Une interview sous le soleil, avec Nothing But Thieves
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Auteur·ice : Chloé Merckx
12/09/2022

Une interview sous le soleil, avec Nothing But Thieves

Armée de petits appareils jetables et de crème solaire, La Vague Parallèle s’est rendue au Pukkelpop, avec pour mission de vous fournir du contenu aussi mémorable que le line-up de cette édition 2022. Après une performance électrifiante sur la Main Stage, Conor Mason et Dom Craik de Nothing But Thieves ont pris le temps de discuter avec nous. Petit verre de vin à la main, ils sont revenus sur leurs débuts de carrière, leur chemin vers la mythique salle O2 de Londres et leurs rêves en tant que groupe.

Une voix angélique mêlée à des mélodies puissantes et mélancoliques, des textes conscients, dilués dans une vulnérabilité sentimentale, c’est le robuste mélange qui a porté Nothing But Thieves au rang des groupes alternatifs les plus influents de la scène British. Si leur deuxième album, Broken Machine a perfectionné leur son alt-rock, Moral Panic, sorti en 2021, a mêlé pop-rock et protestation dans une production orchestrée, pour la première fois, par Dom Craik. Les cinq musiciens émergeant des côtes grises de Southend-on-Sea n’ont pas fini d’expérimenter le spleen et la révolte dans un élixir de genres, dont eux seuls détiennent le secret.

Malgré un son en constante évolution, le souvenir de leurs premiers pas dans le monde du rock reste bien vif. Leur premier album, c’était la poésie qui apaisait nos petit cœurs d’ados ronchon·nes. Parce que Itch nous a attiré·es à nos premiers concerts, Honey Wiskey nous rappelle nos premières soirées, Trip Switch nous rattache à notre adolescence passée sur Tumblr et If I Get High aux filtres bleutés qui recouvrent une collection de petits Polaroïds. Leur musique fut la bande son parfaite pour notre esprit juvénile qui rêvait de s’échapper, quand nos Dr Martens neuves ne nous avaient pas encore rattaché.es au sol.

Je n’ai jamais vraiment compris comment, lorsqu’on sort de la musique, certaines personnes peuvent écouter une chanson, à un certain point dans leur vie et cela peut complètement changer quelque chose pour eux.

Nothing But Thieves

La Vague Parallèle : Alors pour commencer, félicitations pour le show, c’était super !

Dom Craik : Merci !

LVP : On voulait savoir, est-ce que vous vous souvenez de votre premier concert en Belgique ?

Dom : Ça c’est une très bonne question !

Conor Mason : Je n’ai pas l’impression de me souvenir de la première fois, je me souviens surtout de quand nous avons commencé à jouer en festival comme le Pukkelpop ou Rock Werchter. Je me souviens d’avoir eu un petit choc quand on a vu à quel point la scène belge réagissait positivement à notre musique. On s’est dit “Waouw, ils aiment vraiment bien la musique rock ici“. Je ne me souviens pas très bien des premières fois en particulier mais en même temps, ça fait déjà presque dix ans.

Dom : Je me souviens que c’était très accueillant ! Très tôt dans notre carrière, on a eu l’opportunité de jouer avec Muse en première partie et faire quelques dates ici. On était supposés jouer 3 ou 4 soirées mais tu es tombé malade tu te souviens ?

Conor : Ah oui ça doit être ça !

Dom : On ne pouvait rien y faire mais c’était assez frustrant, on devait jouer pour la première fois devant 30 ou 40 000 personnes et on n’a pas pu le faire car Conor avait complètement perdu sa voix.

Conor : Oui c’est ça, je m’en souviens.

LVP : Alors, votre premier concert, nous on s’en souvient

Dom : Oh vraiment ? C’était où ?

LVP : C’était à Gand, dans un bar.

Conor : Gand… dans un bar… Ok continuez, qu’on ait notre petit flashback!

LVP : C’était une toute petite salle et votre premier album venait tout juste de sortir.

Dom : C’est fou !

LVP : Et seulement quelques mois plus tard, vous faisiez la première partie de Muse, comment vous avez vécu une évolution si rapide en tant que groupe ? 

