Wake up gay girlies, girl in red a sorti un nouvel album ! Sur ce second opus, l’artiste norvégienne explore avec maturité ses thématiques de prédilection (les peines de coeur, la santé mentale, le désir) avec une sérénité nouvelle, propres à celles qui ont goûté à l’arène et en sont sorties plus saphiques-mélancoliques que jamais.
“I’m back” annonce avec sobriété Marie Ulven, alias girl in red, sur le premier morceau de ce nouvel album intitulé tout aussi sobrement I’M DOING IT AGAIN BABY!. Limpide, comme début, peut-être pour contrebalancer l’apparente opacité d’autres débuts, comme ceux que l’artiste contait dans I wanna be your girlfriend, single qui l’a propulsée sur le devant de la scène queer alternative en 2016, alors qu’elle n’avait que 17 ans. Depuis, girl in red a grandi. Pour preuve, loin de la-dite scène queer alternative, la Norvégienne évolue aujourd’hui dans le grand bain de la pop, qui lui a ouvert ses bras l’été dernier, alors qu’elle assurait la première partie de la tournée d’une petite artiste en pleine ascension : Taylor Swift. À en croire le délicat piano qui tapisse I’m back, Marie Ulven n’en est pas ressortie les mains vides.
La musicienne n’en reste pas moins fidèle à elle-même, abordant à nouveau les épisodes dépressifs qui la parcourent comme dans ses tubes passés (summer depression), avec juste ce qu’il faut de clairvoyance en plus. “I wouldn’t go without it, the ups and downs and what-ifs. It’s all a part of being alive” [“Je ne voudrais pas m’en passer, de ces hauts et ces bas et ces doutes. Tout cela fait partie de la vie”], affirme-t-elle avec le même vague aplomb qu’on sert à un psy en fin de séance. Ugly Side aussi verse dans le tourment intérieur. Tumulte dont l’artiste pense s’être débarrassée, avant qu’il ne la rattrape plus violemment encore. Marie Ulven parle sur ce morceau – façon discours méditatif ressemblant timidement au génial Everybody’s Free (To Wear Sunscreen) interprété par Baz Luhrmann – et semble s’adresser à un·e thérapeute hors champ. La musicienne s’autorise à nouveau un interlude parlé sur You Need Me Now? pour introduire nulle autre que LA hit girl pop montante, Sabrina Carpenter. Unique featuring de I’M DOING IT AGAIN BABY!, le titre est une revenge song jouissive aux riffs hachurés qui rappellent les premières sonorités live de girl in red, connue pour ses scènes bouillonnantes, comme au Pukkelpop 2023.
Sentimentalité lesbienne bien bourbier oblige, nombres des titres de ce second opus sont dédiés aux deux ans et demi que Marie Ulven a passés avec sa compagne. Sur A Night To Remember, l’artiste s’épanche, tourne en boucle dans sa tête la nuit de leur première rencontre faite de pinot noir, d’une attraction instantanée et – plus précieux encore – mutuelle, de ces moments qui font croire au destin. girl in red parle de réaction chimique sur une poussée vers le refrain à la fois sensuelle et nostalgique ; “the moment I met her, I met the rest of my life” [au moment où je l’ai rencontrée, j’ai rencontré le reste de ma vie]. Déclaration ultime. Bien sûr, tout n’est pas rose, les choses se gâtent, virent au rouge. Phantom Pain témoigne dans un élan grandiloquent à l’harmonie sinueuse de ces douleurs fantômes qui subsistent bien après la fin de l’amour. Les états d’âmes s’enchaînent comme les cinq étapes du deuil. Déni, colère et marchandage – celui de Pick Me, où la musicienne implore une silhouette toujours hors cadre de la choisir, “plutôt que lui“. Qui diable pourrait préférer un pauvre mec à girl in red, ça nous dépasse, mais soit. De toutes ces effusions, New Love est la dernière, et peut-être la plus déchirante. Regret et réalisations tardives s’y heurtent à l’image de l’être qui a tant compté avec un nouvel amour.
It’s hitting me
Nothing makes more sense
Than to be in your arms
Again
girl in red raconte dans une interview au magazine Highsnobiety vouloir retrouver la jeune fille “qui romantisait [sa] vie et le monde” qu’elle était autre fois. Une immersion hors de la réalité qu’elle semble développer dans le dernier morceau de l’album, intitulé ★★★★★. Marie Ulven s’y imagine évoluer dans The Factory, le studio huppé d’Andy Wharol où l’artiste recevait vedettes émergeantes et superstars dans le New York des années 60. “Je trouve son histoire fascinante, raconte girl in red à propos de Warhol – qu’elle dit beaucoup admirer – dans ce même entretien, Il s’est fait un nom en tant qu’artiste et est parvenu à faire partie de l’élite culturelle new-yorkaise”, faisant référence à son enfance modeste dans une famille de classe moyenne à Pittsburgh. À titre personnel, on est plus branché·es Valérie Solanas – celle qui tira sur Andy Warhol un jour de juin 1968 –, autrice radicalement féministe aux œuvres remarquables de misandrie précoce. Après, chacun·e ses icônes. Toujours est-il que, lancée sur cette trajectoire pop à la fois assurée et accessible, girl in red est en passe d’en devenir une, d’icône. Et plus seulement queer, mais mainstream.
Imagine Mercredi Adams qui écoute Abba très fort dans son bain.