LCD Soundsystem : Looking for the American Dream
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Auteur·ice : Charles Gallet
04/09/2017

LCD Soundsystem : Looking for the American Dream

I’m loosing my edge, the kids are coming up from behind”. Il y a déjà 15 ans, LCD Soundsystem débarquait avec son premier single, l’incroyable Losing My Edge.

Le projet de James Murphy était porté aux nues et mis en avant, avec entre autres les Strokes ou les Rapture, comme le renouveau de la scène new-yorkaise. Sauf que, un peu à l’image des Franz Ferdinand (dont ils ont repris l’excellente Live Alone en 2011), Murphy avait déjà 32 ans, des échecs et une histoire derrière lui. Le rêve américain était donc déjà bien loin, ou alors porté par une nostalgie et une mélancolie sourde qui sera l’un des fils conducteurs de la musique du new-yorkais.

Mélant avec bonheur la rage punk et la dance music, il créa en une bonne dizaine d’années un véritable monument musical compilé sur 3 albums grandioses. Puis en 2011, effrayé par la bête qu’était en train de devenir LCD Soundsystem et inquiété par la quarantaine, il décida d’offrir un enterrement de viking à son projet avec des concerts monumentaux immortalisés sur The Long Goodbye et l’excellent documentaire Shut Up And Play The Hits.

Mais les adieux n’engagent que ceux qui les donnent, et c’est avec un petit espoir dans le coin de la tête qu’on guettait les news concernant James Murphy : plus ou moins surprenantes – l’ouverture d’un bar à vins et la création d’une marque de café – mais jamais très loin de la musique puisqu’il composa entre autre deux bandes originales pour des films de Noah Baumbach (les excellents Greenberg et While We’re Young), produisit le Reflektor de Arcade Fire et mixa sur vinyles avec ses potes Soulwax dans le projet Despacio.

Le retour des New-Yorkais après 6 ans d’absence ne fut donc au final qu’une demi-surprise. Le genre de surprise qu’on espérait, dont on rêvait, à laquelle on croyait et qui se réalise enfin lorsqu’on tient entre nos mains American Dream, le nouveau vinyle du groupe (vinyle qui repoussa la sortie de l’album de plusieurs semaines, James Murphy n’étant pas satisfait du pressage) que l’on pose délicatement sur notre platine pour le voir tourner et nous apporter des nouvelles d’un des groupes les plus grandioses de ces quinze dernières années.

Est-ce que cet American Dream est une nouvelle pierre à l’édifice monumental des new-yorkais ? Pas de suspense, la réponse est oui.  Que ceux qui craignaient le retour du groupe, qui y voyaient un coup marketing et une trahison, soient rassurés. Si Murphy a fait renaitre LCD Soundsystem, c’est qu’il avait de bonnes raisons de le faire et des choses à dire.

Des choses à prouver aussi, car ce qui surprend le plus à l’écoute de ce nouvel album, c’est que Murphy est devenu un chanteur et ce dès la première chanson Oh Baby. Alors qu’il avait plutôt l’habitude d’un phrasé parlé, scandé, voir crié, le voir assumer sa voix étonne et réjouit. Sur I Used To et American Dream, elle nous surprend par sa facilité à se porter dans les aigus, se fait aussi plus sûre d’elle sur l’exceptionnelle How Do You Sleep ? influencée par certains chanteurs des années 70. James Murphy assume donc enfin son identité vocale et ses ambitions : c’est un des grands points forts de disque.

L’autre élément de surprise, c’est l’omniprésence de la mort dans l’album. Elle est partout, de toutes les chansons. Bowie, Prince, Lemmy… les héros sont morts et James Murphy en est profondément marqué. Son propre âge semble, lui aussi, être une source d’interrogation. Les paroles restent d’ailleurs d’une incroyable précision, le new-yorkais n’ayant pas son pareil pour ausculter la société, ses travers, et le monde qui l’entoure : American Dream étant une grande charge sur l’égocentrisme et le narcissisme général, là ou Tonite est une critique acerbe des groupes qui chantent à peu près tous la même chose. Chaque chanson raconte une histoire, un moment. Cependant, si la mélancolie est toujours bien présente, le cynisme et l’arrogance sont, eux, moins présents. Les chansons se font d’ailleurs plus personnelles, plus proches de lui-même et loin d’un personnage qu’il pouvait se créer auparavant. L’humour est quant à lui toujours bien là, notamment sur le refrain de Call The Police.

Et musicalement, me direz vous ?! Loin, très loin, des carcans radiophoniques qui sont devenus la norme, le groupe installe ses ambiances sur des chansons qui dépassent toutes, ou presque, les cinq minutes. James Murphy nous fait ainsi toujours danser sur la mélancolie, la tête à la joie mais le cœur lourd. Sur tout l’album, on se rapproche  plus des monuments que sont All My Friends ou encore New York I Love You…  Notamment avec des titres tel que Call The Police, Change Yr Mind ou  Other Voices qui poussent le style du groupe dans ses retranchements.

Une ambiance de fin de fête pèse donc sur cet opus, ce moment où le jour pointe le bout de son nez et où l’on sent que plus rien ne sera aussi bon que ces moments vécus. L’album se termine sur une Black Screen, lourde et triste, presque pesante, portée par un piano desacordé et qui justifie à elle seule l’écoute de l’album.

American Dream est un grand album, à la hauteur de ses trois grands frères. Un album réfléchi et pensé mais qui laisse une nouvelle fois pointer une rage punk et une vision du monde acérée. On retrouve la bande de James Murphy six ans plus tard mais comme si l’on ne l’avait jamais quittée. Le rêve américain a encore des beaux jours devant lui, et contrairement à son président, il réussit à rendre l’Amérique à nouveau grande. Merci d’être revenus les gars, on avait besoin de vous et vous n’avez pas déçu, une fois de plus.

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