| Photos : Caroline Bertolini
Parce que chaque être humain devrait avoir accès à la beauté d’un concert de strongboi. Parce que la douceur se fait rare et parce que la vulnérabilité est une force. On vous raconte notre merveilleuse soirée passée en la délicate compagnie d’un groupe qui fusionne folie et mélancolie d’une façon simple et authentique. L’autrice de cet article s’essayera donc à l’exercice difficile de l’écriture subjective assumée, en promettant d’essayer de ne pas utiliser le mot “douceur” à chaque ligne. Vous restez avec nous ?
On ne pourra commencer le récit sans vous parler de la première partie de ce concert, tête plutôt connue de la scène alternative bruxelloise. Julien Tanghe nous revient dans une formule solo, en partie depuis le répertoire mi-brut mi-bleu de JAKOMO. Comme à son habitude, la voix de Julien et ses envolées rauques nous ont captivé·es. Muni seulement d’une guitare acoustique, il nous balade dans les méandres de nos expériences les plus déchirantes. Il parait que pour l’entendre dans une version plus upbeat, il faut écouter Nydn, son dernier single paru en solo. Une belle entrée en matière qui gère les silences à merveille, devant une salle concentrée.
| Photo : Caroline Bertolini
De mélancolie en mélancolie, il est temps de retrouver strongboi. Si notre cœur avait déjà chaviré longtemps avant cela, il n’en fut pas moins comblé de retrouver le groupe sur le piédestal imaginaire qu’on leur a créé dans notre tête au Musée du Botanique. Et pour cause, nous attendions depuis près de sept mois leur venue, reportée depuis février dernier. En ce 17 septembre, ça y est, les étoiles sont alignées pour nous gratifier du doux cadeau de leur présence.
Posté·es devant la scène, appareil photo à la main, nous canalisons notre excitation, convaincu·es que la soirée sera belle et apaisante. Ziv Yamin, Alice Phoebe Lou et leur band arrivent devant nous dans la simplicité la plus grande, et d’une manière solennelle, iels lancent les première notes lo-fi. Sourires et jeux de lumières au tungstène sur les visages. Alice esquisse des salutations de la voix réconfortante qu’on lui connait. Pas moins surpris·es dès le début par les accoutrements scéniques du bassiste, guitariste et saxophoniste, qui, plongés dans la pénombre de la salle, arrivent à briller dans le noir.
| Photos : Caroline Bertolini
Il ne nous faut alors que peu de temps pour reconnaître le joyau délicat qui nous a accompagné ces derniers mois, fool around, qui marque la salle par son honnêteté sous les mots suivants : I just wanna sit you down. And tell you what you mean to me. Alice, quant à elle, ne déroge pas à ce sentiment en nous offrant les pas de danse les plus authentiques de l’année, dans un t-shirt imprimé et baskets version 90’s kid. Et c’est le groupe entier qui nous emmène dans une dimension ou la liberté est un concept clé, refusé à personne. Et comme on aimerait vivre dans un tel monde ces derniers mois.
Puisqu’il faut choisir, il nous faudra vous parler de quelques moments qui on particulièrement touché l’assemblée. On enchaîne avec ugi qui remet la lenteur dans le groove et le groove dans la lenteur. Posté·es juste devant, on entend “I wish I could change seats”, mais on n’est absolument pas d’accord en cet instant précis. Le public se balance de gauche à droite et de droite à gauche, moins averti sur les paroles de la chanson qui compose le premier album du groupe. On se met dans le mood, strongboi, on arrive. On fouille alors dans les tréfonds de nos âmes solitaires pour y trouver le courage d’écouter cold. Retentissent alors les mots qui titillent nos plaies pourtant déjà pansées : “It’s a little cold when you’re gone, but I think that I can handle it. Just don’t go too long”. Coeur : 0. Alice : 1.
| Photo : Caroline Bertolini
Après cette défaite écrasante, en attente de désinfectant, on peut compter sur tuff girl pour nous distraire et nous poser un sparadrap de velours. D’une voix bien plus grave que d’habitude, on nous raconte l’histoire d’une tuffgirl, comprenez “femme forte”, homologue de strongboi. Celle-ci vous abreuvera en sensualité avec une pointe de kitsch qui est plus que bienvenue. Les douces envolées vocales d’Alice et les synthés ne nous permettent pas de redescendre de notre nuage et c’est tant mieux. On y trouve également quelques paroles kinky dissimulées dans les nappes de production et effets vocaux en fin de chanson (qu’on vous laisse découvrir par vous-mêmes).
