Depuis le vertige qu’avait laissé Tourniquet dans son sillage, nous attendions de pied ferme que le jeune TERRIER nous offre un premier disque, telle une collection de morceaux desquels se réjouir plus encore. C’est ainsi que Naissance est venu se glisser au creux de nos oreilles, se refusant ensuite catégoriquement à les quitter.
Livré dans un écrin de douceur brute et de violence soyeuse, ce premier EP est avant tout un exercice d’équilibriste brillamment exécuté. TERRIER nous le confiait tout récemment lorsque nous l’avons rencontré dans son studio, il aime “le contraste qui percute”, et Naissance s’est nourri de ce sentiment. Jamais trop pop, punk ou même rock, les sept morceaux que compte ce disque se composent en mélanges d’influences savamment pesés, tels les ingrédients d’une recette de pâtisserie au gramme près. De touches de rythmes plus hip-hop sur À nos jours et Demain, à la profondeur d’une voix plus assumée sur L’hiver, le jeu de clair-obscur auquel s’adonne l’artiste s’harmonise parfaitement jusqu’à l’ultime vingt-cinquième minute de ce disque.
Au-delà de surprendre par ses codes empruntant à un spectre toujours plus large, Naissance dépeint des éclats de vie sans jamais faillir à préserver notre attention, tant par ses dynamiques aérées toujours relevées de riffs de guitare ou de batterie bien placés, que par le tranchant des mots que ceux-ci soulignent. En témoigne l’épopée Naissance Pt. 1 et 2, dont on suit le récit de la première à la dernière seconde, toujours plus en intensité dans ses vagues successives et ses montées en puissance plurielles.
Délivrant une véritable palette de sentiments, c’est un voyage dans l’intime que propose TERRIER avec ce disque. Naviguant tout naturellement entre les fins de soirées à deux, les jours froids passés sous les draps, la désorientation que suscitent les grandes villes, et l’âge d’or des ivresses adolescentes, le jeune homme chante ce qui a marqué son cœur, sans toutefois teinter l’expérience d’une touche trop personnelle. C’est par ailleurs quand la mélancolie et la nostalgie se heurtent à la fièvre et la fougue que l’instrumentation devient alors percutante, alternant intelligemment entre l’électricité contagieuse des refrains dans Le Bandit, le doux calme envahissant de L’hiver, et les chœurs grisants de Demain.
Et si la composition joue son rôle dans l’énergie délivrée, c’est bien dans l’écriture que TERRIER excelle ici, en auteur à la plume acérée refusant les rimes et misant sur la puissance de mots jetés dans l’arène et livrés à eux-mêmes. Toujours attaché à la mélancolie qu’on lui connaît, l’artiste écume ses ressentis au passé à travers des “J’rêvais quand j’étais môme, mais j’ai pas grandi” (À nos jours), et “on est gosses, et on s’aime” (Rue des pervenches). Puis, là où personne ne l’attendait, TERRIER s’attaque maintenant à l’espoir des lendemains. Et force est de constater que l’idée lui sied : Demain est un réel hymne à la frénésie de saisir la vie au jour le jour.
Ce sont alors deux morceaux éponymes, Naissance Pt. 1 et 2, qui ponctuent l’EP d’un climax enivrant. Si ressentir les vibrations d’un titre passe aussi par son propos, alors ces deux morceaux sauront parler au plus grand nombre via une écriture criante d’authenticité, dont les mots s’infiltrent sans prévenir entre nos os. À offrir le récit de sa propre naissance, dont on devine les souvenirs reconstruits, TERRIER s’assure que chacun saura reconnaître un petit bout de ses ressentis, espoirs ou idéaux, dans ces deux titres au thème si personnel qu’il en devient paradoxalement universel.
En sept titres et sept confidences, TERRIER nous entrouvre la porte de son monde à la mélancolie noire et blanche qui se pare ici de reflets ponctuels d’espoirs colorés. Naissance a ainsi le don de faire briller les étincelles quand les contrastes s’entrechoquent, et forcément, impossible de rester impassible devant une telle sincérité.
© Alice Sevilla
© Alice Sevilla
En perpétuelle recherche d’épaules solides sur lesquelles me hisser pour apercevoir la scène, je passe mes concerts à faire les chœurs depuis la foule.