Gold-Diggers Sound, le renouveau spirituel et musical de Leon Bridges
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Auteur·ice : Hugo Payen
16/08/2021

Gold-Diggers Sound, le renouveau spirituel et musical de Leon Bridges

| Photo : Robby Klein

Près de deux semaines après la sortie de son nouvel opus, Gold-Diggers Sound, l’effervescence et l’excitation autour de Leon Bridges ne semblent toujours pas redescendues. Après deux albums résolument souls, aux sonorités des plus groovy, l’artiste texan n’a pas changé la recette, il l’a fait évoluer. Ne voulant pas rentrer dans les moules qu’on lui destinait, on comprend rapidement que Bridges avait soif de renouveau. Une nouvelle aventure aux arrangements des plus organiques, tant soul que R&B, agrémentés de cette écriture romantique inimitable qui fait de lui ce génie musical que l’on connaît aujourd’hui.

Originaire de Forth Worth, au Texas, le jeune artiste de 32 ans s’est vu projeté sur le devant de la scène en un claquement de doigts, et ce, notamment grâce à son titre Coming Home, chef-d’œuvre issu de son premier album portant le même nom. Un premier chapitre musical sorti en 2015, qui nous dévoile un chanteur venu tout droit d’une autre époque, faisant revivre sans vergogne cette soul délicate des années 60.

 

Souvent comparé au style indétrônable de légendes du genre d’Otis Redding ou de Sam Cooke, la voix suave de Bridges envoûte rapidement la scène internationale. Trois ans plus tard, c’est avec un saut dans le temps que Bridges nous revient avec un deuxième album des plus colorés. Avec Good Thing, Bridges s’aventure avec brio dans un mélange entre un R&B des années 80 et une néo-soul typique des années 90. Deux albums atteignant les sommets des charts et lui ouvrant les portes des célèbres Grammy Awards desquels il ressort récompensé du titre de meilleure prestation vocale R&B traditionnel grâce à son titre Bet Ain’t Worth the Hand.

Un succès immédiat et fulgurant laissant pourtant quelques zones d’ombres artistiques dans la tête du jeune artiste texan qui semble, au fil des sorties, toujours plus prisonnier de cette image de nouvel Otis Redding et des attentes qui peuvent en découler. Bridges fait la musique qu’il aime, mais n’arrive pourtant pas à trouver cette direction qui réveillera en lui cette étincelle personnelle.

La renaissance

Après s’être cherché musicalement pendant un hiatus de deux ans, c’est au sein du Gold Diggers, un hôtel – faisant aussi figure de studio – des plus uniques, situé en plein cœur de Los Angeles, que Bridges a pu retrouver sa superbe. Le lieu aussi mystérieux que gorgé d’émotions, c’est sans hésitations que Bridges décide d’y élire domicile pour la réalisation de ce que deviendra ce bijou qu’est Gold-Diggers Sound.

« Je ne savais pas que le Gold Diggers était aussi un hôtel et un studio. Quand j’ai appris qu’on pouvait y séjourner et y enregistrer de la musique, j’étais émerveillé. Il y règne une ambiance nostalgique seventies incroyable. Nous avons été privilégiés de créer de la musique à cet endroit. » confie-t-il au micro d’Emilie Côté de La Presse (Canada).

Pour la première fois, Bridges n’a pas peur de dire les choses et arrive à reconquérir en toute confiance son groove au travers de sa vulnérabilité. Ce nouvel album est ainsi plus lent dans ses arrangements et ses tempos, frôlant le langoureux d’une manière inexplorée sur ses précédentes productions. Avec Gold-Diggers Sound, Leon Bridges revisite la sensibilité ayant fait sa renommée, et ce, afin de nous ouvrir les portes de son intimité pour nous parler de ses émotions les plus profondes.

Chagrin et volupté

Un album qui s’ouvre en douceur avec Born Again, un morceau entremêlant gospel et R&B, le tout survolé par ces notes jazzy des plus colorées. Écrit en pleine pandémie, Born Again est le seul titre ayant émergé hors du processus de réalisation au sein de l’hôtel. Bridges y explore ce sentiment de paix et de vérité que l’on peut ressentir quand la solitude nous touche de manière brutale. Et si, pour certain·es, le manque de contact fut une épreuve difficile, pour un introverti comme Bridges – sur les routes depuis plusieurs années -, cette déconnexion fut la révélation dont il avait besoin.

