Après plusieurs mois de tournée effervescente, HotWax, avide de retrouver l’énergie de son public, a choisi de la recréer en studio pour l’enregistrement de Hot Shock. Entre vulnérabilité et audace, le premier album du trio de Hastings marque une entrée fracassante dans l’arène rock et une nouvelle étape dans l’évolution du groupe. Connu pour ses performances fiévreuses, le groupe nous offre un concentré d’émotions dans un son à la croisée du grunge, du punk et du psyché.
Quelques jours avant de reprendre la route pour une tournée européenne, Tallulah Sim-Savage, Lola Sam et Alfie Sayers se livrent sur la genèse de Hot Shock, leur approche de l’écriture et les bénéfices d’avoir travaillé avec une équipe de production 100 % féminine.
La Vague Parallèle : Avec Hot Shock sur le point de sortir, comment vous sentez-vous en ce moment ?
Tallulah Sim-Savage : C’est très excitant. Pour nous l’idée d’un premier album a toujours été quelque chose qui nous semblait très lointain et maintenant c’est là. On en est très satisfait·es : une grande partie a été enregistrée en live, donc on a essayé de conserver toute cette énergie et de rendre ça très excitant. Il représente en quelque sorte comment ces deux dernières années se sont déroulées pour nous, c’est beaucoup d’énergie mais aussi un peu de naïveté. Je pense que c’était le bon moment pour nous.
LVP : Comme tu l’as mentionné, l’album est très lié à l’expérience du live, est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur votre choix d’enregistrer devant un public ?
Tallulah : Nous avons travaillé avec deux productrices sur cet album, Catherine Marks et Steph Marziano. La première fois que nous avons rencontré Catherine c’était lors de l’un de nos concerts que nous avons donné à Londres : c’était dans une cave, il faisait vraiment chaud, c’était très petit et étouffant. Nous sommes ensuite allé·es discuter dehors et elle a eu l’idée de recréer toute cette ambiance pour enregistrer l’album. Elle voulait reproduire un concert, inviter des gens, ouvrir un bar et enregistrer comme une sorte d’expérience pour conserver au maximum cette énergie. Ça nous a pas mal chamboulé·es au milieu de l’enregistrement car c’était la première fois que nous jouions ces morceaux devant des gens, mais c’était un moment très cool. Ça a vraiment enrichi notre son et influencé notre approche pour le reste du processus d’enregistrement.
LVP : Vous avez joué plus de 150 shows en deux ans, est-ce qu’il y a une expérience de tournée, bonne ou mauvaise qui a influencé l’écriture de cet album ?
Tallulah : Une bonne partie des festivals que nous avons fait l’année dernière étaient vraiment mémorable pour nous. C’était vraiment un été de festivals et ça nous a fait ressentir ce que cela signifie d’être dans un groupe. De jouer sur différentes scènes avec toustes ces supers artistes, de voir la réaction des gens et tout cet amour de la musique, d’être dans la nature, c’était vraiment inspirant.
LVP : Hot Shock est un album qui doit être écouté fort, ce qui contraste avec le côté plus vulnérable de certaines paroles.
Tallulah : Pour l’écriture des paroles, je voulais être aussi honnête que possible. Je voulais écrire en puisant profondément en moi, exprimer exactement ce que je ressens. Et ces deux dernières années ont été vraiment intenses, chargées et excitantes, donc cela se ressent dans le son et dans les thèmes abordés. En plus d’être une période très excitante, c’était aussi très fort en émotion, en permanence. Étant quelqu’une de très intéressée par les émotions des gens, j’ai voulu créer des paroles qui en donnent une image, une sorte de tableau.
LVP : Wanna Be A Doll est la première chanson que vous avez écrite pour cet album, comment cette chanson a-t-elle influencé le reste de l’écriture de Hot Shock ?
Lola : En fait, c’est probablement celle que nous avons réécrite le plus de fois sur tout l’album, parce que nous voulions composer une chanson qui soit immédiate, où les voix arrivent assez vite. On se disait : “oh, ça sonne trop pop, ça sonne trop comme ci, trop répétitif”. Et au final, elle n’a vraiment pris sa forme définitive qu’au moment de l’enregistrer. Et maintenant, c’est l’une de nos chansons préférées. Elle est accrocheuse et il y a plein d’éléments différents dedans comme le solo basse-batterie, qu’on n’a pas ailleurs sur cet album. Et les paroles sont à la fois amusantes et assez sérieuses en même temps, je dirais.
