Andy je t’aime : “Mon projet est de donner le frisson.”
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Auteur·ice : Yinn Grab
31/05/2019

Andy je t’aime : “Mon projet est de donner le frisson.”

C’est au mois d’Avril que l’on se retrouve au parc des Buttes Chaumont avec Brice Michelini et Ronan Martin pour parler de ce projet tout frais qui les réunit. Le temps est clément, leur énergie contagieuse. Nous commandons trois mousses, trinquons en souriant et nous lançons dans un échange passionnant pour essayer de mieux comprendre la genèse d’Andy je t’aime.

 

La Vague Parallèle : Vous êtes deux aujourd’hui, comment dois-je comprendre cela ?

Brice : Andy je t’aime c’est mon pseudonyme, c’est pas un nom de groupe. Et Ronan c’est un peu… mon « numéro complémentaire ».

Ronan : On co-compose, on co-écrit tout, à deux. Il n’y a pas d’autres intervenants dans ce process là. On co-produit aussi ensemble les titres. Mais en fait, tout le projet, toute la Direction Artistique (DA) est portée par Brice. Et encore une fois ce n’est pas un groupe, c’est juste qu’en studio et même sur scène on est tous les deux, mais le message est vraiment celui de Brice.

B : On bosse à deux, car Ronan est le meilleur traducteur de ce que j’ai à dire. On compose, on écrit ensemble, il est autant compositeur que moi. Sans lui, je ne ferais pas cette musique et réciproquement.

R : Je n’écrirais jamais ces chansons-là.

B : C’est notre connexion, notre connivence, c’est notre duo qui permet de créer Andy je t’aime.

LVP : Mais vous n’êtes pas un duo, c’est ça la nuance.

B : Andy je t’aime en fait c’est « JE » t’aime, ça n’est pas Andy nous t’aimons….

R : Je ne suis pas amoureux d’Andy (rires).

B : Tu l’aimes quand même (sourire).

R : Ouais, j’l’aime bien (rires).

LVP : Je rencontre donc Andy je t’aime avec son…



B : Son co-compositeur, son co-auteur, co-producteur, avec sa main droite, avec son binôme !

R : Ce qu’il faut savoir c’est que dans le processus de création, on fonctionne comme un quatre mains.

B : Un jour on arrivera à traduire ça en une phrase. Parce que le mot « binôme » n’est pas beau. T’es pas mon binôme, t’es pas mon colloc. Mais faut trouver un mot qui nous aille un moment donné.

R : Le « quatre mains » c’est pas mal ?

B : Le « quatre mains » c’est bien.

LVP : Première question. Pourquoi avoir créé ce projet musical ?

B : Par frustration, par envie, par… Nécessité aussi, parce que la musique que je voulais écouter je ne l’entendais pas, à moins de l’entendre dans tout ce que j’ai écouté, dans une espèce de playlist de ma vie, mais je ne trouvais pas le moment du frisson dans la musique, dans les groupes ou chez les chanteurs. Évidemment là je t’ai dit une énorme généralité car ponctuellement je le trouvais… Mais j’avais une envie de diffuser ce besoin énergétique de frisson, de danse, d’amusement. De musique pour la musique et pas pour ce que ça raconte de l’artiste.

R : D’ailleurs moi quand Brice vient me voir – je précise qu’on est ami depuis bien avant ce projet – quand il vient me voir il me dit : « Ronan, je veux sortir la musique qui est en moi, mais j’ai besoin qu’on le fasse ensemble. Parce que nous deux on a un vrai passé ensemble, une vraie histoire d’amitié… »

B : Une confiance.

R : « C’est avec toi que je le ferai, et c’est toi qui va m’aider à sortir mon message perso ».

LVP : Tu parles d’un passé avant ce projet, alors je voulais savoir si avant ça il y avait eu d’autres projets ? Musicaux il ne me semble pas mais d’autres projets artistiques en général ? 

