Fleurs du Mal : François Atlas habille Baudelaire de modernité
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Auteur·ice : Charles Gallet
26/09/2018

Fleurs du Mal : François Atlas habille Baudelaire de modernité

Baudelaire et la musique forment une histoire ancienne et contemporaine. Qu’il soit cité, évoqué à travers une rime ou tout simplement repris, le poète français est une figure qui marque, bien après la connaissance trop scolaire qu’on aurait voulu en faire. Car il faut du temps et une histoire pour s’accaparer les mots du maudit. Et qui mieux qu’un poète pouvait adapter un autre poète en 2018 ? Voir François Marry s’attaquer à Baudelaire n’avait rien de réellement surprenant. Le résultat est à la hauteur des attentes, tant le chanteur habille autant qu’il habite les textes du grand Charles, offrant aux Fleurs du Mal un éclat moderne bienvenu.

 

Car oui, François Atlas est un poète. Si vous en doutez, lisez donc à haute voix des textes tels que Quitter La Ville ou Âpres Après, pour ne citer qu’eux. Puissance évocatrice, mots en apesanteur qui sonnent et résonnent, qui font autant vibrer les cœurs autant que les os. Et si pour certains, se loger dans les mots d’un autre est souvent acte de paresse, pour le jeune homme, il s’agit plus d’une prise de risque, d’une remise en question autant personnelle que musicale. Aller chercher une caisse de résonance dans les textes d’un autre est sans doute une chose très étrange pour un auteur. Ici, c’est probablement la plus grande réussite de ce recueil de 8 titres : cette mise en abyme, cette manière de se mettre à nu, d’apparaître dans les mots, et les maux, d’un autre que soi est la grande force  de ces titres. Plus qu’une bête collection des poèmes les plus connus de Baudelaire, le garçon est allé chercher l’intime dans l’universel, trouver le personnel dans une œuvre que chacun a déjà lu au moins une fois dans sa vie.

Tout François Atlas existe à travers ces titres, se poussant à disparaître pour revenir tel un phénix brillant d’apparats d’or et de poésie. Cette ivresse, ce romantisme éclatant que notre époque voudrait rendre suranné explose des lumières joyeuses de la modernité musicale. Car ici, il n’y a pas que les mots, il y a aussi celles qui les habillent : les couleurs musicales de François Atlas. C’est une apothéose, la preuve pour ceux qui ignoraient encore que l’homme est un compositeur et un créateur d’ambiances formidable. Que ce soit la pop mélancolique d’A une passante, les dérivations psychédéliques de Parfum exotique, les habitations africaines de Recueillement et Promesses d’un Visage ou l’épure de Vie Antérieure portée par la trompette du désormais incontournable Voyou, chaque chanson est une page de l’histoire musicale qui se tourne, qui se lit et qui vibre. Chaque texte se retrouve ainsi avec sa propre ambiance, sa propre vibration qui résonne sur nos peaux et se grave dans nos cerveaux. Et puis il y a les femmes, personnages centraux et élément rassembleur de Baudelaire et François Atlas. Elles sont une présence parfois fantomatique, parfois palpable de chaque chanson. Qu’elles servent de base au texte, qu’elles fasse vibrer la musique dans des chœurs habités ou qu’elles incarnent elles aussi les textes avec les apparitions de Fishbach, Juliette Armanet et Barbara Carlotti, elles vivent dans cette œuvre et lui donnent corps. Car au final que serait l’homme sans la femme ? Le poète sans sa muse ? Pas grand chose, en effet.

Avec ses Fleurs du Mal, François Atlas nous livre un disque aussi personnel dans ses obsessions qu’universel dans les textes qu’il utilise. Il habille Baudelaire de modernité et de musicalité, et prouve au passage que la poésie n’a pas d’âge et qu’elle offre à jamais une alcôve réconfortante pour toutes les âmes, qu’elles soient gaies, tristes, perdues ou éloignées. S’il ne fallait retenir qu’une chose de cet album possédé, c’est que la poésie est vivante et ne mourra jamais. En ces temps troublés, il était bon de le rappeler.

Il présentera ses Fleurs du Mal en live  du 15 septembre au 16 novembre à Paris, Bruxelles, Charleville Mézières, Toulon et Manosque. Plus d’infos sur www.francoisandtheatlasmountains.com.