LVP : L’album aborde aussi les pensées intrusives et l’anxiété, est-ce que l’écriture a été cathartique pour vous ?
Tallulah : Oui c’est sûr. D’une certaine manière, ces thèmes se retrouvent toujours dans nos paroles parce que c’est la personne que je suis et c’est comme cela que mon esprit fonctionne. Mais c’est clairement thérapeutique de mettre ça sur le papier et de m’exprimer avec la musique. Puisque le live a une place si importante pour nous en tant que groupe, pouvoir chanter ces paroles tous les jours a vraiment cet effet thérapeutique et cela fait tellement de bien. Ces derniers mois, on était plus à la maison mais on s’apprête à repartir en tournée parce que pouvoir jouer tous les soirs, c’est tellement satisfaisant.
LVP : Votre tournée commence lundi prochain, êtes-vous prêt·es ?
Tallulah : Je ne sais pas trop en réalité.
Lola : On fait d’abord une tournée in-store au RU et en Europe et après ça, on part pour notre tournée. On a vraiment hâte mais on est aussi très nerveux·ses. Mais je pense que nous nous mettons beaucoup de pression : une fois dedans, on va vraiment passer un bon moment.
Tallulah : Cela va être intéressant de faire notre propre tournée en tant que headline parce qu’on a tellement l’habitude de faire les premières parties. Et j’adore faire des premières parties aussi mais quand c’est le cas, les gens ne te connaissent pas et il faut un peu les convaincre. Et en plus quand tu es en headline, tu peux laisser ton matos sur la scène (rires).
LVP : Votre album a été produit par une équipe entièrement féminine, est-ce que c’était un choix délibéré ?
Lola : Non, on a pas vraiment fait exprès. Il s’avère juste que les gens avec qui on avait envie de travailler avaient aussi envie de travailler avec nous et on a eu beaucoup de chance. C’était vraiment super parce qu’il n’y a pas eu de problèmes d’ego ou de paternalisme, on était toustes du même côté. Je ne sais pas si c’était parce que nous étions entre femmes mais en tout cas, j’ai vraiment apprécié que cela se passe comme ça.
Tallulah : Oui, on était supposé·es travailler uniquement avec Steph, mais après nous avons eu une réunion avec Catherine et elles ont eu l’idée de tout faire à deux et de co-produire l’album ce qu’elles n’avaient jamais fait avant.
Lola : Et je pense qu’elles ont aussi aimé le fait d’être à deux pour rebondir car chacune avait ses forces. C’était un peu comme si chacune avait son rôle et cela a rendu l’album très spécial parce qu’elles sont excellentes chacune à leur manière.
LVP : La dynamique en studio devait être fort différente de vos expériences précédentes ?
Tallulah : Oui surtout pour l’enregistrement, puisque nous avons enregistré la majorité en live. Dans le studio, on a fait passer tous les sons et les effets plutôt que par après dans le mix. Ça sonnait déjà presque comme le résultat final donc la prise de décision était plus facile au moment du mix et nous avions plus de contrôle.
LVP : Est ce que vous sentez que l’industrie évolue dans le bon sens quand il s’agit de donner de l’espace aux personnes FINTA dans la technique ?
Lola : Ouais, enfin, j’espère. C’est marrant, à RAK, quasiment tout le monde était une femme en fait, enfin, toutes celles avec qui on a travaillé en tout cas. Il y avait quelques hommes, mais ils se contentaient surtout d’aller chercher le café, donc c’était assez amusant, une dynamique assez intéressante. Mais oui, ça devient enfin plus courant, ce qui est bien. Je pense que les femmes doivent travailler beaucoup plus dur que les hommes dans l’industrie musicale pour faire leurs preuves. Il y a beaucoup d’hommes moyens qui obtiennent des postes, alors que si une femme est dans le milieu, elle doit encore plus prouver sa valeur. Donc quand elles font leur travail, elles sont automatiquement à un niveau bien plus élevé, parce que c’est la seule façon d’être prises au sérieux.
LVP : Comment vos personnalités à vous se sont complétées en studio ?
Tallulah : Lola et moi, on écrit ensemble. Et Lola fait les démos de nos chansons dans sa chambre. Donc elle a une très bonne oreille pour ce genre de chose, pour la production. On a notre mot à dire évidemment mais en studio Lola est vraiment perfectionniste.
Lola : J’ai l’impression que la moitié de ce que je fais est juste de me dire “ok, elle ne va pas vouloir que cela sonne comme ça”.
