Arnaud Rebotini explore son côté sombre avec Shiny Black Leather
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Auteur·ice : Guillaume Scheunders
02/02/2021

Arnaud Rebotini explore son côté sombre avec Shiny Black Leather

Après son énorme projet This is QuarantineArnaud Rebotini n’en finit plus de nous proposer du contenu à mettre dans nos oreilles. Shiny Black Leather, un EP composé de quatre titres marqués au fer rouge de sa patte sombre et lourde, vient entamer l’année 2021, avec l’espoir d’être joué dans ces caves obscures jadis appelées “clubs”. On a même eu l’honneur d’avoir le dandy de la musique électronique française au téléphone pour nous en parler.

On pouvait difficilement imaginer un titre d’EP qui collait mieux à la personnalité d’Arnaud RebotiniShiny Black Leather, trois mots qui renvoient directement à l’imaginaire du rock, des blousons en cuir, des chaussures cirées… Une image que cultive le producteur français depuis le tout début. Mais ils évoquent aussi ce monde de la musique électronique, ce côté un peu fétichiste des clubs et surtout les soirées Sometimes Funky People Are Dressed In Black proposées par l’ex-membre de Blackstrobe au début des années 2000.

Ça renvoie à ce côté fétichiste, S&M, gothique qui est très présent dans l’Electronic Body Music. Ce n’est pas que j’ai une obsession personnelle pour ce genre de trucs, mais déjà Shiny Black Leather ça sonnait bien, puis oui, ça renvoie à une imagerie EBM, plus ou moins. Sometimes Funky People Are Dressed In Black, c’est mon influence un peu Bat Cave, gothique dans ma musique. C’est un univers qui me plaît assez. 

Nouvel EP, vieux morceaux

Ce projet n’est en réalité pas une nouvelle création. Les quatre morceaux figurant dessus ont été construits durant les nombreux lives des dernières années. D’où l’énergie qu’ils dégagent, ce côté sombre et énergique à la fois, qui renvoie directement à l’imagerie noire et obscure du club. C’est ce dynamisme qu’a voulu faire transparaître Arnaud Rebotini dans Shiny Black LeatherUn peu comme si cet EP représentait lui-même l’espoir de retrouver ces endroits où la musique assourdissante finit par nous caresser les tympans avec douceur, où les corps suants deviennent suaves, où la fatigue n’est plus qu’une sensation étrangère, où deux regards peuvent se figer pendant une éternité et où la vie n’a plus de limite.

“Il y a des morceaux où il n’y a qu’une seule ligne de basse. C’est assez compliqué quand tu fais quelque chose de très minimaliste. Il faut se demander quelle est la bonne, celle qui va vraiment rester, ne pas trop casser… Ces morceaux en font partie, ils ont été très usés, énormément testés en live, dans différentes structures.”

Ces basses violentes, brutales, industrielles, sont le cœur de cet EP. Le fait d’avoir construit son album en live lui a permis de tester chaque morceau différemment jusqu’à avoir cette sonorité parfaite à son goût, la plus efficace possible. Il a mêlé ces basses à des sons new wave, encore une fois assez ténébreux, en plus d’une partie vocale marginale, ajoutant tout de même une sensation mystérieuse.

Dans son énorme coffret This is Quarantine, sorti l’année dernière, Arnaud Rebotini ouvrait sur une reprise du mythique Trans-Europa Express de Kraftwerk. L’hommage au groupe iconique des années 70 semble se poursuivre dans cet EP, plus spécialement sur le morceau Last Train To Krasnodar qui utilise ces cordes qui se dépitchent grâce au synthé, offrant la même résonance que dans certains morceaux des Allemands. Une référence qui n’est évidemment pas anodine.

C’est un hommage, puis c’est une citation, une influence… Kraftwerk c’est un peu tout dans la musique électronique. Leur influence est énorme, on la retrouve chez plein de gens et dans plein de styles différents, du hip-hop à la new wave en passant par la techno… Tout ça a été plus ou moins inventé par Kraftwerk

Superproductivité

Si certain·es artistes regrettent une baisse de leur régime de production avec le confinement, la situation ne touche absolument pas le producteur césarisé. Après le confinement du printemps 2020, il sort les 32 titres de This is Quarantine (8 productions originales, 23 remix et un inédit), un titre pour Halloween et enfin cet EP, Shiny Black Leather. Comme je n’ai pas de concerts tous les week-ends, je ne suis pas fatigué donc je suis plus souvent au studio”, explique-t-il, “Et puis c’est une période où il faut s’exprimer, d’une manière ou d’une autre. J’ai écrit beaucoup de morceaux pendant cette période, sans doute pour pallier l’angoisse de tout ce qui se passe, de ce manque de concerts.” 

 

Productif oui, mais pas seulement pour lui ! Lors de l’émission Foule Sentimentale de Didier Varrod sur France Inter, il rencontre le groupe Feu Chatterton ! avec qui le courant passe immédiatement. Et c’est tout naturellement qu’il s’est retrouvé à la production de leur dernier album, qui sortira le mois prochain.

“On avait bien sympathisé à ce moment-là, on a parlé synthés et costumes. Ils cherchaient un producteur pour leur album et ils ont pensé à moi. Ils m’ont montré leur maquette que j’ai trouvée top et j’ai donc accepté de le faire. Ils avaient envie d’avoir quelqu’un qui connaissait aussi bien la pop, le rock que le synthé. C’était vraiment un travail de réalisateur, je suis intervenu aussi sur la direction du chant, j’ai orienté les arrangements, etc.”

Arnaud Rebotini est un producteur hors-pair, mais avant tout un artiste qui, comme tous les autres, a vu sa vie changer du jour au lendemain, laissant une frustration et une inquiétude extrême quant au futur des événements. Les concerts sont annulés, tout est retardé, les albums attendent impatiemment leur date de sortie sans cesse repoussée, les aides de l’État sont maigres… Mais c’est surtout l’expectative d’un retour à la normale qui semble dure à gérer. Rien ne change depuis des mois, sauf le ras-le-bol, qui s’intensifie pour beaucoup d’acteur·rices du monde culturel.

“Je pense qu’il va falloir d’autres solutions que de punir. Après, je ne suis plus très jeune, mais franchement le sacrifice que l’on demande à la jeunesse, il est quand même énorme. Ce virus risque de rester assez longtemps et de revenir régulièrement nous rendre ce genre de petite visite, donc il va peut-être falloir penser la vie autrement que de confiner et d’empêcher ceux qui sont peu ou pas touchés par le virus de vivre.”

 

Évidemment, il reste les livestreams, de maigres consolations mais un moyen pour les artistes de se montrer et pour les fans de se réjouir. Mais ce n’est pas un modèle d’avenir, selon lui. “Ce principe de “moi tout seul dans le vide”, c’est beau mais ce n’est pas la vocation du concert. Un concert c’est partager un moment de musique collectivement. Il y a un besoin de communion et ces moments de communion sont importants pour les gens, pour le lien social. Le livestream, c’est pire que de regarder le DVD d’un concert à la maison.” 

Il ne nous reste plus qu’à prier dans l’attente d’une adaptation des mesures qui pourraient laisser entrevoir le retour des concerts prochainement. En attendant, éteignez les lampes, passez Shiny Black Leather sur votre enceinte, fermez les yeux et imaginez-vous au beau milieu d’une soirée : vous l’avez votre club. Et si vous voulez vous réjouir, sachez que Robin Campillo (120 Battements par minutes) est en discussion avec Arnaud Rebotini pour son prochain film. Une nouvelle B.O. légendaire en approche?


 

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