B : Ah oui bien sûr. Moi je suis comédien. Mais peut-être que ça rejoint ta question d’avant : au moment où j’ai commencé ce projet. J’étais dans un moment un peu de creux, d’attente. En tant que comedien, je suis tributaire du désir de chacun pour créer, là j’avais besoin d’être maître de mon désir, maître de mes envies, de créer. Et donc, je suis passé par ce moment très concret où il fallait que je fasse de la musique. Ca aurait été plus compliqué si je ne l’avais pas fait avec Ronan, j’aurais pas eu la même traduction, lui il sait quand je parle avec des onomatopées, lui il sait quand je dis un mot une couleur ou quand je souffle, il me comprend il le traduit, il sait… ce que je veux dire.

R : Et puis on a le droit d’être impudique l’un envers l’autre, ce qui est très difficile avec quelqu’un d’autre, ce qui est très rare dans le milieu de la musique. Moi j’ai fait beaucoup de projets, avec des copains, mais il y a un moment où l’impudeur ça devient quelque chose de compliqué, car dans la création il y a un moment où il faut un peu se mettre tout nu, donc soit tu le fait tout seul, soit tu le fais avec des gens, mais il faut avoir une confiance absolue et cette possibilité d’impudeur. Ce que tu peux faire en couple, ce que tu peux faire avec un plan-cul. Quand à un moment donné il y a cette liberté d’impudeur qui vient c’est fantastique. Et nous, dans ce projet c’est vraiment ça qui se passe.

B : À deux on peut se le permettre. Des fois on se permet même d’y aller vulgairement, on essaie et on se dit : « bon allez on y va », on sait qu’on y va et quitte à se rattraper après quand on se dit « ah non mais là on a été trop loin »… On sait que ni l’un ni l’autre on ne se juge dans ce process. Notre histoire c’est des fois un intelligent qui parle à un con, d’autres fois l’inverse mais au bout du compte on arrive quand même à communiquer.

LVP : Comment s’est-il créé matériellement ou dans les étapes de sa création ? Un jour tu lui as dit : « je veux le faire » ? Ou il le savait déjà ? Racontez-nous le tout début de sa création.

B : Alors le tout début… Avec Ronan on s’est jamais perdus de vue de toute manière, donc on a toujours communiqué. Donc c’est un peu flou, de comment mon projet est né dans ma tête, il a certainement dû le savoir…

R : Dans nos conversation, sans que ce soit très concret…

B : Mais je sais qu’il y a eu un moment j’ai dit à Ronan : « j’ai un projet, j’en suis convaincu, j’ai le concept… Je veux faire de la musique qui percute le cœur, fait bouger les jambes et court-circuite le cerveau. J’ai ça, ça va parler de ça ça va raconter ça, on va commencer comme ça, on va faire ça en deuxième single.” Rien n’était composé mais je savais quelle direction j’allais prendre parce qu’en fait j’avais déjà la DA de mon propre projet.

LVP : Qui est ce personnage ?

B : C’est un amoureux, un peu mono-maniaque, hystérique, un peu… Habité par des fantômes, des démons, mais en même temps qui le vit positivement. Un amoureux obsédé par l’amour. Mû par une sorte de romantisme exacerbé… Quelque chose de très intense.

R : Puis il faut savoir que sa vie à Brice elle est amour, et donc ce personnage-là est la traduction de tous ses fantasmes d’amour absolu, qu’il place au dessus de tout autre concept. Et donc je pense que ce projet est le reflet de ça, (Ronan regarde Brice) c’est ta quête en fait, ta quête absolue.

B : Moi j’explore l’amour… Depuis toujours. Mais quand je te dis que j’explore l’amour ça veut dire que je l’explore physiquement, intellectuellement aussi, c’est vraiment un sujet de prédilection pour moi, l’amour. Et le projet est né du fait que ce soit Andy que j’aime. Je l’ai pas fait avec « Kevin je t’aime », ou avec « Enrique je t’aime ».

