Aletheia’s Calling, premier projet compact, impact Dirtsa
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Auteur·ice : Adriano Tiniscopa
03/11/2021

Aletheia’s Calling, premier projet compact, impact Dirtsa

Il y a les cris des gosses qui s’échappent du parc d’à côté. Le bruit des tables qui se débarrassent dans la hâte et l’efficacité. Le joyeux brouhaha qui s’échappe de la terrasse. Et l’artiste musical Dirtsa qui répond à nos questions. C’était mi-octobre à l’occasion du festival MaMA dans le quartier des néons rouges, Pigalle, à Paris. Dirtsa parle souvent à la troisième personne. Elle n’est pas toute seule. À ses côtés il y a sa sœur, « [son] agente, [sa] confidente, [sa] meilleure amie, beaucoup de choses. Elle m’épaule depuis le début. », confie la chanteuse. Aletheia’s Calling c’est le nom de son nouveau projet musical sorti récemment. Un mélange de RnB, de drill, de trap avec un parler recherché, un flow et une écriture déjà assurés. « L’alètheia », c’est une espèce de « vérité dévoilée ». Sur les rives de sa conscientisation, Dirtsa cherche sa vérité, se dégage un horizon et nous raconte tout ça en mélodie dans un premier projet mûr et percutant.

La Vague Parallèle : Salut Dirtsa ! Est-ce que tu peux commencer par te présenter ?

Dirtsa : Je m’appelle Dirtsa. Je suis basée à Toulouse mais comme je te disais je suis née au Cameroun à Douala. J’ai vécu là-bas jusqu’à mes 6 ans et demi. Après ça on a déménagé à Pau et puis à Toulouse. Ensuite, pendant mon année de terminale, les parents ont déménagé en région parisienne. J’ai fait un an de lycée en Normandie puis je suis redescendue à Toulouse pour ma prépa et mon école de commerce. Donc voilà le petit parcours qui fait que je suis basée à Toulouse !

LVP : Je vois ! Est-ce que par hasard tu connais Alicia., avec un point à la fin ? Elle est dans le label Neuve chez Universal. Elle est de Toulouse aussi !

D : Je ne vois pas, je suis désolée. Mais Toulouse c’est une pépinière !

LVP : Justement, est-ce que ça bouge Toulouse, il y a un vivier là-bas ?

D : Ouais ! C’est un bon vivier. Il y a beaucoup de scènes ouvertes pour les gens qui se découvrent au son et qui veulent expérimenter la scène. Moi j’ai un peu commencé comme ça, par les « open mics » organisés au Connexion. C’est un petit bar. Après pour ce qui est des grandes salles, ça tourne pas mal entre le Bikini, Le Phare… Et on a Bigflo et Oli qui sont les grands représentants de la ville. Il y a des choses qui se passent à Toulouse quand même. Ça appelle à la création je dirais.

LVP : Je vois. Comment ça se passe alors en termes de création ? T’as ton appartement ou t’es en résidence artistique ?

D : J’habite avec ma sœur. En fait, le moment le plus important dans mon processus de création se passe dans mon salon. C’est pour moi l’espace où la plupart de mes sons vont prendre forme. Leur forme presque finale avant le mastering. L’essence prend vie dans mon salon.

LVP : Parce que tu t’y sens bien ?

D : Ouais, je m’y sens super bien. Je pense qu’il y a une certaine vibe. Tu sais, quand t’es bien dans un endroit et que tu t’y reconnais, les choses sont fluides, il n’y a pas besoin de trop forcer.

LVP : Pas de mauvaises énergies. Tu ne galères pas à trouver l’équilibre.

D : Oui, c’est très feng shui (rires).

LVP : Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire ? Tes séances d’écriture se passent comment ?

D : Je suis généralement seule. Une fois qu’on a travaillé sur la prod, j’ai besoin de ce temps seule où je m’isole, je rentre dans ma « werss ».

LVP : T’es sur ta mob (mobylette) ?

