BROCKHAMPTON vient mettre tout le monde d’accord avec ROADRUNNER: NEW LIGHT, NEW MACHINE
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Auteur·ice : Augustin Schlit
01/05/2021

BROCKHAMPTON vient mettre tout le monde d’accord avec ROADRUNNER: NEW LIGHT, NEW MACHINE

Il y a deux ans, à la parution de GINGER, beaucoup ont pris peur en découvrant le virage pop version sad boys que semblaient emprunter Kevin Abstract et sa bande. En effet, même s’il possédait de nombreuses qualités, ce disque avait tout de même soulevé une question : avec l’énorme succès de titres tels que SUGAR, le groupe pourrait-il succomber à la tentation de se complaire dans un style de plus en plus pop et mainstream, pour finalement devenir un boys band parmi tant d’autres ? Fort heureusement, BROCKHAMPTON est composé de gens doués, très doués. C’est pourquoi toutes ces inquiétudes ont été rapidement balayées à la découverte de ROADRUNNER: NEW LIGHT, NEW MACHINE.

En réalité, des inquiétudes, on n’en a jamais vraiment eues. Pour la simple et bonne raison que le groupe a toujours su faire preuve d’une grande capacité d’adaptation artistique et structurelle malgré les aléas de sa courte existence. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais cette qualité permet à tous les créateurs qui en font preuve de poser un constat salutaire : un·e artiste ou un groupe qui n’évolue ni n’explore de nouvelles choses devient très vite chiant·e… Or justement, c’est bien le dernier des qualificatifs que l’on a envie d’associer à ROADRUNNER.

 

Histoire de ne pas trop faire durer le suspense, l’album s’ouvre sur le coup de bélier qu’est le déjà culte BUZZCUT. Un titre qui permet de confirmer tout ce qui est évoqué plus haut : non seulement le collectif n’a rien perdu de sa niaque, mais il a également ouvert avec brio leur univers à des intervenants extérieurs. Car si pour certain·e·s, le recours au featuring peut représenter un aveu de faiblesse, ici, chaque invité s’inscrit de manière très organique dans l’univers du groupe sans jamais tirer la couverture à ellui. La qualité de l’expérience se confirme d’ailleurs rapidement sur le très bon CHAIN ON, dont la boucle un peu nonchalante offre un terrain de jeu idéal à un JpegMafia dans une forme olympique.

À partir de là, on se laisse porter sans résistance à travers l’immense diversité des ambiances posées par le disque. En effet, les morceau mémorables se suivent mais ne se ressemblent jamais, ce qui apporte au projet une hétérogénéité évidente qui ne virera pourtant jamais au foutoir. On prend énormément de plaisir à passer d’un titre aussi sombre et personnel que THE LIGHT à un morceau comme WINDOWS, titre choral sur lequel chaque membre a l’occasion de cracher son feu à la manière du Wu-Tang de la grande époque.

 

Ironiquement, le seul moment où le groupe arrive moins à convaincre est justement celui où il assume le plus sa dimension boys band. En effet, malgré l’intervention, une fois de plus, d’invités de qualité, le diptyque I’LL TAKE YOU ON/OLD NEWS peine à tenir la distance face au reste de la tracklist. Cela dit, on oublie très vite cette petite baisse de régime à l’écoute du splendide WHAT’S THE OCCASION et de son outro dantesque où le mélange piano/guitare distorsionnée donne l’impression jouissive d’un croisement entre le Dark Fantasy de Kanye et du glam rock de My Chemical Romance sur The Black Parade. On retrouve d’ailleurs cette même influence Kanyesque sur le très réussi WHEN I BALL, alors que DON’T SHOOT UP THE PARTY nous offre un dernier climax façon G-funk qui pourrait tout aussi bien sortir d’une face B de To Pimp a Butterfly, sur le fond comme sur la forme. Vient alors le moment de conclure, et comme à leur habitude, BROCKHAMPTON soignent leur sortie avec beaucoup de justesse sur THE LIGHT PT. 2, préalablement introduite par DEAR LORD, une prière sous forme de gospel récitée par le trop rare Bearface à l’attention de Joba et de son père décédé.

 

Vous l’aurez compris, ROADRUNNER: NEW LIGHT, NEW MACHINE est un album dense et intense, qui mérite quelques écoutes attentives avant d’être apprécié à sa juste valeur. La bonne nouvelle, cette complexité ne se présente jamais au dépend du plaisir ressenti à l’écoute du projet. Un équilibre difficile à atteindre, et qui doit beaucoup à la capacité qu’a le groupe d’intégrer leurs mille et une influences sans jamais tomber dans le plagiat. Alors oui, c’est vrai, plus grand monde n’ose utiliser le terme “album de la maturité”. Pourtant, c’est bien à ça que ressemble ROADRUNNER: NEW MACHINE, NEW LIGHT. Parce qu’après le triplé de diamants bruts qu’était la trilogie SATURATION, la période trouble qui a donné naissance à iridescense, et la grosse descente émotionnelle ressentie sur Ginger, force est de constater que ce dernier en date est ce qui se rapproche le plus d’un équilibre au sein de la discographie du groupe. Et franchement, qui va s’en plaindre ?


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