Hoshi : “Je sors enfin l’album dont j’ai toujours rêvé”
"
Auteur·ice : Julia Vanderborght
16/06/2020

Hoshi : “Je sors enfin l’album dont j’ai toujours rêvé”

Quelques jours avant la sortie de son dernier album Sommeil levant, on a appelé Hoshi pour prendre des nouvelles. L’occasion aussi de découvrir ce qui se cache sous son grand chignon. On a parlé d’amour, de liberté et d’engagement. De sa voix rauque et touchante, la jeune auteure, compositrice et interprète livre un regard franc et émouvant sur son quotidien et sur son vécu. Voyage à travers quatorze titres qui nous emmènent des étoiles de SQY (Saint-Quentin-en-Yvelines) jusqu’à l’Empire du soleil. 

La Vague Parallèle : Salut Hoshi, comment vas-tu ?

Hoshi : Ça va très bien, on peut retrouver nos terrasses depuis peu, ça fait du bien. J’ai hâte que l’album sorte, même si les conditions sont un peu particulières.

LVP : Pas de regret de ne pas l’avoir sorti en mars comme prévu ?

Hoshi : Pas vraiment parce que c’était compliqué d’avoir du recul sur cette période si spéciale. L’album était prêt et je rêvais de le sortir mais, sans savoir combien de temps ce confinement allait durer, il était difficile de se projeter. Puis, mes disques étaient tout simplement « bloqués » dans des magasins qui devaient rester fermés. Même si j’avais très envie de le dévoiler, ça aurait donc un peu ressemblé à une sortie en demi-teinte. Il a fallu s’adapter et on a tablé sur juin, avec l’espoir que les choses aillent mieux. Et quoi qu’il arrive, l’idée, c’est de faire vivre cet album dans la durée de toute façon !

LVP : Qu’est-ce qui a changé sur cet album depuis Il suffit d’y croire ?

Hoshi : Je me présente beaucoup plus sur ce disque. Ce nouvel album, c’est un peu tout ce que je n’ai pas pu ou pas réussi à dire sur le précédent. J’étais plus jeune, je découvrais ce métier, donc ce n’était pas toujours simple. J’ai évolué et je pense que ça se ressent sur les textes et sur les mélodies. J’ai hâte que les gens entendent tout ça.

LVP : Qu’est-ce qui te bloquait ?

Hoshi : Je pense que j’ai moins peur de m’ouvrir aujourd’hui qu’à l’époque. Je voulais faire de la musique mais je ne parvenais pas à aller chercher les choses aussi loin en moi. Du coup, mes paroles étaient plus vagues, par exemple. Je parlais d’amour sans forcément préciser les prénoms ou les genres. Puis un jour, sur la fin de la tournée, j’ai eu un déclic. Je ressentais le besoin de parler de choses plus perso mais je ne parvenais pas encore à le faire parce que ce n’était ni le sujet, ni le moment. Ce n’était pas d’actualité à ce moment-là, mais ici, ça prend sens. Et toutes les choses que je voulais dire sur scène, mais que je devais garder pour moi, se retrouvent donc mieux sur cet album-ci. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est né.

LVP : Ce second album est donc plus personnel et plus intime. Un rien plus politique, aussi ?

Hoshi : Oui, mon premier album était moins engagé. En tant que personne, je me suis pourtant toujours sentie plutôt engagée. Je l’ai peut-être moins été en tant qu’artiste, sur mon premier album du moins. Je crois que j’avais un peu peur parce que je ne savais pas comment gérer mes opinions intimes et mon art. Plus tard, j’ai découvert que je pouvais faire une musique à la fois intime et universelle.

LVP : Pourquoi as-tu décidé de t’affirmer davantage à ce niveau-là ?

Hoshi : Je me suis rendue compte que les sujets qui me touchaient pouvaient aussi parler à un plus grand nombre. Alors, si avec ma musique je peux être les trois minutes qui permettront à une personne de se sentir moins seule ou d’ouvrir les yeux sur certaines choses, c’est trop bien. Si la musique peut servir à ça, utilisons-la pour ça. Après, je n’ai pas la prétention de dire que je vais changer le monde, mais je crois que la musique peut faire sa part.

LVP : Musicalement, on ressent des influences rock plus marquées que sur ton premier album. Comment as-tu ressenti cette évolution ?

