Beach House revient épuré sur Depression Cherry
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Auteur·ice : Mathias Bourgonjon
28/08/2015

Beach House revient épuré sur Depression Cherry

Tandis qu’ils sont déjà sur la route pour leur tournée américaine commencée le 16 août, c’est avec une grande excitation que nous accueillons à bras ouverts le dernier album de Beach HouseDepression Cherry, sorti sur Bella Union. Trois ans après la sortie de Bloom, le duo composé de Victoria Legrand et d’Alex Scally a pris le temps de nous concocter un opus haut en couleurs qui marque un retour à la simplicité. A l’image de la cover, les neuf titres constituant Depression Cherry composent une fresque chaude quasi monochrome qui, lorsqu’on y regarde de plus près, propose une multitude de teintes subtiles et enchanteresses.

D’entrée de jeu, les quelques notes de clavier de Levitation composent une mélodie en arpège tandis que la voix caractéristique de Victoria Legrand fait doucement éclore la piste. Tel son titre, la musique s’élève et s’intensifie doucement jusqu’à trouver un équilibre parfait où des voix résonnent en écho tandis que l’instrumentation semble vouloir reprendre sa place dominante dans cet harmonieux brouhaha jusqu’à temps que ce premier titre s’évapore gentiment.

Après ce premier morceau éthéré, Beach House reprend la formule d’un agglomérat vocal comme partie introductive de Sparks qui est très vite suivie par une guitare distordue étonnamment en avant-plan, les deux réapparaissant comme leitmotiv plusieurs fois au cours de la piste. Déjà révélé en début du mois dernier, Sparks est une réelle étincelle revigorante qui, malgré la simplicité instrumentale susmentionnée, met sa richesse mélodique au service d’un voyage pendant lequel on se laisse emporter jusqu’à l’extase auditive.

On change d’univers avec Space Song qui, titre évocateur oblige, utilise des codes nous renvoyant tout de suite à l’intersidéral. Derrière un riff au synthétiseur et une batterie électronique de derrière les fagots, Victoria Legrand nous caresse d’inflexions en voix de fausset soutenues par une ligne de basse qui vient constituer la racine organique de ce morceau.

C’est introduit par le couple désormais préféré du groupe orgue-guitare électrique que Beyond Love démarre. Ensuite, le titre semble répéter un modèle qu’on a déjà trop entendu de la part de Beach House. Pas un mauvais morceau mais pas un coup de coeur non plus. On passe.

Les premières secondes de 10:37 nous prennent un peu au dépourvu et c’est bien ! Précédée par un pattern de batterie qui semble avoir été composée sur un clavier Casio d’enfant, une mélodie basse très discrète vient encore une fois mettre la voix de la chanteuse française en valeur pendant que celle-ci est soutenue par des choeurs symbiotiques. C’est ensuite une complainte mélismatique qui vient légèrement s’imposer comme refrain du titre. Comme pour soutenir l’élément de surprise, le morceau lévite quelques instants avec pour seule compagnie les voix de choeur ainsi que l’éternelle percussion samplée jusqu’à l’extinction des feux.

Avec PPP, on rentre en plein dans ce que Beach House a de meilleur à proposer. Non seulement, l’ambiance est sensuelle à merci mais, qui plus est, il en ressort une énergie intensément calme. Sur un arpège de guitare et des choeurs fantomatiques, on nous murmure « Are you ready for this life? » avant que la mélodie vocale ne décolle (toujours en douceur) en même temps qu’un rythme percussif très discrètement terré dans l’arrière-plan. Après quasiment quatre minutes dans le titre, la guitare et la basse se joignent pour proposer un solo chaloupé qui s’estompe deux minutes plus tard accompagné par les clameurs de Victoria Legrand.

On ne change pas une équipe qui gagne : le clavier et la batterie électronique font les meilleures intros des titres du groupe. Sur un morceau au format plus classique (3min40), le duo construit tout Wildflower autour d’une ambiance mélancolique qui fait de ce titre une brève ballade exquise au sein de cet album.

Après s’être imaginés fleur sauvage, Beach House adresse leur complainte à un oiseau bleu dans le titre suivant sur Depression Cherry. Bluebird succède parfaitement à Wildflower, pas seulement en ce que son thème a de champêtre mais aussi parce qu’il incarne également une sorte d’innocence dans la composition tandis que la production dépotte sa mère (ça sent la fin de semaine, hein ?). Au bout du huitième titre, on s’est habitués à la patte musicale du band mais les frissons que leur univers procure restent toujours aussi authentiques quelque soit la chanson.

Avec une introduction canon (vous comprendrez la blague en écoutant le morceau), Days of Candy conclut cet album dans une atmosphère quasi solennelle et monastique. Victoria Legrand frotte ses cordes vocales sur des notes hautes susurrées et l’accompagnement instrumental se contente de faire se côtoyer un piano et un orgue avant qu’une guitare et une batterie électro reprennent leur droit, comme pour revendiquer le côté pop du groupe américain. Afin de marquer l’apogée et la fin de cet album, le ton de la batterie monte et les couches composées d’instruments atteignent un paroxysme qui s’efface avec splendeur dans un léger fade out.

Avec leur cinquième album Depression Cherry, Beach House nous rappelle que l’expérience d’écoute se vit en faisant attention à chaque détail. D’ailleurs, si aucun titre ne répond aux critères radiophoniques en terme de timing, c’est aussi et surtout pour que l’immersion dans l’univers mise en place par le groupe puisse être optimale. Afin de découvrir ce nouvel opus en live, nous, pauvres européens, devront nous armer d’encore un peu de patience.. Le duo, accompagné de son band, sera le 29 octobre au Pitchfork Music Festival de Paris et le 3 novembre aux Autumn Falls à l’Ancienne Belgique.

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