La messe envoûtante de Sylvie Kreusch à la Boule Noire
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Auteur·ice : Joséphine Petit
21/03/2022

La messe envoûtante de Sylvie Kreusch à la Boule Noire

En novembre dernier, Sylvie Kreusch nous offrait Montbray, un disque à l’élégance somptueuse avec lequel traverser l’hiver fut un jeu d’enfant. Nous apprenions alors que sa tournée faisait étape à Paris quelques mois plus tard. Balthazar venait de remplir un Olympia et la capitale française avait dû faire une croix sur une ouverture signée par la muse de Marteen Devoldere. Pour rien au monde nous n’aurions répondu absents à la Boule Noire, le 23 février dernier, pour la messe hypnotisante qui nous a été donné de vivre.

On aurait pu attraper l’impatience à mains nues en attendant dans le noir, et on retient notre souffle lorsqu’elle entre en scène, magistrale. Les mots s’éteignent, les mains applaudissent, mais ce sont les yeux qui parlent : tous la fixent, et aucun ne saurait tourner le regard. En ouverture à la scène comme en studio, les premières notes de Falling High résonnent et l’on sent déjà que le moment que l’on va vivre sera privilégié. Sylvie Kreusch, maestro incroyablement fascinante, donne le tempo à suivre et les corps acquiescent tandis que les hanches balancent.

 

Navigant d’un sauvage Seedy Tricks jusqu’aux vagues de Wild Love, l’artiste évolue d’une incarnation animale aux cris du cœur et mouvements désarticulés jusqu’à la grâce envoûtante de la porcelaine, toujours conjuguées par une sensualité sans pareille. Il ne faudra pas s’y tromper : si Sylvie est accompagnée sur scène (on retiendra particulièrement le charme des chœurs, des congas et autres percussions faites maison, notamment sur le brûlant Shangri-La), elle seule prend la lumière tel un miroir appelant le moindre reflet du soleil. Captivante, elle occupe l’espace, tant au sol qu’aérien, jusqu’à nous apparaître toujours plus grande à chaque morceau.

On se réjouit de retrouver quelques anciennes pépites, dans la course effrénée que nous livrent l’un après l’autre Flaunt It, Try It!, Just A Touch Away et Please To Devon. Les titres emportent au cœur d’une jungle humide où les chevilles swinguent et les bras suivent. Les visages décollent et la Boule Noire n’est plus : Sylvie Kreusch a porté le public dans son monde lorsque Belle, en doux interlude, repose sa voix au cœur de l’image. Elle nous parle, on l’écoute. La tension diminue tandis que la température ne fait qu’augmenter, jusqu’à concentrer l’intensité dans la poésie des harmonies vocales de Haunting Melody.

C’est alors que la nuit est prête pour accueillir la beauté délicate de Walk Walk, repris en chœur par la salle, tandis que l’artiste s’élance les bras en l’air, en cheffe d’orchestre de son public. Elle finira par revenir ralentir le rythme sous les applaudissements et bercer la foule avec Who Will Fall (Here Into My Arms), pour ensuite mieux redonner le goût à la fureur de vivre avec un grandiose Let It All Burn.

Ce n’est alors plus un secret : la prêtresse opère sa magie dans les vagues d’intensité qu’elle nous délivre à son bon vouloir, tour à tour écrasantes ou enveloppantes. Sylvie Kreusch a chanté, la messe est donnée. On rentrera ce soir-là un peu hébétés et le pas traînant, avec l’envie d’y être encore, et la certitude d’avoir croisé la route d’une grande dame à l’aura éblouissante.

© Alice Sevilla

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