 

LVP : C’est comme, un peu, un tatouage.

B : Ouais c’est vrai…

LVP : Ce sera à vie le nom de ton projet.

R : C’est hyper beau cette idée, t’es pas tatoué en réalité, mais dans un sens t’es vraiment tatoué de tous ces enregistrements…

B : Parce que ce projet s’adresse à Andy et donc il a presque le début d’Andy mais il contient forcément aussi en soi la fin d’Andy. Mais ça, la fin, on ne la connaît pas, si ça se trouve elle n’adviendra pas… Mais c’est aussi parce que je conçois notre amour comme un amour infini que cet album, que ce projet, peut être infini.

LVP : Tu n’as pas dit que tu connaissais la fin tout à l’heure ?

B : Non je connais la fin de l’album. Je ne connais pas la fin de la relation (rires). Quand je parlais de la fin je parfais du dernier morceau de l’album. Je ne connais pas la suite du projet Andy je t’aime, je ne connais pas le deuxième album… Je ne sais pas ce que va être le troisième… Ça va aussi se nourrir avec mon histoire d’amour. Ça tombe ce sera « Andy j’t’aime plus ».

LVP : C’est intéressant ce nom d’artiste. Un prénom, un pronom, un verbe.

R : Pas mal.

B : C’est une phrase presque.

LVP : Alors est-ce qu’on serait là devant un nouveau type de nom d’artiste en train d’éclore ?

B : Alors là honnêtement je n’ai pas du tout cherché à faire ça avec ce nom… C’était pas du tout une recherche d’extravagance… Je n’ai pas cherché un nom esthétisant genre Minitel Rose. Ça n’a pas du tout été la démarche. C’était vraiment un cri du cœur, c’était Andy je t’aime ! Et en fait ça sonnait tellement bien à mon oreille Andy je t’aime que c’est devenue une évidence. Je ne me suis pas interrogé sur comment je pouvais trouver un nom cool.

R : D’ailleurs quand il me l’a dit – il me l’a dit bien avant qu’on entre dans mon studio – il m’a dit « Ronan »… Avant même qu’on ait créé la moindre note… « Ce projet c’est Andy je t’aime », et pour moi c’est devenu tout de suite la ligne directrice. Moi quand j’entends ça je sais vraiment où on va. S’il m’avait dit on va s’appeler, « les parasols bleus », en fait je crois que j’aurais pas compris (rires), parce que ce n’est pas toi.

B : Ouais je comprends, là il n’y a pas de triche, c’est un projet sincère, et donc le nom ne pouvait être que sincère. Et il y a aussi le fait que je m’appelle Brice Michelini, ça c’est mon nom de comédien. En fait j’ai vraiment deux vies…

LVP : Tu compartimentes un peu les choses.

B : C’est pas que je compartimente, car forcément tout se brouille, et ma vie de comédien nourrit ma vie de chanteur et vice-versa. Car maintenant que je fais ça il se passe d’autres choses dans ma vie de comédien, et les deux vont se nourrir forcément. Mais être comédien c’est être une page blanche, c’est le réalisateur qui écrit ce qu’il veut sur moi. Je m’appelle Brice Michelini, c’est la page blanche que je suis. Par contre Andy je t’aime c’est moi qui l’écris.

LVP : Toujours pour continuer sur ce personnage, c’est une question peut-être un peu maladroite mais… est-ce qu’il est connoté ? 

B : Connoté, tu veux dire sexuellement ? Je suis homosexuel, mais c’est un projet qui parle d’amour.

R : Tu ne le tais pas

B : Je ne le tais pas. Mais pour moi ça n’est pas le sujet. D’ailleurs, la question est évacué dès le titre : « Andy je t’aime ».

R : Et je pense que si l’amour de ta vie c’était Barbara, ce serait « Barbara je t’aime ». D’ailleurs moi je suis hétéro et en fait je me retrouve complètement dans ce projet, parce que c’est juste un projet d’amour.