D : Oui vraiment. Je l’appelle la  « zone » aussi. J’ai vraiment besoin de ce temps où les choses se forment dans ma tête et puis la mélodie arrive. Ensuite on passe à l’étape du record au salon et la maquette vit, presque !

LVP : C’est toi aussi qui es sur les prods ?

D : Non non ! Je bosse avec des gens quand même, qui sont très talentueux. J’ai rencontré les 3 producteurs qui sont sur Aletheia’s Calling. On a travaillé ensemble pendant 5 ou 6 mois au préalable. C’était pendant le confinement, donc j’avais l’impression qu’on se faisait des « ping-pong internet » (rires). Est-ce que ça te convient, est-ce que tu te sentiras à l’aise, quel instrument est-ce que tu verrais bien pour t’accompagner ? On se faisait des allers-retours avec ce genre de questions. Les producteurs étaient très ouverts. Ça s’est fait comme ça, lentement mais sûrement. On a commencé à développer un vrai univers autour de ce projet.

LVP : Est-ce que tu as des noms à donner ?

D : Oui bien sûr ! Il y a Falcon, Angeles, comme Los Angeles mais sans le Los et puis Kju. Ce sont les 3 qui sont sur ce premier EP. Il y a eu une mise en confiance totale. On a de très bons rapports et ça se fait assez naturellement. S’ils ont quelque chose, ils vont me l’envoyer en me demandant si ça me plaît.

LVP : Je vois. Il y a de l’émulation, c’est tant mieux.

D : Oui voilà. Et entre nous il y a une certaine alchimie qui se ressent sur cette tape.

LVP : Vous vous connaissez comment d’ailleurs ?

D : Ce sont des rencontres qui se sont faites au fil du temps, ici et là. Entre les « open mics » au Connexion. J’ai été introduite à eux. On m’avait déjà conseillé de travailler avec des producteurs. On a travaillé à distance puis après on s’est rejoint à Berlin pour finaliser le projet de l’EP. Pour passer de la maquette de mon salon à quelque chose de « masterisé ».

LVP : Ok d’accord. Le titre Questions me fait penser à de la « drill », un petit mot à ce sujet ?

D : Oui ici on drille ! C’est une affinité déjà. Moi j’aime bien jouer avec les choses. Quand j’entends des choses que j’apprécie, je les étudie, je les assimile et ensuite ça ressort à ma sauce. J’aime bien ramener mon twist dessus on va dire. Je ne dirais pas que je fais une drill assez commune. J’aime bien jouer avec les cadences, les temps, les flows. Et puis même, je pense que ça se ressent sur ce projet. Parce que du coup de son en son, c’est des univers différents dans lesquels tu vas plonger. Et sinon, je n’ai pas de connaissances solaires dessus mais ce que je sais c’est qu’un des plus anciens viviers de ce genre vient de Chicago. C’est là-bas que ça a commencé à prendre une tournure, qu’on a commencé à découvrir Chief Keef avec son titre Love Sosa. Après il y a eu un essor. Ça s’est fait via les gangs. À New York, il y a aussi une grosse scène drill. Et puis ensuite au Royaume-Uni, ils sont très chauds. Maintenant ça commence à s’exporter dans le monde. J’ai découvert de la drill ougandaise !

LVP : D’accord, il faudra qu’on écoute ça ! Sinon, je trouve cet EP hétéroclite et complet.

D : Merci beaucoup.

LVP : Je lisais un peu partout que tu avais des influences anglo-saxonnes, c’est-à-dire ?

D : Ben ça vient du fait d’être née au Cameroun déjà. C’est un pays bilingue. Et j’ai fait une école bilingue quand j’étais petite là-bas. Pour te remettre dans le contexte, quand on arrive à l’école, on va apprendre l’anglais en apprenant le français. Quand t’es enfant c’est plus facile d’assimiler, l’oreille s’y forme, on ne s’en rend pas compte mais quand tu grandis ça t’aide vachement. Et il y a aussi ce truc avec les diasporas africaines qui sont un peu sur tout le continent. On s’est retrouvé à avoir pas mal de famille aux États-Unis, sur la côte Est particulièrement. Quand tu gardes contact tu continues à échanger en anglais. Et puis dans tout ce que j’écoute, j’ai une forte préférence pour l’anglo-saxon. Mais c’est vrai que j’ai été bercée par mes grands frères et mes grandes sœurs. Et il y avait beaucoup d’influences rap et RnB des années 1990 et 2000. Ça te fait l’oreille. Et puis il y a tous les sons annexes, que ce soient des sons plus africains, voire même camerounais. C’est un bagage que nos parents nous ont apporté très jeunes.

