For Their Love, le nouveau chapitre de Other Lives
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Auteur·ice : Hugo Payen
24/04/2020

For Their Love, le nouveau chapitre de Other Lives

L’art, peu importe sa forme, arrive toujours à rentrer dans nos têtes pour nous transporter ailleurs. Souvent loin de notre quotidien, voire loin de notre propre réalité. La musique a cet effet sur le corps si l’on ferme les yeux. Ce sentiment de liberté, cet appel au voyage, c’est la clé depuis des années pour Other Lives, qui fait partie de leur ADN. Ce groupe nous venant tout droit des plaines de l’Oklahoma pousse les frontières de la folk, avec un nouvel album des plus captivants, For Their Love (PIAS).  

L’histoire commence en 2009 pour Jesse Tabish et ses deux compères, Jonathon Mooney et Josh Onstott. Après un premier projet instrumental, Other Lives voit le jour dans une petite ville de l’Oklahoma. Un premier album éponyme simplement somptueux voit le jour en 2009. Des sonorités déjà authentiques, qui nous plongent directement dans un univers obsédant, aux arrangements cinématographiques. Une folk/rock évoquant avec beauté les grands espaces américains, dans lesquels on ne peut s’empêcher de se projeter. Un opus suivi, deux ans après, par Tamer Animals et son titre phare For 12. Other Lives n’est pas en reste et continue son escalade musicale. C’est en 2015, après un exil sur la côte ouest, que le groupe prend un virage musical en proposant un troisième album, Rituals, plus expérimental et aux sonorités plus électroniques. C’était sans compter sur la remise en question de Tabish qui, de par ces nouvelles technologies musicales, avait perdu l’essence première et physique de sa musique, oubliant, je cite : « le sentiment que je ressens quand je prends une guitare pour simplement jouer et chanter ». L’idée d’un retour aux sources pour le groupe était née. Se retirant en pleine nature du côté de l’Oregon, ne côtoyant que des montagnes et des forêts à perte de vue, le trio était prêt pour For Their Love. Un nouvel album sur lequel le groupe joue de nouveau avec le même amour pour la simplicité que sur le premier album, avec un retour aux sonorités très orchestrales et originales.

C’est ainsi que cinq ans plus tard, Other Lives sort du silence pour nous inviter dans l’univers hypnotique et ténébreux de For Their Love. On sent que le groupe y a mis toute la passion ressentie à ses débuts. L’album est pur et sans artifices. La voix délicate de la femme de Tabish ajoutée en background sur certains titres ajoute à l’aura orchestrale et naturelle de l’album. En plein questionnements, les textes écrits par Tabish questionnent, observent et déplorent l’état parfois lamentable de notre société. Mais surtout, ils essayent de trouver l’espoir, aussi minime soit-il possible, dans chaque instant de la vie. Une ode spirituelle à l’estime de soi et des autres, magnifiquement ficelée.

L’album commence avec Sound Of Violence, une première note de ce constat frappant qu’abordent, à leurs façons, les dix titres de l’album. Dès le début, on replonge dans l’univers sonore qu’abordait le premier album du groupe, comme un retour en arrière qui fait du bien. Cette désolation face à la société se retrouvera plus tard et de façon exquise sur Dead Language.

Si l’on en croit la plume de Tabish, le monde actuel semble être perdu. Ce sentiment se ressent au travers de Who’s Gonna Love Us, dont l’émotion explore la recherche du vivre ensemble et de la sécurité, dans un monde davantage instable. Une noirceur approchée d’une façon lumineuse, grâce aux arrangements éblouissants du groupe, qui façonne l’album titre après titre. Comme abusé par une société à la dérive, Tabish écrit Lost Day, le second titre de l’album, en pleine tournée, alors que le groupe avait perdu toute notion humaine et sincère de la chose.  Une désarticulation, dans laquelle il écrit ” I don‘t mess around, no you won‘t see me in time”. Ce titre aux allures rock nous transporte dès les premières notes. Tabish décrit bien ce sentiment au travers de All Eyes / For Their Love. Musicalement parfait, ce titre aux doubles sonorités marque le point central de l’album.

Ce qui nous amène par la suite à We Wait, septième titre de l’album. Véritable coup de cœur, ce bijou n’en est pas moins le titre le plus sombre de l’album. Abordant les concepts d’amour et de perte, ce titre est directement inspiré de l’évènement le plus marquant de la vie de Tabish qu’est le meurtre de son meilleur ami alors qu’il n’avait que 17 ans. Les paroles (“Death has come around my mind so often in a sleep. We were dreaming about a winter you won‘t see…You are… always on my mind”) peuvent sembler clichées, mais, combinées à l’aura poétique de Tabish, à sa voix frissonnante et à la nostalgie que celui-ci laisse apparaître, ce titre va à l’essentiel et pousse la sincérité du groupe à son paroxysme. Le chœur du refrain apporte une atmosphère cinématographique digne d’un Tarantino qui, sans aucun doute, en fait l’un des titres de l’album le plus pur musicalement.

Ce qu’on pourrait au final comparer à une œuvre d’art se conclut avec Sideways en guise de lueur d’espoir. Comme la morale à la fin d’une histoire, cette ballade mélancolique nous réconforte, en nous promettant un peu de lumière dans un monde tourné vers le noir. Il était important pour Tabish de finir cette histoire sur cette note positive et moins cynique.

Cette histoire, c’est celle de For Their Love. Après de nombreuses incertitudes personnelles et une remise en question de l’univers et des désirs de Tabish et du reste du groupe, ces dix nouveaux titres ont pris forme au fur et à mesure du temps. Une histoire délicate aux nombreux accords de guitare nous donnant des frissons, surplombés par tous les outils sonores dont le groupe a le secret. Cette nouvelle histoire est signée par Other Lives, et on peut vous dire que le groupe est bel et bien de retour à la source même de son succès.

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