B : Je suis profondément ému sur des chansons hétéros par essence : Les mots bleus, de Christophe, ou Ne me quitte pas de Brel. Quand Barbara chante, elle chante son amour hétéro, elle chante son amour pour les hommes, et je me retrouve totalement dedans. Pourquoi l’inverse ne serait pas possible ? Je pense que la musique d’Andy je t’aime n’est pas sexuée. Soit t’es touché par l’émotion soit tu l’es pas.

 

R : Et d’ailleurs Barbara, ça ne se voit pas peut être dans sa musique mais c’est une influence majeure pour Brice comme pour moi. Moi je suis hétéro, Barbara me parle que de ses amours masculins, et pourtant je me retrouve complètement dans son langage. C’est peut-être en ça que le message de 2019 dont tu parles Brice est beau. C’est peut-être que l’amour, il faut arrêter de le genrer. Moi je ressens la même chose que Barbara, quand elle parle à son homme, dans sa chanson Mes hommes. Je comprends ce qu’elle dit, ce message d’amour, d’imprégnation physique. Donc que ça vienne d’un homme d’une femme d’un homo peu importe… Ce message est très actuel, c’en est même triste d’ailleurs.

LVP : Pour le moment on n’a qu’un seul titre à se mettre sous la dent, qui est pour moi extraordinaire, un tube génial. Qu’est-ce qui nous attend par la suite ?

R : Il y a une petite surprise qui arrive dans quelques jours, c’est un remix de Catastrophe.

LVP : Vous les connaissez un peu ?

B : Ce sont des potes.

R : Moi j’ai fait des projets avec Blandine (Rinkel), je l’ai accompagnée sur des lectures. Brice a tourné dans les clips de Catastrophe. Pour le remix, on s’est pas dit on va demander au super remixeur du moment de nous faire le truc. C’était une évidence d’inscrire les amis dans l’aventure.

B : J’avais envie d’être entouré par les gens que j’aime, et c’est un projet d’amour donc j’ai envie que tous ces gens partagent ce message avec moi.

LVP : C’est vrai que c’est évident, c’est un super choix.

https://soundcloud.com/andyjetaime/que-toi-catastrophe-remix?in=andyjetaime/sets/que-toi-1

B : Après peut-être qu’au fil des rencontres, plus tard, il y aura des remixeurs qui viendront mais parce que je les aurais rencontrés.

LVP : L’humain avant tout.

B : L’humain avant tout. Mais pour moi les remix sont des sucreries. Le projet c’est quand même nos titres, à Ronan et à moi.

LVP : Ce qui m’a le plus marqué sur ce premier titre c’est que c’est hyper dansant. Je me demandais si tu allais continuer sur le même mode, ou si tu te dirigeais vers des choses un peu plus calmes.

B : Alors. Évidemment je ne vais pas faire sautiller tout le monde constamment, ça risque d’être insupportable comme album sinon. Mais… C’est le projet. Le projet c’est quand même d’écouter de la musique pour kiffer. Mon projet est de donner le frisson. Mais le frisson il peut aussi se donner avec des chansons calmes. Donc il y en aura. Il y aura des chansons, je ne sais pas si l’on peut appeler ça « calmes », mais il y aura des chansons plus…

R : Peut-être plus intenses, plus enveloppantes.

LVP : Plus planantes ? Plus…

B : Oui, d’une autre intensité en fait. Où l’intensité se passe ailleurs que dans les pieds…

LVP : Sensuelles ?

B : Je ne saurai pas là en parler bien. Car c’est en cours…

R : Mais ce qui est sûr par contre, c’est que ce n’est pas un projet qui triche. Ça signifie qu’on ne fait pas des blagues. Par exemple quand on dit « Que toi », ce n’est pas une blague. C’est un projet hyper premier degré. On ne veut pas prendre une posture de chanteur. On dit Andy je t’aime pour faire kiffer le corps et exprimer des sentiments forts.