Conor : Je ne dirais pas qu’on a grandi si vite, forcément quand on compare ces deux shows c’est l’impression que ça donne mais ce n’était que des premières parties, les gens qui venaient voir Muse n’étaient pas des fans de notre groupe, ils n’avaient aucune idée de qui on était. Mais je pense qu’en termes d’évolution, on est progressivement montés de plus en plus haut et c’est vraiment une chance qu’on a eue. On a fait beaucoup de tournées et on a travaillé dur à la composition de nos albums, mais je ne dirais pas qu’on a vraiment sauté de l’un à l’autre, ce qui est probablement une bonne chose pour être honnête.

Dom : Il y a clairement eu un travail d’adaptation par rapport à la manière dont on se présentait sur scène. On n’avait jamais eu à jouer sur une scène pareille, on avait l’habitude des shows avec quelques centaines de personnes ou quelques milliers quand on retournait jouer chez chez nous, puis tout d’un coup on a eu affaire à 20 000 personnes. Forcément, il faut un peu “step up your game”. Et j’ai l’impression que toi tu as eu plus de travail que les autres pour t’adapter (à Conor). Parce qu’ils nous avaient foutus sur une espèce de scène ronde, ce qui était super intimidant parce que tu dois faire attention à ce que tout le monde autour de la scène reçoive le même show.

Conor : Oh j’ai détesté !

LVP : Tu as détesté ? (rires)

Conor : J’ai détesté. (rires) J’ai détesté qu’on ait dû utiliser un micro sans fil aussi, si je dois être honnête. (rires)

Dom : Ça faisait un petit peu Britney Spears. (rires)

Conor : Mais, on a fait de notre mieux, et ça s’est bien passé puisqu’on est toujours là. (rires)

 

LVP : Vous avez récemment diffusé un documentaire, Road to the O2.

Dom : Oui.

Conor : On a fait ça ? Ah oui juste ! (rires)

LVP : Nous on l’a regardé en tout cas haha. Mais du coup, maintenant que vous avez joué sur cette scène de Londres qui représentait un peu un rêve pour vous, quel est le prochain objectif ? 

Dom : Je pense qu’une fois qu’on a fait le O2 à Londres, c’est vraiment un gros accomplissement, parce qu’on peut se demander “quelle salle est plus grande ?”. Je pense que rester à ce niveau en termes de tournées au Royaume-Uni c’est ce qu’on veut faire, et éventuellement arriver à ce niveau ailleurs, donc on doit continuer de tourner sans cesse jusqu’à ce que les stades commencent à apparaître dans différents endroits en Europe, ça serait vraiment le rêve. On a joué à l’AB à Bruxelles deux fois de suite maintenant et on essaye d’accomplir de plus en plus ici. Au fond, on a envie d’être un grand groupe, parce qu’on travaille très dur.

LVP : En Europe ça ne semble pas impossible en tout cas, surtout en Belgique ou aux Pays-Bas, le groupe semble être fort apprécié.

Dom : Oui, c’est ce qu’on ressent aussi.

LVP : Est ce que c’est pour ça que vous avez écrit Amsterdam ?

Conor : Oui, enfin on l’a écrit pour nous, pas pour la foule, mais clairement on s’est sentis vraiment bien accueillis là-bas. Ça serait marrant d’écrire sur toutes les villes qu’on fait jusqu’à ce qu’on devienne de plus en plus gros. (rires)

LVP : Et du coup, dans le documentaire, on peut voir que lorsque vous avez joué Graveyard Whistling c’était un moment assez émotionnel autant pour vous que pour la foule. Quel effet cela vous fait de savoir qu’autant de personnes s’identifient à vos chansons ?

Conor : Je pense que c’est génial que des “fans” connectent avec nous de n’importe quelle manière. On laisse toujours nos chansons ouvertes à l’interprétation plutôt que de leur dire “c’est ça que vous devez ressentir”, parce que, bien sûr, personne n’a envie de ça ahah. Et c’est vraiment chouette que cette chanson-ci et d’autres aient vraiment connecté avec les gens. Et dans le public on a toujours des personnes qui viennent depuis dix ans donc, on se dit qu’il y a quelque chose qui doit bien fonctionner quelque part.

