Black Honey est la juste dose de rock dont vous aurez besoin cette année
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
19/03/2021

Black Honey est la juste dose de rock dont vous aurez besoin cette année

| Photo : Laura Allard-Fleischl

Kill Bill, mais en mieux. Le deuxième album du quartet britannique Black Honey offre un twist féministe et engagé à une scène rock’n’roll trop longtemps occupée par la testostérone. Sans concession, à coups de productions heavy explosives et alertes, la joyeuse bande d’Izzy B. Phillips nous livre des tubes flambants taillés pour les moshpits suintants. À défaut de pouvoir les exécuter en salle, on se les joue dans la tête. Et rien que ça, ça fait du bien.

Faisant suite à un premier album éponyme, Written and Directed se veut plus décidé et assuré, articulé autour d’une couleur musicale plus concise et déterminée. Pour autant, le procédé de production n’en est pas plus rigide – au contraire. Black Honey semble avoir infusé un certain hédonisme à ce disque : un lâcher-prise qui se ressent tant au niveau des sonorités que des textes, tous deux empreints d’une liberté sauvage. Les guitares hurlent, les textes crient et le féminisme rebelle de Phillips prend vie dans des lignes frissonnantes qui sonnent le glas de la domination mâle alpha sur le genre musical rock.

 

Sur Run For Cover, premier extrait partagé en septembre 2020, lorsqu’elle compare la figure symbolique du tonnerre à celle de la sœur et de la mère, le statement est assez clair : cet album est dédié à toutes les femmes. Un activisme qui va s’assumer fièrement au long des tracks, immisçant son propos dans l’air du temps, participant à un débat essentiel de nos sociétés. Plus largement, les hymnes de Written and Directed s’adressent à toute personne en quête d’empouvoirement, comme le précise la leadeuse du groupe : “Cela vous permet de vous sentir puissant·e, de vous plonger dans votre vie et d’être invincible. Je veux que les chansons soient une cape de super-héros pour qu’une jeune fille ou un jeune garçon n’ait pas à se sentir si encombré·e par sa différence.” 

Et pour corroborer cet esprit galvanisant, rien de mieux que des fracas de guitares électriques et les éclats de batterie. Sur les titres les plus heavy, à l’instar de l’impétueux Disinfect, l’influence de Royal Blood, avec qui le groupe a eu l’occasion de tourner en 2017, se fait ressentir. C’est une véritable fièvre qui anime alors ces refrains cacophoniques presque métalleux, vivifiés par une basse intense sur les couplets. Procédé similaire sur Believer, satire religieuse au clip hautement efficace, ou  I Like The Way You Die, notre coup de cœur de la collection, qui s’offre le luxe d’ouvrir l’album. C’est sur celui-ci que s’exprime le plus franchement la philosophie semi-misandre de l’opus : “Treat me like I am a game and I’ll show how I like to play” prévient Phillips. Les chœurs du refrain élèvent davantage son message et les percussions éclatantes nous forcent à l’écouter, pour notre plus grand plaisir.

 

And I don’t care what you have to say
We’re raising hell, it’s time for a change
We are a diamond shining in the dirt
I know exactly what I deserve Fire

Parallèlement à cette once de brutalité, on retrouve également des sous-genres rock plus contenus, avec des pièces telles que Back of the Bar et sa vibe plutôt pop ainsi que Summer ’92 et son glam-psych. On relève également Fire, véritable ode à l’amour de soi. Un instant relativement plus lumineux et reposé que le reste qui permettrait (dans une vie rêvée) au moshpit exténué de redescendre en pression et à toustes les fêtard·es du soir de se regarder dans les yeux pour célébrer l’instant d’effervescence qui vient de leur être offert, les un·es dans les bras de l’autre.

Autre force de la musique de Black Honey : son esprit cinématographique. Leur discographie passée l’avait déjà prouvé, il y a dans les mélodies du quatuor une certaine senteur de Far West, un crépuscule de film noir ou, parfois aussi, un hommage à la culture pulp. Le band ne faillit pas à sa réputation et propose des sonorités Tarantinesques (on pense à l’électrique Beaches) ou reconstitue sur I Do It For Myself (et ses cuivres triomphants) l’emblématique scène de vendetta, celle où l’héroïne s’approche, tout sourire et tachée de sang, avec en arrière-plan le décor sanguinolent de ses ennemis au sol – rajoutez-y une ville en feu et des explosions FX à couper le souffle et vous y êtes. Finalement, le somptueux et conclusif Gabrielle assure la partie crédits de fin. Et quelle jolie surprise : un guitare-voix acoustique et aérien, qui prend le contre-pied de l’esprit général du disque pour nous caresser la joue après les quelques claques plus frontales qu’on vient de se ramasser.

L’équilibre de l’opus est remarquable, et Black Honey nous offre ici un second album mature et intelligent, qui ne perd pas une once de sa folie pour autant. C’est d’ailleurs ce qui nous frappe le plus : cette façon de calibrer la fougue et la fureur du genre rock dans une compilation digeste, à la structure logique et stratégique. Written and Directed est, comme son nom l’indique, un manifeste du contrôle absolu dont jouit le groupe sur son univers musical. Izzy B. Phillips s’inspire de divers courants rock pour consolider le sien et le mêler à une narrative qu’on avait besoin d’entendre : celle d’une boss bitch accomplie qui est prête à tout faire flamber. L’occasion pour nous de le devenir aussi.


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