Photo I ÉLOI aux Nuits Botanique 2024 par Melissa Fauve
Vendredi dernier, dix jours après son passage à l’Olympia, ELOI est venue présenter son nouvel EP sur la scène du Reflektor à Liège, oblitérant au passage tout ce qu’on pensait savoir de la teuf. It’s Blast summer bitches.
On l’avait vue pour la première fois sur scène aux Nuits Botanique 2024. Son premier album, Dernier Orage, avait moins d’un an et ÉLOI nous faisait déjà l’effet d’une étoile filante dans le ciel des jeunes artistes francophones à suivre absolument. Une boule de feu rock, techno, pop… au style insaisissable et singulier, dont le nouvel EP, Blast, sorti en février dernier, achève d’asseoir la suprématie. La DA annoncée ? « Nouvelle era hyper suintante, hyper queer, hyper forte, hyper cunt », prévenait la musicienne sur Instagram. Et qu’est-ce qu’on a sué.
La salle du Reflektor, à Liège, est petite. C’est pour ça qu’on a exceptionnellement quitté nos quartiers bruxellois ce vendredi soir, histoire de capter au plus près les beats étourdissants et l’énergie scénique électrique d’ÉLOI. La jeunesse grunge liégeoise est présente aussi, elle se réveille en sursaut au second morceau lorsque l’artiste, débarquée sur scène avec son groupe, composé de Mia Mongiello et Hugo Dupuis, entame Call Me, l’un des titres les plus mémorables (et ils sont nombreux) de Dernier Orage. “Prends-moi la main j’te fais des gosses“. La foule hurle son plaisir, ÉLOI est lancée, inarrêtable.
Elle le dira plus tard au cours du set, Blast est un album aux airs musclés, fait de marcels, de corps galbés et embrasé par tout ce qui se fait de queer dans ce bas monde, en trois mots : gayer than ever. Et dans tout ça, il parle de vulnérabilité. Bien mérité, premier single de l’album, renferme toute cette puissance. Sur scène, ÉLOI l’interprète avec ardeur, tandis que la foule lève les bras en un seul mouvement haltérophile puis mime un gun, scande “pull up” et “ça shoot” en un souffle. Parce qu’on gatekeep pas les bonnes choses, on vous joint le clip du morceau ci-bas (nous remettrons-nous un jour du léchage de biceps à 2 minutes 20 seconde ? Rien n’est moins sûr). Les bras du public foule à nouveau l’air humide sur Pyromane. Le thème c’est la rancœur et la rancœur c’est hot, t’as compris ? Majeurs tendus vers le ciel, les beats vont monter crescendo, promet – menace ? – l’artiste.
Et le mercure est monté. Ce concert fut la séance de défoulade la plus jouissive qu’on ait connue depuis longtemps. Les prods synthpop d’ÉLOI sont certaines des plus – si pas les plus – intéressantes du paysage musical actuel. Toutes appellent à la fête, au lâcher-prise avec une habileté de composition unique. De Dernier Orage, la musicienne joue aussi Aquarius et son refrain féérique, 200 km/h et sa cadence effrénée, ou encore Volcan, premier titre de l’album au gimmick électro exaltant. “Un public qui réagit comme ça à Volcan, tu sais que c’est un bon“, s’enthousiasme-t-elle. De fait, la foule est un amas de corps frétillants et infatigables. Si on trouvait déjà tout ça grandiose, les titres issus de Blast en remettent une couche et catapultent le set dans une arène drum and bass plus explosive que toutes les soirées boiler room à deux balles où on pourrait nous traîner (décidément, on a bien fait de quitter un peu Bruxelles).
En live, la ligne de guitare de Château/Fort est l’une des plus addictives qu’on ait entendue. Les basses haletantes, l’autotune strident de Playstation retournent la salle. What do you mean there’s more? ÉLOI fait mine de lancer un lasso d’un air entendu sur Rugir/Moteur et enjoint le public à faire de même, tandis que “la vie c’est un rodéo” résonne en boucle infinie. Au stand de merch, les marcels arborent fièrement une pole-danceuse et l’inscription “rodéo gay club”. Toute la salle se fait cowgirl dégoulinante de provocation ludique, celle que seul·es these gays maîtrisent. Une icône queer est née.
Passé minuit, fais rugir l’moteur
Fais battre mon cœur
Et toute la ville à mille à l’heure
Elle jouera aussi Metal/Kid, l’un de nos titres favoris de Blast au refrain synthpop naïf, mais aussi le génial La Tristesse/La Musique, toujours issu de ce nouvel EP, qui invite à une fête sans fin. Dans tout ça, on a pas mentionné l’évidence : l’artiste interprète en milieu de set son illustre reprise de jtm de ouf dans une version lente inattendue mais bienvenue. Tout le monde connaît par cœur et ça suffit. La musicienne incorpore aussi Mauvais Sang à son set, déterré de son premier EP, Acedia, sorti en 2020. Puis pour la toute toute fin, alors que la salle du Reflektor vrombit, Soleil Mort surgit – pour la deuxième fois de la soirée – comme une tornade. ÉLOI nous en offre une version survoltée, qui paraît ne jamais vouloir s’arrêter, se décline en un drop techno aigu qui fait tourner la tête. En conclusion, voir l’interprète de Soleil Mort en live, c’est pas se prendre une claque, mais plutôt un camion. On a plus qu’une chose à ajouter : ÉLOI, roule-nous dessus.
Imagine Mercredi Adams qui écoute Abba très fort dans son bain.