B : Et des sentiments simples. Alors, pareil, pour enrichir ta réponse, le projet c’est quand même de parler au corps et aux frissons, c’est un projet – comment dire – organique ! La ligne directrice de ce projet c’est moi, c’est ma verticale, c’est mon frisson. Et donc si je trouve mon frisson dans une basse un moment donné ou dans un violon… Ce n’est pas Le Fil de Camille, chaque titre va aller chercher autre chose, interloquer. Parce qu’on m’attendait peut-être dans un truc eighties dans le premier titre, alors que vraiment ce n’était pas l’intention, mais il se trouve que c’est ce que j’ai traduit donc je vais pas le nier. C’est comme mon homosexualité je ne vais pas la nier. C’est eighties, mais ça n’était pas le sujet en fait. Et donc les autres titres ils ont aussi cette dimension, ils vont tous chercher quelque chose, et il y en a peut-être qui diront c’est eighties, il y en a qui diront c’est Jeanne Mas, il y en a ils diront c’est Christophe, il y en a ils diront c’est Daho, ça va vraiment dans tous les sens. Il y en a même qui m’ont dit que ça faisait Air


R : Et donc pour la suite il y a le remix de Catastrophe qui sort, ils proposent vraiment une relecture cool du truc, que je n’aurai pas soupçonné d’ailleurs, et après il y a un vrai deuxième titre de nous qui sort en mai.

B : En mai normalement, car il y a un clip en grosse préparation.

 

LVP : Autre question. On va rester dans la danse : est-ce que ce son est fait pour les clubs ?

B : J’adorerais que ça se danse dans les clubs, je trouverais ça génial. Mais pour moi quand je le compose je le vois plutôt sur scène qu’en club.

R : C’est vrai.

B : À chaque fois qu’il y a un désir qui me prend je l’envisage tout de suite sur scène. Je ne l’envisage pas en club.

R : D’ailleurs pour compléter la réponse, quand on compose, Brice me dit tout le temps : attends, parce que ça, quand on le transformera sur scène, il faut que ça donne ça, faut que ça fasse ça dans les yeux des gens, faut que ça leur donne le frisson comme ceci comme cela. « Frisson », il n’a que ce mot à la bouche. Par exemple il va jouer trois notes sur le clavier, ou je vais jouer trois notes sur le clavier, et si à un moment donné la troisième elle ne lui fout pas le frisson, c’est pas possible. Il n’y a pas l’amour s’il n’y a pas le frisson.

B : Non mais c’est ça, il y a des moments où on fait des conneries tous les deux car on est là avec chacun notre piano, on pianote on pianote, et tout à coup quand j’entends un truc ou de lui ou de moi, ou de lui et de moi et que ça me procure un truc je fais « putain putain ! » et c’est là qu’on développe. Et donc on pourrait faire des morceaux à la dizaine par jour parce qu’il y a toujours un moment donné une gamme ou un truc qui m’inspire de manière très très rapide. Et Ronan est très efficace dans cette traduction-là, c’est à dire que lui il me suit à fond, ou quand je suis sur un truc il me dit pas « non non non », il me comprend et il y va.

LVP : Vous travaillez par phases de combien de temps ?

R : Ça c’est hyper fluctuant, c’est à dire que parfois on va se retrouver deux semaines à bosser jour et nuit ensemble, et parfois on va pas se voir pendant deux-trois semaines, parce que déjà on a chacun nos obligations évidemment, et puis aussi parce que parfois c‘est mou. Enfin c’est pas mou, mais la musique n’est pas bonne, notre relation, notre créativité est molle, et nous on ne veut pas ça. On ne veut pas remplir un album, on veut que, nous, ça nous procure des frissons, et si ça procure pas les frissons, c’est « allez salut bonne soirée ».

B : T’as vu finalement il l’emploie autant que moi (sourire).

LVP : C’est un mot qui vous rassemble, en tout cas qui fait sens pour vous deux.

