Victoria+Jean c’est l’histoire d’un duo évident, d’une rencontre entre les riffs fracassants de Jean et la fougue mystique de Victoria. De l’Angleterre à la Suède, en passant par New-York et Rio, ces deux ovnis (accompagnés sur scène de David Baboulis du groupe Soldout) ont fait une halte au Festival Verdur Rock pour nous présenter leur premier album : Divine Love.
LVP : Botanique, Rock System, Verdur Rock… Après vous avoir vus plusieurs fois en live, on ressent toujours autant d’osmose entre vous sur scène. Est–ce qu’il y a des points qui au contraire, vous opposent complètement ?
Jean : Le fameux point G ! [Rires] Qu’est-ce que tu veux, 7 ans de mariage hein…
Victoria : On a la chance, chacun de notre côté, d’aimer des choses autant ringardes que bonnes.
LVP : Vous venez de sortir votre album Divine Love, comment s’est déroulé le processus de composition ?
Jean : On a vite figé ce qui nous sortait par la tête parce que l’on voulait éviter d’avoir une œuvre, tu sais « évidente » pour s’imposer en tant que « groupe de premier album ». Et puis après, on est parti à l’étranger avec des producteurs, je sais pas si tu as suivi un peu l’histoire. Le processus s’est passé de manière tout à fait limpide, comme une rivière…
LVP : Tiens tant qu’on parle compo, la majorité des morceaux existent depuis 2012. Avec le recul, y-a-t-il des titres que vous percevez différemment aujourd’hui?
Victoria : On a de la chance : parce qu’on est deux, on peut à chaque fois mettre les titres à n’importe quelle sauce.
Jean : On a fait beaucoup de tournées aux USA et en Asie. On travaille avec des musiciens donc on a une formule dans l’interprétation, une sorte d’évidence dans la neutralité d’un morceau. On a vraiment composé de manière tout à fait neutre.
Victoria : Pour qu’on puisse, par exemple, mettre le morceau en acoustique et que ça fonctionne tout aussi bien. Même si on ne jouera jamais en acoustique…
Jean : C’est chiant !
Victoria : A la base, on avait une quarantaine de morceaux, on en a choisi douze qui marchaient dans n’importe quel cas de figure.
Jean : J’appelle ça : « créer un œuf ». Un bel œuf sur lequel après, tout le monde vient se greffer. C’était un peu la formule de départ de l’album.
LVP : Ce n’est pas plus compliqué de garder une certaine cohérence du début à la fin quand on travaille justement avec des personnes différentes, ayant chacune leur façon de faire ?
Jean : Je reviens à l’œuf. Tout ce qu’on avait à offrir pour cet album c’est vraiment une histoire musicale avant tout. On avait aucune crainte, d’où le choix du mastering qui était très important. Comme une vision globale d’un spectre. On s’est retrouvé en mastering avec Mandy Parnell. On a travaillé trois jours chez elle avant pour discuter. On a choisi un morceau et un autre morceau, on a fait une dualité et c’est passé comme une couque.
LVP : Est-ce que vous ressentez des divergences dans la façon de percevoir, de vivre la musique en fonction des pays dans lesquels vous vous êtes rendus? Que ce soit de la part de votre public ou des gens du milieu avec qui vous avez bossé?
Victoria : Franchement, chaque pays est différent. Au Canada par exemple, on était halluciné du fait qu’ils avaient une capacité d’adorer ce que tu faisais mais de parler super fort. J’ai même dû descendre dans le public pour dire « Ta gueule ! » à une ou deux. En Angleterre c’est presque silence, ils applaudissent et…
Jean : Il faut savoir que quand on arrive en Angleterre, ils viennent voir un groupe étranger qui a travaillé avec des producteurs locaux. On a un public très attentif, c’est toujours un vrai succès. On joue dans des clubs de 500 personnes en tête d’affiche qui sont remplis. En Angleterre, faut quand même le faire après un an. Même déjà être payés en Angleterre on y arrive…
Victoria : Ouais, même pour demander de l’eau c’est parfois compliqué…
LVP : J’ai eu l’impression, dans les critiques et interviews que j’ai pu lire, qu’on avait souvent tendance à mettre l’accent sur le fait que vous soyez en couple comme c’était par exemple le cas avec les White Stripes, quitte à parfois entrer un peu trop dans l’aspect privé. Vous considérez cela comme étant inévitable, du fait que c’est justement ce qui fait l’essence de Victoria+Jean ou au contraire, que ça n’a pas toujours lieu d’être ?
Victoria : Ce qui est drôle c’est qu’à la base, on ne voulait presque pas mettre ça en avant. Ce sont surtout les gens qui ont retenu ça. A la fin on s’est dit : Pourquoi nier ? On est bien dans notre peau.
LVP : Donc ce n’était pas une volonté de départ…
Victoria : Non, c’est un « marketing product ».
Jean : L’Angleterre c’est quand même la naissance de la presse people. On essaye de connaître la couleur de ton téton etc…
LVP : La dernière fois que vous avez littéralement pris une claque en découvrant un nouveau groupe ou morceau en particulier ?
Jean : C’était un bassiste dans une boîte de nuit en Russie. Il m’a giflé.
Victoria : [Rires]
Jean : C’était un connard.
LVP : C’était un connard ou c’était toi le connard?
Jean : Ah ouais mais moi je suis un bon connard. Mon histoire c’est « Faites entrer l’enculé ».
LVP : Un groupe/album qui tourne chez vous et dont on ne se serait pas douté ?
Jean : My Bloody Valentine. J’ai un ami qui m’a demandé : « Mais qu’est-ce que t’écoutes cette merde? » Je lui ai répondu : « C’est toi la merde, déjà ». My Bloody Valentine, ça passe toujours.
Victoria : Sinon, le blues. Du bon vieux blues tu peux laisser passer toute la soirée, ça t’ennuie pas. D’ailleurs de plus en plus on écoute et on se dit, merde… Ça a été piqué !
LVP : Ça doit être difficile j’imagine en tant que groupe… On a tous nos influences, une sorte de bagage…
Jean : J’apprécie énormément les groupes qui respectent. Je vois souvent dans les interviews des groupes qui neutralisent l’essence de ce qu’ils sont. A la base, ce sont de piètres rockeurs qui ont besoin de justifier que sans l’histoire, ils auraient été eux-mêmes des rockeurs. Je suis très fier de la distance que l’on peut avoir entre l’initié et l’initiateur et j’ai la chance de me positionner aussi en tant qu’auditeur. Je fais de la musique pour ne pas bannir mes disques, ceux qui me font vibrer, sans m’obliger à me dire que je dois atteindre une forme, tu sais de… singerie.
Victoria : C’est notre manière de respecter aussi.
Jean : Je pleure les morts, vraiment.
Victoria : Il fallait le voir, pour Prince. On s’est marié sur Purple Rain…
LVP : Des envies, projets particuliers pour le futur?
Victoria : De rencontrer plus de fangirl comme toi ! (ndlr : en référence au fait qu’avant l’interview, je leur ai confié qu’au risque de passer pour une fangirl, j’adorais leur musique).
Jean : Rencontrer des gens comme toi, habités, avec une réelle envie. Je suis très heureux, si l’on doit s’adresser à quelqu’un… C’est nous qui te remercions.
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