KasbaH : haro ! sur la « techno-couscous »
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Auteur·ice : Adriano Tiniscopa
01/06/2022

KasbaH : haro ! sur la « techno-couscous »

| Photo : Claire

KasbaH, « pour les Clash et la reprise de Rachid Taha », 34 ans, aka Nadir Moussaoui, est musicien, Dj et producteur et réside à La Briche à Saint-Denis (93), en banlieue parisienne. Il a lancé en 2020 un collectif de soirées électro avec le label Nowadays Records (Paris) compilées depuis dans deux volumes 12 titres Musique de fête Vol. 1 & Vol. 2 (2021). Avec Bachar Mar Khalifé, Kabylie Minogue, Deena Abdelwahed, le groupe Taxi Kebab, Bab, Retro Cassetta, Sofiane Saidi, Acid Arab, etc., certains partagent une double culture. Et le goût pour le dancefloor qu’ils électrisent de l’Europe au Maghreb à base de « techno et youyous ».

« KasbaH and friends » organisent « des fêtes orientées vers l’Orient mais pas spécifiquement orientales », explique le producteur et DJ. Des soirées « électro orientale » ou « oriental & arab grooves » ? Il y a de la « disco berbère », de l’acid, de la techno, de la musique arabe tradi, de « la raï and bass », etc. KasbaH préfère d’autant plus éviter d’employer le terme « électro orientale ». Un genre un peu fourre-tout à ses yeux qui résume et réduit les artistes à leurs ascendances parfois en les essentialisant. Une façon de dire qu’il vaut mieux laisser parler la musique plutôt que de s’attarder sur les papiers.

La Vague Parallèle : Comment a commencé le projet du collectif et l’idée des compilations « Musique de fête » ?

KasbaH : On s’est réunis en 2019 autour d’une table avec Trax Magazine qui consacrait son numéro d’octobre au Maghreb. On s’est dit que ce serait bien de faire des choses ensemble. On a voulu formaliser un peu le mouvement de cette scène qui résidait des deux côtés de la Méditerranée mais qui évoluait de façon séparée dans la musique électronique du Maghreb – Moyen-Orient. Puis il y a eu des soirées notamment de soutien à la Croix rouge libanaise et à la Kabylie au Cabaret sauvage à la Villette à Paris. Ces événements nous ont rassemblés. Depuis, on s’entraide pour faire émerger des artistes et on lutte contre la folklorisation.

LVP : Qu’entends-tu par « folklorisation » ?

K : Une fois à Saint-Ouen (93), pendant un de mes lives, j’ai entendu quelqu’un lancer : « il est où le côté oriental ? ». Alors que j’avais un DJ set breakbeat, techno et IDM du genre Aphex Twin, avec des touches orientales et que je chantais parfois en algérien. Cette fois-ci j’ai pété un plomb, j’ai arrêté la musique et j’ai dit en rigolant : « mais tu veux un couscous aussi ? ». Avec le recul, des styles comme la « cumbia » venue d’Amérique du Sud et qui a éclaté il y a au moins cinq ans en France est devenue de l’électro hybride qui a été exotisée, folklorisée. C’est vite devenu la caricature de son propre style. Tout le monde est parti dans son sens. Ça n’a peut-être pas été maîtrisé en termes de « communication collective ».

LVP : De quel genre faudrait-il parler pour être plus authentique ?

C’est plus précis de parler de « mouvement électronique du Maghreb-Moyen-Orient ». Mais c’est un peu chiant et long à dire. L’objectif du collectif, c’est de casser tout cet emballage global « électro orientale » pour s’affirmer dans des styles. On bosse des musiques traditionnelles pour les mettre à l’honneur. Quand on bosse le raï comme musique traditionnelle sur un support électronique, ce serait dommage de le perdre dans un style global.

C’est un peu comme la « world music ». C’est devenu un fourre-tout. Ce qui est de la musique traditionnelle se range dans « musique du monde ». Je pense au groupe Tinariwen, du Sud de l’Algérie, qui se vend au rayon « world music » alors que c’est de la musique traditionnelle. C’est hyper occidento-centré : si ça ne vient pas d’Europe, ni des États-Unis, c’est de la « world music ». Dans un sens, avec « KasbaH and friends » on fait un peu de la « world » : de la musique globale, internationale, dans laquelle il n’y a pas de frontières. Mon style ce serait de l’électronique traditionnelle sinon. On pourrait même inventer  « traditronique ». C’est marrant comme mot (rires).

LVP : Peux-tu revenir un instant sur les débuts de la mal nommée « musique électronique orientale » ?

La musique électronique est arrivée au Maghreb et au Moyen-Orient il y a 30-40 ans. Malik Adouane et Rachid Baba Ahmed sont les précurseurs là-bas du mélange entre la musique électro et les musiques du Maghreb-Moyen-Orient. C’est à ce moment qu’est apparue la House raï et l’Acid raï. Et le raï est justement né des prémices du mélange entre machines électroniques et musique traditionnelle. Le raï tel qu’on l’a connu en France, c’est Rachid Taha, Sheb Hasni, la phase des Cheb et Cheba. L’idée c’était de reprendre ce que faisait Cheikah Rimitti dans une boîte à rythmes et sur un synthé faute de pouvoir avoir l’orchestre de cabaret. C’est parti de ça le raï.

 

LVP : Sinon, comment ça se passe avec le label Nowadays Records ?

K : Avec le projet « Musiques de fête », dans l’idée, je suis à la direction artistique et eux dans la production et l’organisation. On veut proposer la vision d’artistes DJ de la « musique de teuf ». On s’en fout que ce soit « oriental ». L’idée c’est surtout de faire des liens entre générations. C’est plus un projet orienté vers le Maghreb et l’Orient que des soirées spécialement orientales. Il y a des artistes qui viennent de l’Hexagone mais aussi du Maghreb et du Moyen-Orient. Dans nos DJ sets, il peut y avoir des musiques très techno mais aussi des morceaux chantés en arabe avec une mélodie purement orientale. Je pense que si c’est choisi et maîtrisé, ce n’est pas de l’exotisme dans ce cas. On met à l’honneur une partie de notre culture. Et avec le collectif, on dit aussi qu’il ne faut pas s’attendre à ce qu’il n’y ait que ça.

Pour terminer, est-ce que tu as 3 sons du moment ?

Ouais ! J’écoute beaucoup Bicep en ce moment. Taxi Kebab me mettent des claques monumentales à chaque concert. Et Ammar 808, il faut absolument écouter.

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