Gold-Diggers Sound s’enchaîne ensuite avec Motorbike, deuxième single sorti quelques mois plus tôt. Bridges nous y prouve qu’il reste ce doux charmeur offrant sa dose de romantisme à l’état pur, tout en nous dévoilant son empathie et sa fragilité. Motorbike fait résonner en nous ce sentiment que « tout est possible », un sentiment que l’on peut retrouver dans un clip des plus esthétiques, réalisé par Anderson. Paak, où l’on retrouve Bridges et sa bien-aimée dans une histoire à la Bonnie and Clyde.

 

Bridges se livre plus et nous dévoile des émotions et sentiments jamais abordés auparavant. Il nous parle de tromperie sur le resplendissant Don’t Worry About Me, en duo avec Atia « Ink » Boggs ; nous raconte son engagement dans une romance des plus sensuelles sur Magnolias et nous fait nous déhancher sur la pop dansante de Steam. Autour de lui, les sonorités sont plus réfléchies et utilisent plus de texture artificielle, plus de beats programmés, le tout résonnant au creux des arrangements soul qui font l’ADN de l’artiste depuis ses débuts.

Sur un tempo plus rapide, la langoureuse guitare de Bridges arrive en toute sérénité sur Details, titre des plus mélancoliques, où le chanteur dépeint l’anxiété qui l’habite à l’idée que sa partenaire puisse trouver quelqu’un d’autre que lui. Il tente de lui rappeler toutes ces petites choses, ces gestes et ces mots qui font de lui le partenaire idéal. Une fois de plus, Bridges nous dévoile un peu plus de son intimité, une catharsis que l’on peut retrouver dans son bouleversant Why don’t You Touch Me. La plume de Bridges y décrit la brutalité avec laquelle certaines relations peuvent se dégrader, la passion des débuts se voyant rongée au fil du temps, ne laissant que des souvenirs néfastes. En pleine remise en question, Bridges s’interroge alors sur ce qu’il aurait pu faire pour éviter ce désastre sentimental.

Can you be honest, is you just running out of thrills?
‘Cause every time you put me second, yeah
Girl, make me feel wanted, don’t leave me out here unfulfilled
‘Cause we’re slowly gettin’ disconnected, yeah

Avec Sweeter, révélé en juin 2020 après le meurtre de George Floyd, Bridges s’écarte de son romantisme habituel pour parler du deuil avec une élégance indescriptible. Le narrateur de Sweeter est alors le défunt de l’histoire, accompagné de sa famille s’accablant de la situation. “I thought we moved on from the darker days” chante-t-il sur fond de beat crépitant et de l’éloquent saxophone de Terrace Martin. Un hymne de résistance qui amène l’auditeur vers la fin de l’aventure Gold-Diggers Sound, que Bridges vient clôturer en beauté avec son sublime Blue Mesas. Dans la lancée de Sweeter, l’artiste se détourne de ses peines et de ses joies sentimentales pour nous parler de sa longue dépression. Un titre autant intime qu’est éblouissant qui vient fermer les portes de ce nouveau chapitre qu’est Gold-Diggers Sound.

 

Et si la seule chose que l’on pourrait lui reprocher est sa courte durée – moins de quarante minutes -, Gold-Diggers Sound reste un album profondément remarquable. Un troisième album qui marque indiscutablement la renaissance d’un Leon Bridges rempli d’assurance et de sincérité. Une libération personnelle et musicale qui se ressent au fil de ces nouvelles histoires. Avec un ton plus intime et vulnérable, Bridges aborde ses sujets habituels et les sublime en toute simplicité.

Cet album reflète le sentiment de libération que j’ai eu en faisant ce que moi, je voulais.

Un plaisir de courte durée certes, mais qui nous transporte en un rien de temps dans ce voyage musical qu’est Gold-Diggers Sound. Après des années d’expérimentations et de tâtonnements, Leon Bridges n’a plus peur de s’exposer, de faire ce qu’il aime, et qu’est-ce que ça fait du bien.


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