Dom : Oui je suis d’accord, je n’ai jamais vraiment compris comment, lorsqu’on sort de la musique, certaines personnes peuvent écouter une chanson à un certain point dans leur vie et cela peut complètement changer quelque chose pour eux, on l’espère en bien. Et après, à chaque fois que cette chanson arrive en aléatoire dans leur playlist ça leur ramène de bons souvenirs ou l’impact positif que ça a eu dans leur vie. Ça c’est vraiment ce qu’il y a de plus génial pour nous.

LVP : Quel est la chanson dont vous êtes le plus fiers ? 

Conor : Oh waouw… ça c’est difficile haha. Je pense que c’est probablement nos vieux trucs, au tout début, quand on ne se considérait même pas encore comme des artistes. Pas qu’on ne prenait pas cela au sérieux, on travaillait super dur, mais on ne s’attendait pas spécialement à ce que quelque chose nous arrive. Quand on a commencé à composer les premières chansons comme Graveyard Whistling, Emergency, If I Get High, on s’est dit “ok, on sait écrire une mélodie”, ensuite les radios et les playlists ont commencé à les jouer et puis les gens ont commencé à réagir. Je dirais que je suis vraiment fier des toutes premières chansons, même si je suis fier de tout ce qu’on fait parce qu’on travaille dur à l’évolution de notre son et à la manière dont on le définit à chaque album, mais ces premiers sons nous ont emmenés quelque part. Le sentiment qu’on a eu, dans la cuisine de la maison d’enfance de Dom, quand on était gamins, à écouter notre premier EP sur Radio One, on aura probablement plus jamais cette sensation de “how the hell did that happen?”.

Dom : Yup, ce qu’il a dit. (rires)

Je crois que tu essayes probablement de combler un vide que tu penses exister dans la musique et de créer quelque chose que tu estimes devoir exister dans le monde.

 

LVP : Depuis le début, vous avez réussi à développer un son qui est assez unique et identifiable, on se demandait quel avait été votre état d’esprit en créant de la musique pour essayer de faire les choses un peu différemment ? 

Dom : C’est une très bonne question, je ne suis pas sûr de savoir. Je pense que tu prends des influences des gens que tu aimes et tu espères que ça ressorte dans ta musique. Je crois que tu essayes probablement de combler un vide que tu penses exister dans la musique, et de créer quelque chose que tu estimes devoir exister dans le monde. Et au final, je pense que tu cherches à créer quelque chose que tu aimes et que tu aimerais écouter. Avant une release, je crois que j’écoute notre musique plus que n’importe quoi d’autre, parce que ça m’obsède, on travaille dessus et puis ça devient une partie de toi. D’une certaine manière, tu essayes de capturer où tu en es à ce moment dans ta vie.

Conor : C’est une bonne réponse. Je pense aussi que dans notre culture des playlists et en tant que fan de musique, on écoute de tout. On écoute de la pop, du hip hop, du rock, du métal, du RnB, un peu de tout, et nos influences sont une sorte de melting pot de nous trois qui écrivons. Quelqu’un amène un peu de rock, un autre un peu de RnB et au final ça crée “whatever the fuck we do”. Et après, Dom essaye de pousser jusqu’au bout le son qui en sort, il dépense tout son argent en plug-in et en matos. On a travaillé dur pour ça, il a travaillé très dur pour ça et il ne se donne pas assez de crédit mais c’est vrai !

LVP : En plus tu as co-produit le dernier album, non ?

Dom : Oui, c’est vrai.

Conor : “Oui c’est vrai” (rires)

Dom : Oui, je pense que je n’aurai jamais assez confiance en moi pour le faire seul, mais je pense qu’arrive un moment où on se pose la question : qui est le mieux qualifié pour le son du groupe qu’un membre du groupe, sans pour autant le faire tout seul ? Donc je crois que si tu trouves les meilleures personnes pour t’aider à façonner ton idée et la direction que tu veux donner à ta musique, tu es au bon endroit. Et c’est peut-être ce qu’on fera la prochaine fois.

LVP : Merci Conor et Dom pour ce moment !

Nothing But Thieves : Merci à vous c’était une chouette interview!

Nothing But Thieves

© Chloé Merckx


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