Eels compose des potions magiques rock & roll pour Extreme Witchcraft
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Auteur·ice : Chloé Merckx
05/02/2022

Eels compose des potions magiques rock & roll pour Extreme Witchcraft

2 ans après leur dernier opus Earth to Dora, E et sa bande nous présentent Extreme Witchcraft, leur 14e album. Avec plus de 20 ans de carrière derrière eux, le groupe californien a exploré énormément de styles différents allant du garage rock au hip hop. Leur fil conducteur ? Le talent indéniable de Mark Oliver Everett et sa voix vaporeuse, qui nous conte ses ballades dépressives depuis le milieu des nineties. Les chansons That Look You Give That Guy, I Need Some Sleep et Novocaine For The Soul, sont devenus des classiques et ont permis à Eels d’assoir sa notoriété dans le monde du rock.

Avec ses cheveux ébouriffés et ses petites lunettes rondes, E a voyagé dans les tréfonds de l’indie rock avec ses ballades pianistiques et ses textes francs

Mark Oliver Everett, préfère se réfugier derrière le pseudonyme “E“. Lui, avec son look de savant fou, mijote des sonorités particulières et concentre les malheurs de sa vie dans des potions magiques musicales. Peu nombreux sont les ovnis musicaux des années 90 ayant survécu aux deux dernières décennies. Avec ses cheveux ébouriffés et ses petites lunettes rondes, E a voyagé dans les tréfonds de l’indie rock avec ses ballades pianistiques et ses textes francs. Pour cet album, Eels s’allie avec un ami de longue date, le producteur John Parish, connu pour son travail avec PJ Harvey, ce qui laissait pressentir un retour fort en rock & roll, aux airs de Souljacker.

Malgré une identité très forte, le style de Eels n’est pas si facile à définir. Si Extreme Witchcraft n’est pas l’album le plus novateur, il offre cependant un panel assez représentatif des talents de E. C’est une bonne introduction pour celleux qui ne seraient pas initié·e·s à l’univers “happy/sad” d’Everett. L’album gravite autour d’un son très texturé, une esthétique acidulée avec pas mal de sons garage, un peu de blues et de soul pour Steam Engine et une dose de funk pour Grandfather Clock Strikes Twelve. La chanson The Magic ressemble presque à un titre des Rolling Stones, qu’il aurait préalablement fait griller dans une prise électrique.

Un songwritting sensible et franc

Depuis 1996, Eels fidélise ses fans autours de paroles alliant humour noir et sensibilité. Il n’hésite pas à puiser dans ses propres traumatismes pour composer des textes sur le mal-être, la quête de sens et ses “coping mechanisms“. Eels n’a jamais eu peur de montrer ses cicatrices et ses failles pour nourrir sa créativité, tout ça en envoyant un coup de pied dans la masculinité toxique. Avec Extreme Witchchraft, on s’éloigne de la décente aux enfers de Electro-Shock Blues ou de la quête vers la drogue de Novocaine For The Soul. Ses textes sont toujours aussi lucides, mais moins sombres. L’orchestration de l’album est, certes, moins créative que ce qu’il a pu sortir auparavant, mais le côté brutal et électrifié de son instrumental est en parfaite adéquation avec ses thèmes.

Dans Amateur Hour, il se réveille un matin ensoleillé et se retrouve frappé d’un petit syndrome de l’imposteur. “Baby, you’re an amateur, You gotta go pro someday”. Puis sur Good Night On Earth, il décide de prendre la vie du bon côté, il se sent bien, et rien ne va venir gâcher ce sentiment. “Once upon a time I was feeling fine. And you know that time is now. Nothin’ gonna wreck it“. Même s’il se retrouve seul, chez lui, à manger des popcorns et des fraises pour le dîner, le rythme de Strawberries & Popcorn est enjoué, il accepte sa vie de divorcé avec philosophie et humour noir.

Tout le long de cet album, Everett attend que cette “sorcellerie extrême” se produise dans l’irrégularité de sa vie. Avec Better Living Through Desperation et Learning While I lose, il nous offre une philosophie positive sur un bon rock. Il faut être reconnaissant de ce que la vie nous offre et apprendre à vivre au travers du désespoir. Mais si on ressent une certaine évolution dans les textes, Eels retombe parfois dans ses habitudes un peu plus sombres avec So Anyway et What It Isn’t. Chaque chanson est sa propre histoire. Everett ne recherche pas un thème autour duquel créer de la musique, mais plutôt une réconciliation avec la vie.

Un album chaleureux

Eels nous aura offert du rock, du blues et du réconfort. Cet album, presque entièrement composé à quatre heures du matin, ne manque pas de peps et de nervosité. Au fil des années, le talent de E ne décroît pas, mais se polit pour former un marbre brut. Son cynisme fait écho au mood actuel de ce début d’année, mais présente une lueur d’espoir pour la suite : Eels continuera de nous ensorceler avec sa musique décapante.


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