zonmai : l’école du micro diamant
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Auteur·ice : Charly Galbin
19/12/2023

zonmai : l’école du micro diamant

Photos | Laura Franco pour La Vague Parallèle

Que le GIEC se rassure, la Belgique vient de trouver une nouvelle source d’énergie propre, idéale pour se chauffer en décembre : la thermogénèse issue des corps excités venus fêter la sortie de SunCash Feelings, le dernier EP de zonmai. Chronique en mouvement depuis le Botanique, où l’artiste française peut définitivement se sentir comme à la maison.

À Bruxelles, 2023 a très souvent rimé avec Fashionista, le tube par lequel zonmai ouvre et clôture ses concerts. Et iels sont beaucoup cette année à avoir « moové leur boule » sur le premier titre de Cool Kiss, tant l’artiste a écumé les scènes et fosses belges, des Ardentes à la BXL Grünt Party, en passant par le Fifty Lab Music Festival. Ces institutions n’avaient à vrai dire pas vraiment le choix, tant l’énergie que propage la Française s’est imposée comme une tendance, venue souffler du frais sur la scène musicale francophone.

Mais alors que la mode dicte des nouveautés éphémères, la musique de zonmai semble imprégner doucement mais durablement les oreilles. De concert en concert jusqu’à cette release party de SunCash Feelings au Botanique, un constat : un noyau de personnes convaincues qui ne cesse d’enfler et des gens qui ignorent encore que la maîtrise des variations de hauteurs vocales de la chanteuse sur Move on est en train de les aliéner durablement.

Dans son rôle d’artiste qui aime par-dessus tout créer une relation avec son public, zonmai ne s’arrête pas aux scandements de son blaze qui, après un seul morceau, laisseraient croire à une salle complètement acquise. Elle préfère prendre soin d’apprendre aux nouveaux·elles le refrain nonchalant de ce morceau n’appartenant à aucun de ses trois EPs.

Le Witloof Bar est quasi plein aux alentours de 21h30 et zonmai impose intelligemment une énergie dévastatrice dès le début du concert, choisissant la stratégie du choc. C’est ainsi que sa DJ MoodyMoon lance BB Noche, d’abord chanté à l’unisson par l’artiste et son public, puis dansé frénétiquement lorsqu’une variation rythmique dans la musique dévoile le génial remix happy hardcore du morceau par nowärk. C’est à ce moment précis qu’en sueur, nous avons immédiatement contacté le GIEC.

Les balades No Bye et Flowers permettent à zonmai de chercher le regard des âmes composant les ailes de la foule, plus tranquilles que son cœur battant au centre, de sorte que tout le monde se sente également respecté par l’hôte du soir. Toujours dans ce geste alchimique avec son public, elle tend son micro habillé pour l’occasion de diamants brillants aux lèvres, qui au premier rang bougent pour former les paroles de ce morceau sorti il y a deux ans et demi.

Un air joyeux semble envelopper toute la cave ce soir-là, celui qui circule lors des fêtes réussies, où comme chez Gatsby se mélangent bien les nouveaux·elles aux habitué·es, bonhomie diffuse reflétant l’assurance d’être au bon endroit. Rires et sourires s’affichent sans retenue, quand zonmai brise l’impatience d’entendre enfin un morceau de l’EP fêté : « est-ce que des garçons veulent cry ce soir » ?

Habituée à performer ses concerts au plus près de son public, zonmai a tenu longtemps ce soir-là avant de rejoindre un pogo, consciente que ça ne favorise pas l’inclusion des plus éloigné·es dans la salle. Mais le naturel revient nécessairement quand ce beat 2-step s’élance dans un galop saccadé et c’est depuis le tumulte qu’on entend jaillir la voix autotunée de zonmai répondant aux Cure que GIRL NEVER CRY, non plus. Autour d’elle, les têtes ne savent plus comment tourner, prises en étau entre les langoureuses et aériennes nappes vocales et la basse rare et écrasante qui, dès qu’elle tombe, met tous les corps en branle. Quel morceau.

