Les pieds dans l’eau, la tête dans les étoiles
"
Auteur·ice : Victor Houillon
05/09/2021

Les pieds dans l’eau, la tête dans les étoiles

Il y a des fois où tout semble s’imbriquer de manière idéale, comme par miracle. Alors qu’on profitait de vacances (bien méritées, cela reste à voir) sur la Côte d’Azur, on découvrait au hasard d’un scroll Instagram que Sébastien Tellier et David Numwami seraient en concert intimiste sur la plage de Nice le lendemain. Deux artistes dont les hits respectifs s’intitulent L’amour et la violence et Le fisc de l’amour à l’Hôtel Amour, la coïncidence était trop belle pour l’ignorer.

Les pieds dans l’eau

Avant celui que tout le monde semble attendre de pied ferme, David Numwami s’élance face à l’audience. Oscillant entre sensibilité et décalage tel un funambule, le personnage loufoque amadoue peu à peu le public (alors) timide. De notre côté, on ne boude pas le plaisir d’enfin voir celui qui truste nos playlists estivales dans un live à son image, après un piano-voix au festival Qui Va Piano Va Sano en forme de teaser. Et très vite, le duo qu’il forme avec Clément Marion ravit le cœur des Niçois. Ne soyez pas dupes, sous leurs airs de chansonniers, ces deux-là sont diablement doués, une évidence qui transparaît au travers d’un solo de guitare ou de nappes de synthés.

 

Ceci dit, un show de David Numwami, c’est bien plus que de la simple musique. On le savait adepte des balades au milieu du public lorsqu’il n’est pas embarrassé par sa guitare. Rafraîchissant dans tous les sens du terme, le chanteur belge profite de la scénographie particulière pour conclure ses déambulations et son set par un plongeon dans la Méditerranée devant les yeux ébahis et les bouches bées de l’Hôtel Amour. Si son projet solo n’en est encore qu’à ses débuts, force est de constater que ces années à parcourir le monde de tournées en tournées rejaillissent déjà d’une chouette manière.

David Numwami, baignade en plein concert

 

La tête dans les étoiles

À peine le temps de se sécher que le brave David doit réinvestir la minimaliste scène installée sur la plage. Et pour cause, le concert de notre dandy préféré Sébastien Tellier démarre, et il y officiera aux synthés, aux chœurs et à la guitare, rejoint par Louis Delorme à la batterie et Corentin Nit, producteur de Domesticated, aux synthés et à la basse. Pendant l’entracte, la douce fin d’après-midi a laissé place à une nuit fiévreuse et la foule se fait clairement plus compacte. La Promenade des Anglais sert désormais de balcon, offrant une vue imprenable aux passants.

 

Comme pour marquer ce changement d’ambiance, les quatre lascars attaquent sans coup férir par Sexual Sportswear, certainement une des compositions les plus entraînantes de l’homme aux lunettes Chanel. S’ensuivent des chansons tirées de son dernier album, mais aussi et surtout des raretés telles que Ricky l’Adolescent. Visiblement d’excellente humeur, Sébastien Tellier alterne entre moments euphoriques et instants touchants au rythme des Gin Tonic devant une foule aux anges. Ne tournons pas autour du pot : c’est un excellent concert, (littéralement) le jour et la nuit comparé à celui de La Magnifique Society en juin dernier. Mi-virtuose, mi-humoriste, le chanteur s’amuse et amuse entre quelques tournées commandées au micro.

Au milieu du set, dans son habit de lumière à sequins, il prouve une nouvelle fois pourquoi il est une référence. Après tout, c’est peut-être bien la seule personne en France qui puisse enchaîner quelques minutes de one man show puis une musique aussi délicate que La Ritournelle avec une aisance déconcertante, pour finir sur le fantasmagorique et disco Cochonville.

 

À la batterie, Louis est un monstre. Qu’il soit brutal (Domestic Tasks) ou soyeux (La Ritournelle), il fait onduler le public comme par enchantement. À vrai dire, avec Corentin Nit aux manettes et David Numwami en homme à tout faire, c’est un quatuor d’exception qui orne de sourires les visages niçois. Des sourires d’ailleurs bien visibles sur scène, entre rires et embrassades.

Après un dernier grand écart conjuguant L’amour et la violence et la reprise du destructeur Stunt par Mr Oizo avec solo de guitare par Sébastien himself, il est temps pour les quatre zouaves de sortir de scène. Pas si vite : sous les réclamations d’une foule qui ne souhaite pas redescendre d’entre les étoiles, le groupe reviendra un peu perdu, ne sachant quoi jouer. Une voix au milieu d’autres suggère La Dolce Vita, hommage à Christophe que Sébastien Tellier a pris l’habitude de parfois reprendre. Avec Corentin Nit cette fois-ci au piano, le crooner conclut ainsi une heure et quart exceptionnelle de la plus belle des manières : un instant d’émotion en toute simplicité, un chant partagé entre la scène et la fosse, pour une des plus grandes chansons françaises.

https://www.youtube.com/watch?v=u8vNHq6RMDg&ab_channel=ARTEConcert

 

Il est alors temps de se retourner face à la mer et de contempler, hébété, le sombre bleu, pour tenter, un peu en vain, de reprendre ses esprits et se reconnecter à la réalité. On se rappelle ainsi de ce que peut provoquer la musique lorsqu’elle est dans sa forme la plus légère, instantanée, éphémère. Merci aux cinq artistes qui se sont succédé ce soir pour emporter nos esprits.

Sébastien Tellier, silhouette et volutes 

 

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@