B : Mais c’est aussi parce que par exemple là je tourne vendredi et samedi, lui aussi a ses projets… Donc même si c’est un projet prioritaire, il n’occulte pas le reste de nos projets respectifs. Ce n’est pas un projet qui empêche les autres projets.

LVP : Est-ce qu’il est un peu intemporel, est-ce qu’il prend son temps, avec sa temporalité propre ?

R : Oui, mais par contre on déteste les périodes un peu molles, quand on est obligés de faire deux semaines de pause, c’est l’horreur. Il y a un espèce d’urgence qui se crée dans ces moments-là, et quand on se revoit on est excités, mais vraiment excités comme des petits fous, et là c’est là que ça devient drôle, il est beau être 9h30 on est à fond.

B : Oui ! Là ça va trop vite, il faut faire ça il faut faire ça et après tout se bouscule et après on n’en a pas assez d’une journée.

LVP : Vous avez parlé de Catastrophe, justement, je voulais vous demander : avec qui traîne Andy je t’aime ?

B : Il traîne souvent avec ses amis du cinéma Andy je t’aime. Parce qu’en fait c’est ma famille, celle que je me suis construite pendant des années.

LVP : Mais quel cinéma ?

B : La nouvelle garde du cinéma français, que ce soit les comédiens, les réalisateurs, les attachés de presse, les producteurs. J’ai monté un festival de cinéma aussi il y a des années, donc c’est vraiment ma famille que j’aime, ma famille de cœur. Et la famille… Musicale, je la découvre, je ne la connais pas encore. J’ai déjà des amis bien sûr mais ce ne sont pas des amis que je me suis fait dans la musique, ce sont des amis de la musique que je me suis fait dans le cinéma. Barbara Carlotti je l’ai rencontrée par le prisme du cinéma, et c’est une vraie amie. Catastrophe, je les ai rencontré comment Catastrophe ?

 

R : Moi je sais qu’à l’époque, je bossais pour le film de Gurwann Tran Van Gie, il y avait Blandine Rinkel dedans, et donc moi j’ai connecté comme ça avec elle, mais moi il me semble que toi tu la connaissais déjà.

B : C’est forcément le cinéma qui m’y a amené. Car le cinéma a été à un moment, et ça l’est toujours, une nourriture constante, donc ma famille je me la suis faite comme ça.

LVP : Alors, comment ceux qui traînent avec Andy je t’aime voient ce projet ? Qu’est-ce qu’ils en pensent, qu’est-ce qu’ils en disent, comment ils vibrent ?

À priori, ils aiment, et les autres se taisent sans doute… (rires). J’ai surtout perçu de l’enthousiasme en tout cas. J’ai eu des retours extrêmement touchants de gens que ne je connais pas, des messages de gens sur Instagram qui me disent que ma musique les transperce les transporte qu’ils adorent et ça, toutes ces déclarations, c’est nouveau pour moi. Et il y a des gens qui déclarent cet enthousiasme de manière beaucoup plus mesurée, intellectualisée. C’est ça aussi le truc : mon cinéma il est intellectuel, je ne le renierai pas, mais ma musique, je dirai pas qu’elle l’est, elle est…

LVP : Elle est sensorielle.



R : Oui, vraiment.

LVP : Tout à l’heure tu disais que Andy je t’aime c’était un peu un projet infini, qu’on ne savait pas vraiment où il allait aller, est-ce-qu’il traîne un peu avec des peintres, avec des sculpteurs, avec des artistes d’autres arts ?

B : Oui, avec des céramistes, des écrivains, avec des designers de mode.

LVP : Est-ce que ça le touche ? Comment ça vient interférer avec son art à lui ?

B : En fait, ce qui est merveilleux dans la fabrique de Andy je t’aime c’est que tous les amis interviennent et participent à la création. Guillaume Henry, fait les costumes, Damien Blottière fait des collages sublimes, et c’est avec lui qu’on fait toute mon identité visuelle, Anouk Feral, qui est scénariste et comédienne, écrit tous les textes de présentations, pitch, notes etc… Le clip qui arrive, comme le précédent, sont fait avec des amis avec qui j’aime collaborer.

