En ballade dans les bruits de la ville avec Voyou
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Auteur·ice : Charles Gallet
15/02/2019

En ballade dans les bruits de la ville avec Voyou

Il est de ces moments gravés dans l’éternité de nos souvenirs. Scotché au fond de nos rétines mémorielles, ils existeront pour toujours et on prendra toujours plaisir à en parler. Notre rencontre avec Voyou en octobre 2016 est de ces moments-là, de ces tournants qui marquent une existence. Un instant inattendu, un concert et un coup de cœur et on s’est mis à suivre cet être de lumière guidé par ses yeux bleus d’humanité. Deux ans et demi plus tard et un paquet d’articles à la clé, c’est un nouveau moment particulier qui marque notre relation avec Thibaud Vanhooland, de son nom au civil. Les bruits de la ville, son premier album, sort aujourd’hui. Un tournant pour lui, et un peu pour nous aussi.

À peu de choses près, la ville est comme un être humain. Elle a ses artères et ses recoins. Elle a ses cicatrices et ses fissures. Elle a ses larmes qui lui tombent dessus sans prévenir et sa chaleur qui réchauffe et pousse vers l’existence. Elle a son cœur, son centre, qui bat et lui donne sa pulsation. Parfois elle accélère, parfois elle ralentit, elle s’arrête aussi, laissant la nuit faire son œuvre dans des instants où plus rien d’autre n’existe que soi. La ville vit, elle vibre de toutes ses particules, de tout ce qui l’habite. Toi, lui, nous, des humains dans une forme humaine, nous faisons tous avancer la ville avec nos histoires, nos petits trucs qu’on peut lire sur nos doigts, sur nos bras, sur nos corps fatigués. Des histoires, des moments qu’on se raconte et qu’on lui offre, qui la nourrissent et la rendent si particulière à nos yeux. Des bruits qui la font exister, en somme.

Auscultateur de l’humanité, être à l’humanité augmenté, Voyou a choisi la ville et ses histoires comme centre névralgique de son premier album, et ça ne nous étonne pas. On a donc mis notre casque sur nos oreilles et on est parti en ballade dans Les bruits de la ville.

À la première écoute, on s’est laissé porter par le chemin tracé par Voyou. Les 11 titres qui composent Les bruits de la ville forment une histoire comme une promenade, une divagation temporelle dans laquelle on se plonge. C’est aussi un album un peu militant, tant on sent qu’il a été composé non seulement comme une histoire, mais aussi en grande partie pour l’écoute sur vinyle, tant dans la chaleur qui s’en dégage que dans dans sa manière de scinder sa tracklist en deux parties qu’on sent bien distinctes.

Dans cette ville imagée, iI  pleut, il  neige, parfois le soleil brille et souvent la nuit nous retient. Il y a un début et une fin et au milieu des échappées, belles et moins belles, tristes et dansantes, des montées, des descentes et des virages, le tout toujours porté par une candeur infinie qui fait tout le charme de ce grand enfant au cœur d’or. Et il y a bien sûr ces bruits, comme des histoires et des pastilles où l’on croise des femmes trop belles, des amours perdus, la ville de notre cœur, des papillons métaphoriques, des loubards pas si loubards à la gauche lourde mais à l’humanité malgré tout présente. On marche dans les rues, on voyage vers la Lune et on se retrouve à pédaler tant bien que mal sur un tandem trop lourd pour nous, que ce soit dans son poids ou dans les souvenirs qu’il amène.

