Le rock’n’roll tu ne tueras point
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Auteur·ice : Claudia Pouly
16/11/2015

Le rock’n’roll tu ne tueras point

J’espère ne commettre aucune maladresse à l’encontre des principales victimes de ce drame. J’avais besoin d’écrire ce billet pour soulager mon accablement et mon amertume.

A toi, qui n’a pas peur de la mort, non tu n’as pas peur parce qu’en réalité, tu ne sais même pas ce qu’est la vie. Tu ne connais pas sa valeur, tu ne connais pas la liberté, l’égalité, le partage, la sublime légèreté d’un moment d’égarement, de laisser-aller, loin des dogmes religieux, politiques, sociaux. Crois-tu réellement que ton dieu est bon, que ton fanatisme est libérateur, lorsqu’il transforme en cadavres les corps exaltés d’êtres innocents ? Ton dieu n’est ni Allah, ni Satan, ni personne, ton dieu est l’ignorance. L’ignorance de l’humanité, le déni de la vie.

Oui bravo, tu m’as fait du mal, à moi jeune femme de vingt-deux ans « pervertie » jusqu’aux os, célébrant la créativité et les mots insoumis, l’ivresse, la sueur, le plaisir et avec tout cela l’insouciance qui poétise le caractère éphémère de notre -non pas misérable- mais digne existence… Tu m’as fait du mal, à moi française (et c’est bien la première fois que je le revendique) dont la raison d’exister n’est autre que la musique, le rock bordel, oui le rock et son impertinence, son audace intemporelles, que jamais -oh non jamais- tu ne pourras abattre.

Tu souris, tu jubiles, mais vois-tu comme nous n’avons besoin ni d’aveugles croyances ni d’ennemis pour être heureux ? Notre paradis, à nous, il est tout de suite, maintenant, sur terre. Notre paradis, c’est une parenthèse où l’on se rassemble pour quelques riffs de guitare, un match de foot ou un verre entre amis.

Tu peux tous nous tuer, tu ne gagneras pas. Parce que tu t’es déjà perdu toi-même, en méprisant la vie. Oui, tu m’as fait du mal, tu as fait du mal à la ville de mon cœur, à ma communauté, ces hommes du rock’n’roll et du spectacle, certes, mais plus largement ces férus du divertissement et de la passion.

Aujourd’hui on est beaucoup à prendre notre plume, qu’elle soit subtile ou malavisée, avertie ou novice, car Paris, mais aussi tout le reste du monde qui -contrairement à toi- n’est pas esclave d’un idéal barbare, a de l’esprit, du désir, parfois du talent et malgré tout, encore de l’espoir. Au cœur de la tragédie, notre arme n’est ni violence ni terreur mais, comme il est si bon de constater, solidarité et expression. Aujourd’hui, non pas plus pour te faire un doigt d’honneur que pour rendre hommage à la vie, je n’ai qu’une réponse, celle de vouloir enregistrer des chansons, monter sur scène, jouer le plus fort possible et continuer plus que jamais de crier l’importance de rester maître de ses pensées, de sa volonté, de ses actions. Non, je ne laisserai pas mon libre-arbitre sur le banc de l’oppression.

Ta force, c’est de ne pas avoir peur, mais sache que tu ne nous as pas vaincus, parce qu’après avoir pleuré, ensemble, on chantera et on rira à nouveau. Personne ne nous empêchera de construire nos propres identités, de sortir, d’assister à des concerts, de forniquer impunément les uns avec les autres, en somme de faire ce qu’on veut et d’en être fiers. Oui, tu l’as compris, nous fêterons encore et encore la « perversité ».

Tu sais ouvrir le feu sur nous, mais notre flamme, tu ne pourras jamais l’éteindre.

Claudia

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