I put on lipstick, I wear my velvet
Shake my body, move my pelvis
Take me where
The love is in the air
Il n’en reste pas moins une question qui nous taraude : comment peut-on encore dépasser en qualité la voix studio ? Tout est réuni pour nous amener à “tchouler” comme on dirait en Belgique (ndlr. pleurer), sur magic. On tient bon, mais la chanson nous invite : “Magic happens when you lean in”. Au sein du public, toutes les visages sont doux, ils dessinent un sourire à mi-mesure dans un émerveillement commun. On se laisse donc aller à un balancement de hanches et d’épaules sous les paroles : “Am I magic to you, do you want to figure it out ?”, qui tombent comme un filet enrobant nos cœurs lentement et manquent alors de nous voler quelques larmes.
| Photos : Caroline Bertolini
Après avoir essuyé quelques gouttes de sueurs et d’émotion au premier rang, il est temps pour nous de nous retirer pour faire abstraction du monde, seul·e dans notre bulle, sans distraction aucune. Une belle idée puisque c’est à ce moment là qu’Alice se lance dans une mélodie qu’on connait bien, c’est celle de Bound des Ponderosa Twins Plus One. Peut-être le nom ne vous dit rien, mais à l’écoute, il vous faudra à peu près trois secondes pour craquer sous la nostalgie du titre. Moment de jouissance instrumentale pour ramener la soul au milieu du débat.
C’est alors que honey thighs retentit dans nos oreilles. Et puisque le miel est de mise, c’est un décor ensoleillé imaginaire qu’on lui associe en cet instant précis. Dans notre imaginaire, la scène se transforme alors en un décor champêtre filmé avec une caméra des années 2000 basse qualité qui fait ressortir les couleurs des fleurs. Entre deux pas de danse façon “secouement de canard”, on voit Alice et Ziv s’échanger des regards malicieux, des sourires au sein du groupe qui nous amènent au constat suivant : strongboi, c’est la folie-mélancolie qu’Alice n’exploite pas dans son projet solo. Et quel bonheur de pouvoir être témoin·tes des deux.
‘tween these thighs
I got honey, I got sighs
And I really, really like
What’s between your eyes
The things I find
When I’m running all over your mind
| Photo : Caroline Bertolini
Pour revenir quelques instants à la liberté et aux covers, strongboi nous offre Free de Deniece Williams. C’est à presque souhaiter que le groupe lance un cover band et ceci n’est en aucun cas une blague. C’est sous la légèreté de la phrase “but I just got to be free, to be me” qu’on se perd dans nos pensées. On peut vous le dire, this girl knows how to soul. En plus, elle nous propose une participation à base d’onomatopées chantantes en nous rassurant d’emblée : “You can try too it’s relaxing!”.
Bref, dans le monde groovant de strongboi, Alice se lance dans une danse du robot juste pour le fun et on en ressort étrangement comblé·es. Alors oui, qui dit danse, dit qu’Alice n’aura pas beaucoup pianoté sur le clavier devant elle, mais que voulez vous, la danse ça prend de la place. Puis la voix, c’est aussi un instrument. C’est sur le single strongboi qu’on finit la soirée, cette même chanson éponyme qui avait retenu notre attention par sa particularité dès sa sortie, alors que nous ne savions même pas qui se cachait derrière le groupe. Cette soirée fut d’une douceur déconcertante, c’était beau et souriant en même temps. Ça valait bien les sept mois d’attente, surtout en repartant avec une casquette du merchandising souvenir.
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.