Interviewer Julien Barbagallo n’est pas chose facile. On aurait tendance à se laisser bercer par la voix à l’accent du sud du Toulousain. Pourtant il a beaucoup de choses à dire, sur sa musique, sur les voyages intérieurs et sur la nécessité d’aller plus souvent au cinéma.
LVP : Comment ça va ? Content d’être à Lille ?
J.B : Ça va très bien. J’étais assez impatient d’être ici parce que j’ai eu plusieurs fois l’occasion de venir jouer avec d’autres formations et à chaque fois ça se passe bien. C’est chouette de venir avec son propre projet. Et puis on a passé deux belles journées en Hollande là (à l’Eurosonic, ndlr) donc tout va bien.
LVP : Tu es batteur. En général, ce musicien est plus en retrait sur la scène. Est-ce que ça t’intéressait de mettre le batteur en avant ?
J.B : Ouais, je ne sais pas comment le public perçoit ça. Je ne sais pas si visuellement avoir une batterie plus près de toi, fait que tu y prêtes plus attention, je suis pas très sûr.
Mais en tout cas, j’avais envie de faire apparaitre l’énergie rock de la batterie, tout simplement pour un peu dire en filigrane qu’on est tous des musiciens sur scène et que y’avait pas d’instrument plus important que d’autres.
Si c’est le cas tant mieux, après je ne cherche pas vraiment à crever l’écran en tant que batteur parce que je suis devant.
LVP : J’aime beaucoup ton album, car je trouve que les mélodies, très anglo-saxonnes, sont autant travaillées que les paroles, qui sont-elles en français. L’un des deux vient en premier ?
J.B : Je travaille beaucoup plus les paroles parce que ça me vient un peu moins facilement. En tout cas, c’est tout neuf pour moi d’écrire en français, ça fait peu de temps. J’ai commencé à écrire en français il y a 2 ou 3 ans à l’occasion de la sortie de mon premier album Amor de Lonh.
J’avais fait quelques essais un peu plus tôt pour Laure Briard mais là, je m’y suis vraiment mis. Je me suis dit « à partir de maintenant tu vas écrire en français et ça sera pour toujours », donc il a fallu que j’aille creuser très profond pour trouver les mots que j’aime, pour traduire les idées que j’ai envie de partager et c’est très très long.
Alors que comme tu y faisais référence, la musique que je compose est très influencée par l’Angleterre et les Etats-Unis. La musique anglo-saxonne est quasiment la seule musique que j’ai écoutée en étant ado et même avant ça, quand tu fais tout ton panthéon personnel, quand tu crées tes influences. Du coup ça me vient un peu plus naturellement quand je prends une guitare que les paroles qui me prennent beaucoup plus de temps.
LVP : Justement quand tu as commencé le projet, le chant en français c’était quelque chose d’assez évident dans ta tête ?
J.B : J’avais fait beaucoup de chansons en anglais, j’avais sorti quelques albums dans cette langue. C’était donc une espèce de nouveau départ, je me disais que le moment était venu de tomber les masques et de vraiment se mettre un peu à poil, sans vraiment d’idée derrière. C’était plutôt du bricolage au début et c’est Benjamin Caschera de La Souterraine qui m’a un peu poussé au cul et qui m’a dit « il faut les sortir ». Ça s’est fait très doucement en fait.
LVP : Y’a un vrai retour, une vraie nouvelle scène en français.
J.B : On est un peu moins complexés je pense, et surtout quand tu écoutes tous ces nouveaux artistes qui émergent, c’est intéressant la manière dont ils travaillent la langue, je trouve ça moderne. En tous cas elle est bien mise en lumière ces temps-ci et c’est cool.
LVP : Quand je pense à ta musique, je vois une espèce d’équilibriste entre le côté indé de tes mélodies et le côté plus classique de la pop française des années 70. Est-ce que c’est quelque chose que tu ressens ?