LVP : Ils écoutaient quoi ?

D : Richard Amougou, Henry Dikongué

LVP : Donc tu as été un peu bercée par ça également ?

D : Oui carrément. « C’est la vie, la vie, la vie ohhh ». Tu vois c’est des choses que tu ne perds pas ! Ça ramène aussi ces envies d’ailleurs que j’essaie de proposer dans ma musique. Même quand il s’agit de reprendre des choses qui ont déjà été faites plein de fois. Moi mon but c’est d’arriver avec ces influences et d’apporter ma touche à moi et de te montrer que je vais remettre ça au goût du jour. Et hopefully ça va te plaire (rires).

 

LVP : Et je crois qu’il n’y a pas de souci là-dessus ! Je voulais revenir sur le titre de ton EP et en particulier sur le terme « Aletheia », quels sont tes mots pour le définir ? J’aurais tendance à dire que c’est une espèce de vérité révélée, c’est un peu ça ?

D : Pour t’expliquer, ça a un rapport avec mon parcours. Quand j’ai vraiment commencé à faire de la musique, il y a 3 ans, c’était vraiment dans le but d’être vraie avec moi-même. Sur les choses que je gardais au fond de moi, ce que j’envisageais pour le futur aussi. Je savais que je voulais faire quelque chose qui me fasse vraiment vivre. Quand j’ai connecté avec la musique ça m’a énormément aidée à faire face à plein de choses que je vivais dans ma vie à cette période-là. Aujourd’hui, écrire, ça reste une espèce de thérapie.

LVP : C’est libérateur ?

D : De fou. Et dans la construction dAletheia’s Calling ça s’est fait progressivement mais j’avais envie d’amener ce côté authentique, ce côté vrai sur les choses. De sorte que non seulement quand tu écoutes l’EP, ça fasse l’impression d’une bouffée d’air frais, quelque chose qui te permet juste de respirer. Je voulais voir le vrai des choses, le vrai de moi-même. Je suis vraiment contente que ça se soit passé comme ça. On ne peut jamais vraiment prévoir les choses mais une fois que tu te mets quelque chose en tête, pour moi le plus important c’est de faire ton maximum pour aller au bout en restant fidèle à toi-même. C’est ce que je voulais montrer avec Aletheia’s Calling. Autant, il y a beaucoup de choses à voir dans ce projet. Autant il est très uni en lui-même, dans la manière dont je l’ai construit.

LVP : C’est-à-dire ?

D : Dans la boucle des 6 sons. Dans la façon dont les sons vont se verser les uns après les autres. Je voulais vraiment que tu puisses te retrouver dedans à tous niveaux. Que mes vérités te touchent aussi toi.

LVP : Un peu comme un message universel ?

D : Oui, c’est le but. J’ai l’impression qu’il se passe déjà tellement de choses dans nos vies. On ne prend pas nécessairement toujours le temps. S’il y a vraiment une seule chose que je souhaite réussir à faire avec ce projet, c’est que tu aies pu avoir ce moment pour souffler du début à la fin de l’EP. Et ensuite que tu aies pu réfléchir à des choses auxquelles tu t’empêchais de penser. Ou simplement parce que tu n’avais pas le temps de te poser pour y penser. Et bien sûr, que tu aies envie que cette boucle reprenne quand tu arrives à la fin !

LVP : Je vois. Tu es contente de ton projet, de ton EP ?