Ainsi va la vie dans le monde de Voyou, un univers florissant aussi mélancolique que lumineux, un album pensé pour gérer ses montées comme ses descentes, nourri d’une musique multi-culturelle et diverse, brillant de toutes parts et porté par moment par des pulsations aussi épiques que cinématographiques. Et une fois ce premier voyage effectué, une fois visité cette ville faites de fantasmes autant que de réalités, on pourra alors s’y faire notre propre chemin, y découvrir ses trésors, ses nuances, ses particularités. On fera nôtres les chemins qu’on explore, on s’attardera sur des ruelles ombrageuses où on ira danser à la belle étoile avec les amis qui remplissent notre vie. On fera ce que Voyou attend de nous : on s’appropriera sa musique, elle deviendra celle qui guide nos efforts, nos souvenirs, nos rires et nos larmes. Elle nous appartiendra car elle deviendra la bande-son de nos souvenirs, de nos actes, de nos réussites et de nos échecs.

On pourra ainsi se bercer de la douce mélancolie d’À nos jeunesses, bossa nova teintée d’électronique et première surprise qui prouve que le garçon a bien compris l’intérêt d’un premier album : surprendre mais pas trop, marquer un univers de son empreinte. Cette pulsation mélancolique et douce, on la retrouvera sans doute dans les titres qui percuteront le plus notre cœur à l’écoute, notamment La fille sans visage ou ce sublime piano-voix qui fera vibrer notre âme sur Il neige. On ira danser à s’en perdre les pieds sur les géniales La serre, Les bruits de la ville ou On a marché sur la lune. On chillera la tête dans les étoiles sur Dehors ou Seul sur ton tandem. On sera pris d’empathie face à Ces trois loubards qu’on a tous croisés un jour et où pour la première fois, Voyou prend le rôle principal, s’autorisant enfin à utiliser pleinement le jeu mais moins dans une recherche égocentrique de mise en avant que par souci de créer un lien à son histoire.

Car la belle réussite de cet album tient aussi à ça, à cette manière de continuer à être un observateur du quotidien et à le saupoudrer de fantasmagories et du surréalisme des histoires qu’on a tous vécues. Un moyen idéal de rendre passionnantes et accrocheuses des aventures qu’on a pourtant tous déjà vécues. Surtout, l’écriture se révélera bien plus maligne que certains pourraient le croire. Ainsi, les textes peuvent foncièrement se prendre au premier degré, mais en regardant entre les lettres, en prenant une loupe, on réalise que ces propos sont bien plus beaux et réfléchis. On parle ici de cœurs brisés, mais aussi de société de consommation, de séparation, de passage à l’âge adulte et de la vacuité du quotidien. Chacun y trouvera son compte, son analyse et son imagerie en fonction de son background et de son interprétation. Un album qui se prêtera donc à l’écoute, mais aussi à la discussion et à la réflexion.

Et pour finir, on parlera sans fin de Lille, ville chère à notre cœur autant qu’à celui de Voyou et qui nous offre à chaque écoute un flot de larmes aussi incontrôlé que salvateur. Là encore, au-delà du titre, le propos touchera tout le monde. Ici l’intime et l’universel se confondent, tant cette chanson frappera toute personne qui a quitté quelque chose dans sa vie. Que ce soit la ville de sa jeunesse, une femme aimée et partie ou encore une adolescence à laquelle on s’accroche pour refuser de voir le monde adulte pointer le bout de son nez. Un titre percutant, vibrant et grandiose comme une apothéose bien sentie à un album maitrisé. À la fin de ce titre, Les bruits de la ville se taisent et nous laissent hagard et face à nous-mêmes, le cœur dans la gorge et les larmes au bout des cils.

On pensait tout connaitre de Voyou, on s’était bien trompé. Malgré de nombreux concerts, des rencontres, des discussions et des écoutes répétées, il aura réussi à nous surprendre une nouvelle fois et à nous ouvrir les portes de son monde un peu plus grand, un peu plus beau, un peu plus fort. On n’est pas loin de penser qu’avec Les bruits de la ville, un chapitre se termine mais on est sûr d’une chose, on continuera à le suivre ici ou ailleurs.

Il parait que l’amour dure trois ans, et aujourd’hui, on voudrait juste savoir comment on fait pour étendre le contrat à l’amour éternel.

 

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