J.B : Je ne me le formule pas clairement en fait, mais je m’en rends compte quand le truc est fini. C’est pas quelque chose de conscient pendant la construction de mes chansons, mais du fait de ce clash de mes influences anglo-saxonnes et de mon désir d’écrire en français. Je me retrouve comme tu dis sur un fil sur lequel je me mets à jongler avec quelque chose d’assez littéraire – car j’essaie vraiment de soigner mes paroles – et quelque chose d’assez pop dans le sens populaire avec des structures et des arrangement relativement accessibles. Je trouve ça intéressant d’avoir un écrin très accessible de pop et d’y insérer des choses assez exigeantes, notamment les paroles.
LVP : Ton album me fait voyager, que ça soit grâce aux instruments utilisés, aux paroles ou aux titres de chansons. C’est quelque chose dont t’avais envie, d’emmener les gens ailleurs ?
J.B : Y’a un peu de ça, ce serait plutôt du domaine du voyage intérieur comme moi je le perçois. C’est vrai que dans ma vie je bouge beaucoup, je voyage à travers le monde donc j’imagine que ça a un impact à un moment donné quand j’écris une chanson et que ça doit transparaitre. Mais en tous cas quand je suis dans la fabrication et la composition, je ne suis pas Antoine à vouloir essayer de faire rêver les gens de cocotiers et de mer bleue. J’aime beaucoup l’idée de voyage intérieur, de faire vagabonder les gens dans leur esprit, dans leur propres caractère et spécificités. Essayer de les faire aller dans des parties d’eux qu’ils n’ont pas forcément l’habitude d’explorer, quelque chose un peu du domaine de la quatrième dimension.
LVP : c’est vrai qu’il y a différentes couleurs dans l’album qui amènent à différentes émotions…
J.B : En tout cas moi j’ai des modèles d’écriture, des gens comme Pascal Quignard qui est l’exemple parfait de quelqu’un qui a une économie de mots. Il va à l’économie des mots mais la manière dont il les agence, créent une sorte d’explosion mentale, ça te fait perdre un peu l’équilibre mais au fond tu te trouves dans des positions super agréables car tu ne les as jamais connues ou ressenties. Ça sort tellement des automatismes qu’on peut avoir par rapport aux langages et aux émotions qu’on reçoit d’une chanson ou d’un livre. Je trouve ça assez intéressant d’aller chercher des choses comme ça, comme tu disais un peu équilibristes.
LVP : Cette année, j’ai décidé de lancer, ce que j’appelle la question « con » : Ça ne te fatigue pas qu’on parle toujours de toi comme le batteur de Tame Impala ? (Rires)
J.B : Ça dépend dans quel contexte c’est évoqué. Disons que ça aide les gens à avoir des repères, pour pouvoir associer et identifier les artistes. Si on me parle de ça les ¾ de l’interview – ce qui est arrivé parfois – je vais me dire que le mec a complément raté son truc… il a raté mon truc en fait, il a raté mon projet. De toute façon c’est un rôle que j’assume complètement et c’est franchement ce qui m’occupe depuis quatre ans donc je peux pas faire semblant que ça n’existe pas.
J’estime quand même que ce que je fais en solo est très différent et je pense que c’est une histoire de temps. Au début les gens se servent de ça comme levier pour présenter le projet, mais quand le nom aura circulé suffisamment, l’association ne sera plus nécessaire.
LVP : Quels sont tes coups de cœurs récents ? Musique, cinéma…
J.B : Je te parlais tout à l’heure de Pascal Quignard, je suis en plein dans son dernier roman “Les larmes”, qui est très beau. Je suis la tête dans le guidon et j’adore ça.
L’année dernière, un de mes artistes préféré, Matthieu Boggaerts, a sorti son nouvel album “Promeneur”, que je trouve très beau.
Et pour les films.. Je ne suis pas allé au cinéma depuis hyper longtemps en fait, j’me suis relaté “Le nom de la rose” que j’aime bien… (rires). Note pour moi-même : allez plus souvent au cinéma en 2017 ! (Et c’est une excellente note, ndlr)
Merci Julien pour le temps accordé.
Futur maître du monde en formation.
En attendant, chevalier servant de la pop francophone.