D : J’en suis très fière. C’est des semaines, des mois, un peu plus d’un an de travail avec mon équipe, au niveau de l’accompagnement qui a été fait dessus. Quand je dis « accompagnement », c’est à tous les niveaux. Par exemple, là je sors de ma toute première tournée. C’était quelque chose qui était assez incroyable. Et puis juste à la fin de ça, il y a Aletheia’s Calling qui arrive. On a fait une bonne saison cet été notamment grâce à PR Live Music¹. C’est le tremplin que j’ai gagné cette année, je suis leur lauréate pour 2021.

LVP : Comment as-tu connu ce concours ?

D : Pour l’anecdote, quand je suis arrivée il y a trois ans en école de commerce, mon bureau étudiant avait été mis en relation avec le concours du PR Live pour sensibiliser un peu sur la musique. J’ai connu le concours à une de leurs soirées. Il n’y avait pas encore la musique dans ma vie. Les seules choses que je faisais c’était des covers ici et là, c’est tout. Je n’avais pas de sons. Je me suis dit que ce serait fou d’y participer. J’ai rencontré ensuite mon tourneur/bookeur qui m’a inscrite à ce concours. C’est assez fou cette aventure. J’ai appris énormément depuis mai. Entre cette tournée, l’aboutissement et la sortie du projet, c’est aussi énormément de choses sur lesquelles j’ai pu m’améliorer. En espérant que ça continue ! C’est une vraie chance de pouvoir faire tout ça.

LVP : Il y a eu des auditions ?

D : Oui ! Ce n’était pas facile ! (rires). On était plus de 1600. Il y a eu ensuite le top 100, puis 10. Puis, il a fallu atteindre la finale qui s’est déroulée à Paris, à la Gaîté Lyrique. C’est incroyable. Je n’ai pas d’autres mots à part le fait que c’est incroyable.

LVP : Elles ressemblent à quoi tes journées en ce moment ?

D : Ah, c’est très rythmé. Hier pour nous par exemple, c’était une bonne journée de répétition. On était au Canal 93 hier à Bobigny pour répéter. Après il faut enchaîner sur des rendez-vous, connecter avec la team, ici ou à l’étranger. C’est des journées chargées mais avec plaisir. Je suis accompagnée de ma sœur. C’est ma chance de pouvoir avoir ce regard extérieur mais toujours bienveillant sur moi-même.

LVP : Qui n’est pas là pour te mettre des bâtons dans les roues.

D : Non, elle veut juste que je puisse prendre mon envol et être ça.

LVP : C’est quoi ton rêve de bonheur dans tout ça ? Ce serait la musique ?

D : Oui moi c’est la musique. Mais j’ai surtout envie de me donner les moyens d’aller le plus loin possible, je dirais. J’aime bien aussi garder certaines choses pour moi au niveau de ce que je prévois. Dans ce que je fais il y a beaucoup de volonté, de niaque, de passion, c’est des choses que je vais amener avec moi jusqu’au bout. Et puis, plus j’apprendrai, plus je serai à même d’amener ma musique plus haut.

LVP : D’accord, je vois. Ce serait quoi le trait de caractère qui te détermine le plus ?

D : La détermination, je dirais. Et puis il y a une chose que ma sœur m’aide beaucoup à travailler, c’est cette prise de recul. Être apte à prendre du recul sur les choses qu’on fait. Parce que parfois tu es tellement dans le jus, tu n’arrives même pas à te rendre compte de si tu avances ou pas. Et on peut vite se frustrer sur des choses. Mais c’est aussi important de prendre de la distance sur les choses. Et tu verras toi-même que, oui, tu avances. C’est petit à petit mais les choses prennent le temps qu’il faut. C’est une chose sur laquelle je travaille surtout. Parce que je suis un peu tête brûlée. Mais ça arrive avec le fait de grandir, tout simplement.

LVP : Oui, il y a certaines choses que tu ne peux pas apprendre autrement je pense. Et sinon, un trait de caractère que tu préfères chez les autres ?

D : Ce serait la capacité d’être à l’écoute. C’est quelque chose qui me touche énormément chez les gens. Je dirais simplement ça. C’est important qu’on s’écoute les uns les autres. C’est aussi quelque chose que je cherche à travailler.