MoodyMoon arbore un grand sourire. La prod cloud de L’OR DU WORLD s’empare de la cave et c’est comme si des petits nuages prenaient la place de nos semelles extérieures. Cet instant de lévitation nous voit fermer les yeux, attendri·es par cette voix céleste explorant les ambivalences du sentiment amoureux. On réouvre les paupières, étonné·es de ne pas se trouver entouré·es de milliers de visages de tous âges éclairés par des petites flammes Bic, tant ce morceau est plein d’un potentiel populaire. L’universalité et la mélancolie chantées dans un micro brillant, zonmai c’est dans un corps France Gall, PNL et Britney Spears.

On fait une pause dans le feuilletage de ce journal intime à la couverture remplie d’autocollants strass en forme de cœurs pour apprécier l’alchimie devenue classique entre zonmai et Kyobee sur Cool Kiss. Avec une énergie folle, ce dernier étale son flow à fleur de peau en solo sur la prod moderne de Tourner la page. On n’avait pas prévu de rentrer chez nous avec une si belle découverte.

« J’t’ai pas attendu pour faire ma maille. Dans un an, c’est sûr, ça pop. » De son assurance zonmai coupe le beat d’abord hésitant de MMM BROKEN HEART pendant que des leads de synthé sonnent dramatiquement. Sur cette page, les stickers prennent des tons plus sombres, froids comme le cœur endurci de zonmai toute déterminée à casser l’industrie musicale, à l’image de ses coups rageurs qui dans le clip ne laissent aucune chance à ces ordinateurs. Un morceau qui donne envie de croquer ses chaînes, ce que fait un public tellement libéré que les têtes frôlent le bas plafond de ce qui est devenu un club.

Sobrement intitulé Boom boom, la prochaine track est une exclu. « Banger le son mon dieu », c’est comme ça que nos notes de téléphone marquent le souvenir d’une techno dévastatrice. « C’est la fête foraine », lâche-t-elle après avoir remercié son entourage; alors que pleut toujours son nom martelé par la foule d’une seule voix.

New Gene est encore un tube, exemplaire du carrefour que forme sa musique entre rap, pop et électro. On se tait, sidéré·es pendant son solo vocal dont on se dit que la hauteur résonne jusqu’au dernier étage de la Finance Tower avant d’exploser sur la résolution techno du son en forme de défouloir. Toutes les émotions y passent, comme celles qu’on aurait envie d’écrire sur le papier à la fin d’une journée pour se vider.

C’est le moment que choisit zonmai pour jouer la pépite de SunCash feelings. BIG CITY est l’hymne de l’exode rural, touchant si juste à la douce mélancolie de devoir quitter sa famille pour la ville et ses lumières souvent illusoires. Croire en sa grandeur en rejoignant celle que forment les gratte-ciels, c’est le destin qu’en jeunes campagnard·es, le soir dans le silence des rues de nos lotissements, on rêve d’embrasser. La promesse de la Big city life de Mattafix, sentiment puissant mêlé d’excitation et de peur insouciante qui se retrouve dans cette basse, si intense qu’elle pénètre tout le corps pour l’émouvoir. Les murs du Witloof retiennent leurs larmes, les gens chantent par cœur sous les flashs, des papillons noirs s’échappant partout de larges sourires.

Après un dernier pogo sur Fashionista, le public continue de crier son nom mais elle ne reviendra plus. C’est alors sur le chemin du retour qu’on se réécoutera SPOTIFY, seul morceau non joué de l’EP fêté, afin de rester jusqu’à morphée dans ce décor coloré où mélancolie et détermination cohabitent et s’alimentent. Une ode à l’affectivité dessinée en cohérence musicale sans jamais qu’un morceau ne ressemble à l’autre. Un roman de ressentis qui forment une vie. C’est ça zonmai, et c’est que le début.

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