qu’on parle ici d’un producteur qui occupe une place importante dans le monde du rap français et qui a eu un parcours époustouflant, de ses rencontres avec de grands acteurs du hip-hop aux États-Unis (notamment J. Cole) à des titres certifiés, sans oublier ses quelques temps passés à Wati B.

Ceci dit, collaborer avec des artistes signifie, comme on l’a dit plus tôt et comme BBP le dit lui-même, s’aligner à leur univers et leurs pensées. Il est même venu à se demander si c’était réellement possible d’être un producteur avec une patte qui se démarque. Pourtant lorsqu’on écoute attentivement ses productions, on retrouve une texture, des sonorités et même une structure qui lui sont propres. Écoutez par exemple ces quelques titres d’artistes avec des univers distincts, tous produits par BBP : Rien à foutre de The Shin Sekaï, Spleen de Dinos, Kush de DTF et Gratitude de B.B. Jacques. On perçoit des mélodies riches qui ne nous laissent pas indifférents mais qui jouent purement un rôle d’accompagnement, n’influençant pas le choix de topline (s’il y en a) et qui sont mixées de manière planante et discrète. La structure de chaque morceau laisse beaucoup de liberté à l’interprète car c’est l’approche qu’il a choisi d’adopter en produisant : laisser de l’espace aux rappeurs.

BBP a grandi au sein d’une famille qui écoutait pas mal de musique, ce qui lui a offert des influences variées, y compris celles de la musique du monde. Lorsqu’on a toujours été familier à la musique, d’autant plus des compositions instrumentales qui incitent à une écoute attentive, on apprécie les nuances et les subtilités des mélodies jusqu’à développer une certaine sensibilité à celles-ci. Voilà ce qui explique peut-être les influences de son side-project : un artiste qui tend plus vers une expression artistique pop aux couleurs électroniques…

Sandòr Waïss, l’explorateur de réflexions profondes

C’est fascinant de voir comment une image peut communiquer avec son observateur ou comment une musique peut exprimer bien plus que des paroles. Et quand ces deux formes artistiques s’entremêlent, quelque chose de vraiment saisissant se produit. Lorsqu’il a finalement occupé le rôle de « l’artiste qui occupe l’espace », Sandòr Waïss a décidé de mettre en retrait son « personnage artistique » pour révéler un univers complet. Il unit les forces du cinéma et du son pour transmettre des émotions en apparence anodines mais qui résonnent profondément en tant qu’êtres humains, jusqu’à nous pousser à la réflexion profonde. C’est d’ailleurs le thème principal qu’il aborde dans son tout premier projet Broken Blue : la condition humaine sous toutes ses formes et ses intensités. On vous invite à visionner le court-métrage du projet, tourné en Amérique du Sud et composé de 3 actes, pour mieux vous immerger dans cet univers émouvant et interpellant.

 

Le projet Broken Blue est comme un puzzle. On doit rassembler toutes les pièces pour en faire une œuvre complète. Et en examinant chaque pièce, on parvient à une compréhension plus approfondie de l’œuvre car c’est dans l’attention portée à chaque petit assemblage que la totalité prend forme – on vous rassure, c’est moins complexe que ça n’en a l’air.

Par exemple dans Good Intentions, il souligne le fait que malgré de bonnes intentions, nos actions peuvent avoir des conséquences imprévisibles jusqu’à causer des dommages. En parallèle, dans Ugly, il interprète les insultes et jugements des autres – qui peuvent être motivés par des intentions hostiles – comme le reflet de leurs propres insécurités et ainsi, ne doivent pas être pris à cœur. Au final, que ce soit les bonnes ou les mauvaises intentions, ce que nous pouvons contrôler (notre propre perception) ou ce que nous ne pouvons pas (les conséquences de nos actes), tout cela fait partie intégrante de la condition humaine. Ce n’est qu’un infime exemple de la richesse de cette œuvre de Sandòr Waïss. Il évoque des pensées – voire des souhaits – ardentes qu’on pourrait avoir mais qui résideront dans nos têtes (I wish you could suffer, be gone in the fire), la valeur inestimable des souvenirs comparée à celle de la richesse matérielle et terrestre, ou encore le caractère éphémère de tout ce qui compose un empire ou une république. Autant vous dire que ce projet évoque tant de sujets profonds à décortiquer, tant de mots soigneusement choisis à analyser, qu’il nous serait impossible de tout résumer en un seul article… Alors on réitère notre invitation : mettez vos écouteurs et écoutez-le attentivement !

So many had their hopes, how many end up empty ?

How many more will come ? How many more will leave ?

How many more will mourn ? How many more will grieve ?

Les mots d’ordre : rigueur et détermination

Fasciné par le rap, c’est à l’âge de 13 ans que Sandòr a commencé à faire de la musique. Lors de son interview avec Mehdi Maïzi, il a confié que c’est un travail acharné pendant plusieurs mois qui l’a amené à collaborer avec PNL. Il nous a aussi révélé que la réalisation du projet Broken Blue, en comptant l’image et tous les éléments qui l’accompagnent, s’est faite sur une période de près de dix-huit mois. Résultat : un producteur reconnu d’un côté, un album ficelé dans les moindres détails d’un autre. Au-delà d’être un artiste à double facette, Sandòr Waïss a un parcours qui nous rappelle qu’avec rigueur et détermination, on peut créer des choses authentiques qui laissent une empreinte durable. De quoi inspirer ceux qui aspirent à réaliser leurs rêves dans le monde de la musique (et même ailleurs).


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