LVP : Et être disponible pour les autres c’est encore autre chose !

D : Oui c’est sûr. Mais déjà écouter c’est beaucoup. Et s’investir dans l’écoute c’est beaucoup.

LVP : Oui, je te rejoins là-dessus. Pour revenir sur la musique, est-ce que tu as un instrument de prédilection ?

D : Moi personnellement je ne joue pas d’instrument. Mais s’il y a un instrument que j’aime beaucoup à l’oreille c’est la kora. J’ai toujours fait de la musique au feeling. Maintenant qu’on essaie de se professionnaliser, j’ai la chance d’avoir des cours de chant avec le Studio des variétés. C’est une vraie chance, j’apprends à perfectionner mon instrument qui est ma voix.

LVP : Quand est-ce que tu as appris que tu savais jouer de cet instrument ?

D : Au début, je ne voyais pas ça comme un instrument. C’est avec mon parcours que j’apprends à appeler ça un instrument. Plus tu travailles dessus, plus tu en prends soin et plus tu fais des progrès dessus. Quand j’ai débuté je ne prenais pas de pause. Quand on est allé enregistrer Aletheia’s Calling, on a eu une grosse extinction de voix au studio. J’ai un peu forcé sur 2-3 jours. Puis, à la fin de la troisième journée, la note ne sort plus. Petite panique parce qu’on ne peut pas rester à Berlin indéfiniment.

LVP : Comment vous avez fait du coup ?

D : Beaucoup de repos. On a arrêté la session. On est juste rentré se reposer et puis prier (rires). Et le lendemain je me suis levée, les notes sortaient, on était refait parce qu’on pouvait continuer ! Mais on ne pouvait pas être maître de la situation non plus.

LVP : Les aléas de la musique.

D : Oui et j’ai appris là aussi qu’il fallait prendre de la distance. Parce que si la voix ne sortait plus c’était que j’avais déjà atteint un cap. Donc fais une pause, prends de la distance et reviens après. Faut souffler.

LVP : Carrément d’accord. C’est l’état d’esprit du moment ?

D : Oui. Quand je dis prendre le temps, c’est aussi prendre le temps qu’il faut pour construire des projets que je serai fière d’aller défendre dehors. La création ce n’est pas quelque chose qu’il faut précipiter. J’aime prendre mon temps simplement dans les choses que je crée.

LVP : Je vois. Il y a des prochains projets ?

D : Ça fait partie de nos ambitions, on va dire. On va surtout essayer de rester très motivé sur les live pour appuyer aussi ce premier projet. J’ai aussi envie de commencer à me projeter sur un projet plus long. Je ne peux pas trop m’avancer non plus.

LVP : Je vois, ça roule. Je voulais revenir sur ton titre Underdog, c’était quoi le contexte ? Parce qu’il est énervé ce son ! Underdog, c’est la personne en dehors du système ?

D : Underdog c’est un outsider, oui. C’est celui sur lequel on ne va pas vraiment miser. C’est celui à qui on ne va pas nécessairement donner les choses mais qui va aller les chercher, tu vois.

https://www.youtube.com/watch?v=UAfWE_JwThI

 

LVP : C’est aussi la débrouillardise ?

D : Oui aussi. C’est un son qui pour moi a pris tout son sens parce que je voulais y défendre beaucoup le combat des minorités. C’est aussi un son que j’ai dédié à mon oncle qui est décédé un mois avant la sortie de ce single. Parce que c’est un homme qui m’a toujours inspirée simplement dans sa manière de penser le Cameroun, de penser l’avenir de ce pays. Je voulais qu’il en reste quelque chose. Même sur ce nouveau projet Aletheia’s Calling, c’est une notion que j’ai voulu également ramener dans Questions. C’est quelque chose qui compte pour moi, de parler du combat de ces minorités-là et des questions de races.

LVP : C’est-à-dire ?

D : Il faut parler de tout ce qui est racisme. C’est des choses pour lesquelles je me bats. C’est important de continuer de parler de ces choses-là parce que sans ça on s’endort sur le changement en fait.