Tallulah : Oui je rage beaucoup.
Lola : Tu es du genre à dire “c’est cringe” (rires).
Tallulah : Je pense qu’on travaille toustes très bien ensemble. Lola et moi, on est tellement habituées à bosser ensemble, parce qu’on écrit depuis qu’on a environ 12 ans. Et puis Alfie, lui, il est patient et il enregistre ses parties de batterie très rapidement. On arrivait le matin et c’est là qu’évidemment on avait le plus d’énergie, parce qu’on n’avait pas encore joué toute la journée. Donc on enregistrait toutes les batteries, puis la basse dans la matinée, ce qui était toujours bien. Et après, on bossait sur les autres éléments. Parfois, on faisait deux ou trois chansons en une journée et ensuite, on retravaillait les autres parties après. Mais ouais, franchement, j’adore être en studio. C’est peut-être ma chose préférée, ou à égalité avec les tournées. Peut-être que je suis la seule à ressentir ça parfois, mais on a vraiment passé un super moment à enregistrer cet album.
LVP : Puisque vous faites de la musique ensemble depuis votre adolescence, est-ce que vous pourriez nous dire quels genres de groupe vous écoutiez et comment ceux-ci ont influencé votre son ?
Tallulah : Quand on a commencé à jouer dans des groupes ensemble, on écoutait beaucoup de groupes avec des chanteuses, comme Hole, Blondie, The Breeders et des trucs comme ça. Beaucoup de groupes des années 90, parce que c’étaient des groupes de guitare avec des chanteuses. Et c’est le genre de musique qu’on voulait écouter parce que, tu sais, en tant que jeunes filles, c’était vraiment influent.
Lola : On était dans un autre groupe avant HotWax. Et puis quand notre chanteuse est partie, on s’est reformé·es en HotWax et Tallulah a pris le chant. On écoutait vraiment beaucoup de musique moderne, psychédélique, des groupes australiens, comme Pond, beaucoup de Tame Impala et tous les dérivés de ça. Du coup, on est un peu devenues obsédé·es par tout ça, c’était beaucoup basé sur le son et pas trop sur les voix. Et puis, au fur et à mesure, on a ajouté ça à d’autres styles, peut-être même plus indie classique ou alternatif. Et je pense que c’est juste un mélange de toutes nos phases musicales au fil des années.
LVP : Dans la presse, on vous compare beaucoup à ces groupes des années 1990 comme Sonic Youth, est-ce que vous vous sentez connecté·ees à ce genre d’artistes ou est-ce que vous avez l’impression d’appartenir à un genre différent ?
Lola : Ce qui est intéressant avec notre style, c’est que c’est vraiment un mélange de genres. On a joué dans des festivals comme le Download l’année dernière, qui est évidemment un festival avec un genre musical assez spécifique. Mais on a aussi joué à End of the Road, je ne sais pas trop comment définir ce style de public. Et puis il y a eu Green Man Festival, Reading, Psych Fest, donc en fait, on passe un peu d’un style à l’autre, peut-être parce qu’on ne rentre pas vraiment dans une case en particulier. Mais je pense que c’est ce que j’aime dans notre groupe, c’est qu’on peut être un peu tout.
Tallulah : Quand on écrit aussi, on essaie vraiment intentionnellement de se dire : “ok, maintenant j’ai envie d’écrire quelque chose d’un peu plus psyché” ou “là, j’ai envie d’écrire un morceau plus rapide et plus lourd”. On veut toujours s’inspirer de plein de genres différents pour varier un peu. Mais je pense qu’en grandissant, on trouvait que Wolf Alice faisait ça super bien d’une manière un peu plus pop, mais iels avaient toujours des moments où ça partait ailleurs avant de redescendre, parfois en plein milieu d’un morceau. Et dans leurs albums, il y a un morceau pour tout le monde. Et je pense que ça nous a beaucoup inspiré·es.
LVP : Quel est votre rêve ultime en tant que groupe ?
Tallulah : De continuer, de pouvoir aller dans le plus d’endroits possibles et de juste continuer à faire ce qu’on fait.
Alfie : De pouvoir se permettre de continuer.
Lola : De faire ça pour toujours et aussi d’inspirer les gens, d’inspirer les plus jeunes, c’est toujours chouette.
LVP : Merci beaucoup !
Ma playlist est aussi bipolaire que moi. J’aime le metal, le sang et les boyaux, tant que ça reste vegan.