R : Ça c’est clair que c’est hyper important à comprendre, c’est que Brice il gère la DA de A à Z.

B : Mais c’est une conversation ce projet, c’est un dialogue, avec chaque intervenant. Avec Ronan quand on compose, avec Damien quand on fait une photo, c’est toujours un dialogue, je ne délègue pas à quelqu’un le fait de faire quelque chose et pour que j’en découvre le résultat en fin de processus, surtout pas, il y a une conversation avant, je vois si ça me va, si on fait des retouches, comment on l’intègre à mon univers, comment l’autre s’y retrouve dans le sien… Mais j’ai la chance d’avoir des amis dont j’estime énormément le travail et qui aiment à travailler sur ce projet, et ça c’est une vraie chance.

LVP : À ton avis est-ce-que les mots ont le même sens chantés ?

R : Moi pour le coup je ne pense pas. Parce que la mélodie permet une intensité nouvelle, donne un autre éclairage.

B : Un « je t’aime » ne s’entend pas pareil s’il est chanté sur un accord majeur ou un accord mineur… La musique et les mots ne vont pas l’un sans l’autre, en tout cas je ne compose pas en ayant écrit en ça nait ensemble. Les mots sont vraiment totalement liés à la note, à la mélodie, ça va ensemble, c’est le même texte. La mélodie et les mots sont le même texte.

R : Ouais c’est ça, c’est bien ça (rires).

LVP : Et donc j’allais demander, est-ce-que les mots ont la même portée si tu chantes, j’imagine que non, car si tu fais ce projet c’est quand même pour porter tes mots un peu plus haut un peu plus loin que ton environnement personnel ? Il n’y a pas cette idée-là, de porter un message ?

R : Je cois qu’il n’est clairement pas dans l’art militant pour le coup. Mais plein de musiques plein de textes sont militants, en soi, simplement parce qu’ils sont, mais ne sont pas portés par un projet militant.

B : Oh écoute, L’Internationale (rires). Moi elle me fout le frisson L’Internationale !

R : Oui mais je pense pas que le créateur de L’Internationale s’est dit : ça, ça va être cool pour la CGT, tu vois ? Je n’en sais rien.. (rires)

B : Bella Ciao, je la trouve cool aussi comme chanson.

LVP : Est-ce que l’amour est forcément passionnel ?

B : Non.

LVP : Pourquoi ?

B : Il y a six ans, je t’aurais répondu « oui », parce que pour moi c’était synonyme passion/amour, en tout cas l’amour sans passion n’avait aucun intérêt, pouvait-on même parler d’amour… Le sujet ne m’intéressait pas. Donc je t’aurais répondu « oui ». Et avec Andy… j’ai découvert un autre visage de l’amour qui est tout aussi passionnant que la passion, qui est tout aussi intense, et pour autant qui ne détient pas cette destruction, cette fatalité, en soi. Moi j’adorais ça la passion, et si je devais la revivre, j’adorerais m’y replonger pleinement parce que ça m’a nourri et j’aime cette sensation-là. Mais, là, il s’agit d’un amour « absolu » peut être… C’est l’amour qui sublime l’amour. Je crois que je vis ça avec Andy et donc il n’y a pas cet effet mortifère.

R : On le raconte aussi ce coté-là…

B : On parle d’incertitude… Un amour serein, un amour certain, je ne suis pas sûr qu’il soit exaltant. Un amour certain c’est presque un amour mort. L’amour doit tout de même contenir sa part d’incertitude.

R : Ça doit quand même être dangereux.

B : Il doit quand même y avoir du danger dans l’amour. Le danger que l’autre parte, le danger que l’autre reste. S’il est serein l’amour, je crois qu’il est chiant. Et c’est pas forcément la passion qui vient pallier à ça pour autant.

LVP : Merci beaucoup.