Hoshi : J’ai toujours écouté beaucoup de rock et d’électro, mais j’aime surtout quand ces styles se rencontrent, comme chez Indochine, par exemple. Avec du recul, je dois dire que mon premier album était un peu plus lisse que celui-ci. C’était plus doux et plus calme, je restais dans un registre très guitare-voix. Il y avait quelques claviers, mais c’était moins présent. Ici, j’ai essayé d’affirmer ce côté rock à travers des textes plus directs. Je l’ai aussi fait musicalement, en ajoutant des synthés plus typés. De nouveau, je réalise que c’est un truc qui m’a vraiment manqué sur mon premier album ! En fait, en tournée, je rêvais parfois de tout ré-orchestrer pour la scène, avec ces fameux synthés, etc. Mais j’avais quand même envie que les gens puissent se retrouver dans l’album qu’ils avaient écouté, donc j’étais assez partagée. Là, ça y est ! Je vais sortir l’album dont j’ai toujours rêvé.

LVP : On retrouve des sonorités électroniques sur l’ensemble des titres. Sauf sur Fais-moi signe, un morceau qui se démarque un peu du reste de l’album. Pourquoi en avoir fait une exception ?

Hoshi : J’ai écrit cette chanson en une nuit lorsqu’on terminait d’enregistrer l’album. Il était quasi prêt, mais il y avait ce sujet dont je voulais parler et qui n’y figurait pas encore. En gros, j’ai un problème assez grave aux oreilles, j’ai déjà perdu 40% d’audition et j’ai des acouphènes très violents. Quand les lumières sont trop fortes ou qu’elles bougent beaucoup, ça me donne des vertiges. J’ai donc eu énormément de souffrances liées à ça pendant ma tournée. Je n’avais pas forcément envie de le dévoiler au public, et donc c’était vraiment un combat avec moi-même. Aujourd’hui, cette chanson me sert de support pour toutes ces fois où je n’ai pas assuré comme je le voulais à cause de ce problème. Elle me permet aussi de prévenir l’avenir, et j’espère qu’elle me fera du bien.

LVP : C’était important de conserver un côté plus pur, plus nature sur ce titre ? 

Hoshi : Oui, c’est sorti tout seul, en pleine nuit. Il fallait que ça se ressente. Puis, ce choix de se « limiter » à un piano-voix découle aussi du thème que j’aborde. Il ne fallait pas que les oreilles soient dérangées par d’autres sons qui pourraient abîmer le message. Je voulais garder une ambiance très sobre. J’avais envie d’envoyer quelque chose de direct et franc, mais sur un tempo qui reste doux et calme. Un peu comme une lettre ouverte à mon public, un genre de petite ballade qui raconte l’important.

LVP : C’est un morceau qui aborde finalement un sujet ultra intime. 

Hoshi : Tout l’album est intime, mais c’est vrai que j’ai pris plus de temps à oser écrire cette chanson. Je crois que j’ai aussi pris du temps à savoir si c’était utile de la mettre sur l’album. Quand j’ai écrit Il suffit d’y croire, je voulais un album universel, qui parle à tout le monde. Du coup, ça ne me semblait pas très pertinent d’écrire sur mes oreilles. Maintenant, je me rends compte que ça l’est. Je réalise que dévoiler ses blessures ou se montrer vulnérable, ça peut aussi toucher les gens. Je me demande si ce sera simple de la chanter sur scène, parce que ça va me faire mal au cœur de répéter tout ça. Mais finalement, je pense surtout que ça va me faire du bien de me servir de ce support. Parce que les gens sauront, et je ne serai plus seule avec ce problème.

LVP : Sur ce disque, tu évoques le rapport à ta vie d artiste. Tu entames d’ailleurs celui-ci en chantant “Face à mon miroir, comment me ressembler ?”. Que veux-tu dire par là ? As-tu peur de te perdre, de t’oublier ? 

