Un oreiller en plumes. C’est exactement ce qui définit le deuxième EP tant attendu de Feng Suave, sorti ce 26 juin. Trois ans de maturation pour ce projet qui paraît plus réfléchi, plus cohérent et plus visuel. On peut dire que l’attente en valait la peine puisque cet EP les propulse dans l’univers charmant des crooners contemporains qui nous touchent aussi vite qu’on en croise le chemin. Le duo hollandais (Daniel De Jong et Daniel Leonard Elvis) a tous les ingrédients pour faire de grandes choses. Alors asseyez-vous, relaxez-vous et laissez-vous porter par Warping Youth.
Si vous entendez des extraits de leur premier EP éponyme dans le café près chez vous, peut-être ne reconnaissez-vous pas encore Feng Suave (comprenez ‘Smooth Wind’). On en devinait déjà des influences soul placées habilement sur une musique pop concoctée pour être douce, suave même, à l’oreille. Ce projet, bien que très similaire à d’autres sortis en 2017, avait suscité beaucoup d’intrigue auprès du public. Le morceau Sink into the Floor apparaît alors comme le précurseur de Warping Youth. Un groove maîtrisé pour être fondu par les voix de Daniel et Daniel, dont les noms et les tessitures ont tendance à se confondre aisément. Les producteurs/compositeurs nous viennent tout droit d’Amsterdam avec énormément d’humour, et on le devine par un seul tour sur leur site web. De quoi appréhender instantanément leurs esprits, et ça les rend d’autant plus attachants. C’est alors que les visuels des singles de l’EP rassemblent à la fois cet humour décalé et cette douce poésie qu’on retrouve dans leur musique. Warping Youth, cette ‘déformation de la jeunesse’ qui prend tout son sens sur la cover de l’album. Si on revient un peu sur la musique qui est produite sur cet EP, on peut en dire que c’est la vraie boîte de Pandore de nos sentiments.
Commençons par Half-Moon Bag, la pépite de cet album. Un rythme tamisé et une mélancolie dynamisée qui sonnent comme un appel à apprivoiser nos émotions et à nous rassurer, au moyen de la subtilité de sa production. Alors que la chanson commence gentiment et sereinement, elle se termine de façon plus anxiogène, avant de se faner pour laisser place à qui de droit. Toking, Dozing, le premier single surprise qui annonçait l’EP et dont le clip se procurait de faux bébés sous une production enfantine par moments, lui donnant un coté estival et léger. Petit revirement tout de même, sous un signe apocalyptique porté par les paroles : “We were never quite at home in Paradise”. Transmission d’une délicatesse incomparable grâce à Maybe Another Time, qui fait partie des titres les plus marquants de ce projet. Chant en demi-sourire, chœurs et tempo nous emmènent directement sur les chansons des crooners de l’époque. Du romantisme à l’état pur : “I wonder if you woke in someone’s arms, and if you’d ever consider mine” comme dernière phrase, dont l’efficacité n’est pas à prouver.
Les trois derniers singles se font plus discrets mais gardent leur part de lumière bien méritée. L’EP se finit sur Day One, une chanson plus acoustique, à l’image de Noche Oscura, issue de leur premier projet. Elle déconcerte en se transformant à mi-chemin en un instrumental de rock psychédélique intense et cataclysmique et finit en douceur, avec un guitare-voix qui respire l’apaisement. Loin d’être ennuyeuse, la musique aérienne de Feng Suave nous véhicule un souffle émotionnel évident et, en même temps, se charge du groove nécessaire pour donner le sourire. Il est presque impossible de ne pas tomber sous le charme du duo, encore plus à la vue des quelques intenses sessions live disponibles sur YouTube. Leur son nous prend par la main et nous mène vers la chaleur du soleil, un endroit dans lequel on sait que tout ira bien. À l’image d’une personne rassurante et drôle, un esprit un peu fou qui caresse la joue de quiconque ose écouter. Alors, encore une fois : asseyez-vous, relaxez-vous et laissez-vous porter par Warping Youth.
Mes articles sont plus longs qu’un solo de jazz.