LVP : C’est quoi ton rapport avec le Cameroun ? Et à l’identité ?

D : Mes deux parents sont camerounais, toute ma famille en soi est camerounaise. Je suis arrivée en France très jeune. À ce moment-là on a un peu de mal à se construire. Ça a été un peu difficile, à l’école j’ai été confrontée au racisme directement. La première chose qu’on m’a dite à l’école c’est que je ne devais pas être là et de rentrer chez moi. Et c’était un enfant. Mais ça a aussi développé une énorme force en moi. C’est vraiment un moteur pour moi d’avoir cette double culture. J’ai passé le plus long de ma vie en France du coup je pense qu’il y a cette adaptation qui se fait. Mais moi en fait je suis surtout un pont entre deux cultures. Il est possible d’avoir des ponts aujourd’hui. Je pense qu’au lieu de célébrer la séparation entre les gens, on pourrait juste essayer de faire des ponts. Et c’est ce que je m’efforce de faire en musique. Mais aussi, et ça va paraître cliché, de mettre en avant l’amour de l’autre, l’amour pour l’autre même, je dirais.

LVP : Je vois, revenons aux bases…

D : Parce que oui, on est plus que nos origines. C’est vraiment important, cette notion de créer des ponts, pour moi.

LVP : Tu y vas souvent, au Cameroun ?

D : La dernière fois c’était il y a trois ans. Et j’ai pu me rappeler plein de choses. J’ai pu avoir ce truc où tu redescends aussi. Tu te rappelles ce qui importe. Et tout ça, ça s’est goupillé au moment où je commençais la musique. Je commençais à me demander ce que j’aimerais amener dans ma musique.

LVP : Et tu as trouvé ?

D : Oui, je vais amener ce bagage-là. Ces choses qui m’ont faite et toujours mon ouverture sur le monde.

LVP : Et dans la musique c’est d’autant plus une force. Parce que du coup tu les perçois, tu les entends directement, les origines. Même dans ta façon de chanter l’anglais. Ça rajoute une touche spéciale.

D : Mais j’y tiens beaucoup aussi. Et je ne serai pas la première artiste africaine à faire ça. Mais pour moi c’est important de m’insérer dans cet élan de célébration des origines et d’aller présenter ça au monde. Sinon ça se perd. Je parlais du « griot » tout à l’heure. C’est celui qui va conter les histoires, qui va retenir toute la mémoire d’un peuple. Les gens se rejoignent autour de petites réunions, le griot commence son histoire et c’est comme ça qu’elle se transmet. Avec la colonisation, beaucoup de pays africains ont perdu leurs écrits et ce qui est resté finalement c’est l’oral. Et ça se transmet de génération en génération.

LVP : D’accord, je vois. Et en dehors de la musique, qu’est-ce que tu aimes faire ?

D : J’aime bien peindre aussi. J’essaie de toucher. En fait, tout ce qui se rapproche un peu de l’art, je suis vraiment fan. J’aime me perdre dans les musées, regarder des expos. Sinon on aime bien jouer aux échecs. Ça n’a rien à voir avec l’art mais c’est un petit hobby (rires). Sinon j’aime bien m’ouvrir à découvrir de nouvelles choses. La peinture c’était juste pour essayer, voir si je pouvais le faire.

LVP : Et puis parfois ça fait du bien pour gérer ses émotions, ses démons, c’est vital.

D : Oui ça l’est. Sinon j’aime les choses simples quoi.

LVP : Est-ce que tu as des artistes du moment ?

D : Je te conseille d’aller écouter le featuring Dave et Boj, ça s’appelle Lazarus. Ça c’est vraiment un bouton replay. Et puis sinon, il y a d’une manière générale PinkPantheress. Elle a des vibes lo-fi, un peu perchées. Je trouve ça très intéressant ce qu’elle fait. Et puis je suis obligée de te parler de Young M.A et le titre Off the Yak. Tous ses sons je les saigne.

LVP : On ira écouter ça !

¹ Pernod Ricard Live Music : tremplin musical organisé par la société éponyme

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