Hoshi : En réalité, je sais que je ne vais pas péter un plomb, parce que je suis bien entourée et que je suis toujours moi-même. Je n’ai pas peur de devenir quelqu’un d’autre. C’est juste que c’est parfois fatiguant de devoir être moi tout le temps. Je veux dire par là que quand tu fais de ton art ton métier, tu n’as plus le choix d’aller bien ou pas. Même quand je suis fatiguée ou que c’est le bordel dans ma vie, je dois chanter mes chansons et rester « moi ». Et beaucoup de gens ne s’en rendent pas compte, mais c’est une énorme responsabilité. Alors oui, je suis ultra consciente de la chance que j’ai de vivre de tout ça. Sauf qu’à la base, je fais ça pour ma musique, pas pour que ma personne soit connue. Et dans la vie de tous les jours, ce n’est pas toujours simple de faire la balance entre deux, de prendre du recul. C’est un truc très difficile à gérer et qui se gère avec soi-même, en fait.

LVP : Comment on se protège de ça ?

Hoshi : Je vis beaucoup dans mon monde, dans mon studio, et je reste assez seule, finalement. Seule, mais bien entourée. Quand je travaille, j’aime collaborer et passer du temps avec les gens, mais je ne passe pas ma vie dans les soirées ou en vacances avec mille artistes. Dans ma vie privée, ce n’est pas trop mon milieu. J’essaie de me protéger et de garder à l’esprit que même si ça devient parfois ma réalité, je ne veux pas faire des choses qui ne sont pas réelles.

LVP : En dehors de ça, tu parles aussi du fait d’être affichée en permanence, et que tes paroles puissent être reprises par un plus grand nombre. As-tu parfois l’impression d’être considérée comme un étendard à cause de tes opinions ?

Hoshi : Avec Amour Censure, on m’a clairement collé cette étiquette de porte-parole. Ce n’est pas forcément un titre dont je rêvais, mais je l’assume. Après, ma chanson parle d’amour pour tout le monde, ce qui signifie que chacun est porte-parole. Je ne peux pas être la seule à tenir ce rôle. Même si j’ai la chance et les moyens que mes paroles aient plus d’écho, c’est un truc qui doit se vivre à plusieurs. C’est parfois compliqué à gérer de te dire que toi, tu as juste écrit un truc solo dans ta chambre qui, plus tard, fait finalement tant de bruit. Donc c’est cool parce qu’un côté, ça veut dire que ton message est entendu, mais d’un autre, c’est beaucoup de pression à gérer.

LVP : Est-ce encore possible de garder certaines choses pour toi, ou as-tu l’impression de devoir prendre position désormais et d’afficher tes convictions ?

Hoshi : C’est parfois compliqué. J’avoue que pour Amour Censure, je me suis posée la question. Est-ce que je vais jusqu’au bout ? Est-ce que j’écris en « je » ou en « on » ? Comment maintenir cet équilibre entre ta vie privée et ce que tu as envie d’en dire ? Puis un jour, je me suis rendue compte que j’avais vécu tellement de choses et de souffrances par rapport à ça que je ne pouvais pas faire autrement. Je devais l’écrire sous cette forme, sortir cette chanson comme elle est. C’était un besoin, en fait. J’ai réalisé que mon histoire pouvait peut-être aider des gens et que je devais donc la partager, même si ça me fait mal. Encore aujourd’hui, il y a des ados qui vivent mal leur homosexualité. Je me dis qu’avec ce genre de messages, ils se sentiront peut-être moins seuls. Alors, j’ai écrit cette chanson et je pense que c’est une chanson que j’aurais rêvé d’entendre quand j’avais 14 ans. J’aurais aimé me reconnaître dans ce que j’écoutais. Je veux devenir cette personne que j’aurais voulu rencontrer quand j’étais plus jeune.

LVP : Sur ce titre, tu prônes la liberté d’aimer qui on veut. Avais-tu imaginé que tu puisses encore récolter des insultes avec un texte comme celui-ci en 2020 ?

Hoshi : Je savais que ça ne ferait pas plaisir à tout le monde, surtout quand j’ai décidé d’employer des images de la manif pour tous. Mais bon, c’était un peu le but aussi. J’avais envie de dire et de montrer ce qui dérange et, au passage, de rappeler que l’homophobie est illégale. Après ça, la grosse claque, ça a surtout été après ce baiser lors des Victoires de la Musique. Je me suis réveillée le lendemain avec des menaces, c’était quand même très dur. J’en avais pourtant parlé à mon équipe et, très honnêtement, je ne pensais pas que ça puisse déranger tant de monde que ça encore en 2020. Et en fait, si. Alors, je ne regrette pas du tout et je continuerai à me battre tant que mes droits seront menacés, parce que ça montre qu’on doit encore se battre pour nos droits

LVP : Est-ce la preuve que c’est un combat encore malheureusement très actuel ?  

Hoshi : Clairement. Je pense qu’on est encore loin du jour où le sujet n’en sera plus un et où les gens ne souffriront plus à cause de leur homosexualité. C’est très bizarre parce que depuis cette chanson et ce bisou, j’ai reçu énormément d’amour et de haine en même temps. Trop de « trop » pour un sujet qui ne devrait plus en être un. Déjà, qu’on me parle de baiser « lesbien », ça m’a vraiment énervée. Comme si un baiser devait être défini autrement que par un baiser ? Mais surtout, je me suis demandé comment c’était possible de récolter autant de haine avec une chanson qui parle d’amour ? Et même si ça fait peur de voir ça, ça a fortement renforcé mon engagement. Je pense à ce qu’il se passe encore dans les collèges, dans les lycées, dans les rues. Je pense à tous ces jeunes et moins jeunes qui se découvrent et qui doivent aussi subir tout ça. Ça me fait du mal, et à la fois, ça me donne de la force. Je suis convaincue que ce baiser avait du sens, surtout avec les insultes homophobes en bruit de fond, l’image était à la hauteur du message.

LVP : Ces derniers jours, on a assisté à beaucoup de débats sur la légitimité des artistes à prendre position. Comment vis-tu cela ? As-tu l’impression qu’avoir un vécu te permet de prendre la parole plus librement ?  

Hoshi : C’est vrai qu’on ne m’a jamais reproché de m’approprier un combat qui n’était pas le mien. Après, je ne pense pas qu’il faut avoir vécu des violences pour pouvoir en parler. Au contraire, en tant que victime, il faut pouvoir parler et il faut des alliés. Dans tout combat d’ailleurs, il faut des alliés. Contre l’homophobie, par exemple, heureusement que mes potes hétéro sont à mes cotés. Chacun a le droit d’avoir un avis sur ce qu’il se passe dans le monde, peu importe ta couleur, ton genre ou ton sexe, que tu sois un artiste ou pas, chacun son opinion. Après, le débat, selon moi, c’est aussi que derrière un artiste, il y a quelqu’un avec des ressentis. Je pense que les gens se basent sur ce qu’ils voient à la télé et sur ce qui est médiatisé, mais les artistes ne sont pas juste des gens qui s’expriment deux minutes sur un plateau. Ce sont aussi des gens qui se sont parfois déjà engagés toute leur vie pour des causes et qui ont un passif, qui ont vécu des choses plus personnelles.

LVP : Pour finir, il y a quelques jours, tu as dévoilé le morceau Enfants du danger. Un message destiné à notre génération ? 

Hoshi : Cette chanson parle de la peur de devenir une adulte responsable à qui on viendra un jour demander des comptes. Quand j’étais petite, j’écoutais Respire de Mickey 3D et je demandais à ma maman ce que les paroles signifiaient. Elle m’avait répondu que cette chanson expliquait que les adultes aussi faisaient des bêtises. Alors, un peu dans la même veine, j’ai écrit Enfant du danger. Je ne veux pas devenir cette adulte qui a fait des conneries et à qui on doit l’état de la planète. Je veux faire les choses bien, que ça passe par des petits ou des grands gestes. On doit tout faire, malgré ce qui nous échappe, et souvent malgré nous, pour être heureux. On a ce devoir de prendre soin de nous et de notre planète. De ceux et de ce qui nous entourent.

LVP : Ce titre a surtout révélé tes talents cachés de Madame Irma, puisque tu l’as écrit l’été passé. Alors, que prévois-tu pour le futur ? Demain sera-t-il plus paisible ? 

Hoshi : C’est marrant parce que je suis tellement optimiste que parfois j’ai juste l’impression d’être utopiste. L’impression que je rêve d’un autre monde, comme dirait l’autre. Personnellement, je souhaite juste que les choses aillent mieux. Qu’on y parvienne ensemble. Que chaque jour qui passe, les gens soient le plus heureux possible, que j’y arrive aussi. Que ce soit beau.


@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@