Coup de projecteur aujourd’hui sur un duo excitant qui nous attire, nous intrigue et nous intéresse, qui nous donne envie de danser joyeusement en buvant des pintes à plusieurs, mais tout en gardant notre côté politico-féministo-punk bien pensé et assumé. Leur CD Godzilla 3000 sort ce vendredi 25 octobre sur Atypeek Music, et on avait envie d’en savoir plus sur leur démarche artistique qui s’avère loin d’être typique, tant mieux, on aime, on adore, et on en redemande. Place aux Vulves assassines.
LVP : Vous débarquez d’où comme ça ? Comment vous êtes-vous rencontrées ? Comment s’est formé ce beau duo ?
DJ CONANT : Ce beau duo s’est rencontré il y a maintenant bientôt 10 ans. On bossait alors dans une boite de comm’ dont on préfère préserver l’anonymat. On était à ce moment-là sur une campagne électorale pour le Parti communiste, ce qui faisait la joie de nos parents communistes. MC Vieillard m’intimidait beaucoup et moi je ne lui inspirais que du mépris à cause de ma coupe de cheveux. Un jour, je lui ai proposé d’aller boire un verre, nous avons parlé clitoris : notre amitié était née.
MC VIEILLARD : Après, pour le groupe, c’était plutôt un accident d’ordre éthylique. On avait du temps à tuer, quelques pastis dans le nez, on a découvert un logiciel de son, et on a composé ces quelques lignes : « Derrick nazi, Derrick nazi, Derrick était un nazi, Derrick était un nazi ». Le lendemain en écoutant le résultat on s’est dit qu’on se devait de faire découvrir ça au Monde. Ce qu’on a fait. On ne débarque pas de la musique savante, donc ça nous a pris du temps mais ça donne du caractère à l’ensemble.
DJ CONANT : Mais en fait on n’est pas un duo, il y a aussi Samy qui est arrivée dans le groupe il y a un an. C’est une guitariste hors pair mais elle joue beaucoup trop fort et depuis qu’on la connaît on a de nombreux acouphènes.
Et pour tout te dire il y a même une paire de testicules dans le groupe : Gaga, notre fidèle ingénieur du bruit, il nous suit sur toutes nos dates. C’est aussi lui qui a mixé notre album Godzilla 3000. Il est à nos côtés depuis le début du projet et on a vraiment pas à s’en plaindre : pas de mansplaining ni rien de ces trucs anglais dont on ne connaît pas la signification exacte.
LVP : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre processus créatif ? Quand on écoute vos morceaux, au-delà des paroles percutantes, on apprécie beaucoup la musique qui semble bien travaillée. Dans les VA, qui fait quoi (écriture, musique, etc) et comment ?
MCV : DJ Conant fait une base son dans son coin dans un premier temps. Après on trouve un titre. Puis on va chez notre copain Alexis à Pemberton Cottage, dans la banlieue chic de Londres. Ça nous permet de vraiment se sentir rock star, et surtout Alexis a du matos pour enregistrer au propre et il est de bon conseil. Avec notre base musicale et notre titre de chanson, on se rend au pub, le Royal Oak, et c’est dans cette ambiance british à souhait qu’on trouve l’inspiration pour le reste des paroles. Souvent il suffit d’une ou deux pintes pour écrire un premier jet : il faut ensuite retourner au studio pour enregistrer et tester l’ensemble, corriger la musique et tout. En général, ça nécessite un deuxième voir un troisième passage au Royal Oak pour fignoler l’ensemble. Depuis peu, ça passe ensuite chez Samy qui ajoute de la guitare (elle gueule qu’il n’y a pas la place pour sa guitare, donc on fait en sorte de lui faire de la place). Et enfin ça passe sous la mixette de Gaga.
Et pour le reste, les slips et la sérigraphie, c’est moi qui fais ça au travail, l’Internet c’est DJ Conant, et les clips on fait ça en famille avec Gaga, Samy, les vulvons et même nos parents. C’est du « fais-le toi-même » comme on dit.
DJC : Oui on aime bien tout ça, mais nous on était fan de La Mano negra à la base, c’est à eux qu’on voulait ressembler. C’est raté.
LVP : (Rires) pourquoi La Mano Negra ? Allez j’ai envie de vous faire cracher, si vous deviez partager l’affiche avec deux projets musicaux actuels demain, quels seraient-ils et pourquoi ?
MCV : La Mano c’est la fête, le politique, le punk et l’amitié, je ne vois pas d’autre groupe qui regroupe tout ça…
Pour partager la tête d’affiche, moi j’aimerais Anvil ! C’est un vieux groupe de rock qui gratte, deux vieux potes qui s’acharnent à devenir rock stars depuis des décennies contre l’avis de tous. Il y a eu un super documentaire sur eux, et je nous reconnais pas mal dans leur démarche. En plus le guitariste ressemble vraiment à Conant ! (Le caractère, hein, pas la tronche).
Et le deuxième groupe, je vais répondre bêtement Sexy Sushi mais elle ne voudra jamais et puis tout le monde attendait cette réponse, c’est gênant. Alors je ne sais pas, peut-être Philippe Katerine, mais là encore je ne suis pas sûre qu’il soit d’accord.
LVP : La Musique, avec un grand M, elle rime avec quoi pour vous ? Elle représente quoi dans vos vies ?
MCV : Moi, perso, j’adore la musique en concert ou pour faire des danses (surtout en rondes) en soirée ou pour faire des karaokés, mais ça ne va pas beaucoup plus loin. Je n’ai pas réussi le passage de la musique physique à la musique numérique, je ne sais pas où chercher, ça m’emmerde. Je pourrais continuer à aller chercher des CD à la médiathèque mais malheureusement il n’y a plus de lecteurs CD nulle part. Alors je me laisse porter par ce que les autres m’imposent et ça me va très bien comme ça.
DJC : Par contre moi ça m’a fait complètement vriller, ce passage au numérique. Je n’arrive plus à écouter autre chose qu’Aya Nakamura, PNL et Koba LaD. Le plus dur, c’est le regard des autres.
LVP : Justement, comment doit-on comprendre le fait que vous insistiez beaucoup sur la forme physique de votre dernière œuvre (format CD) ? Et est-ce-que la nostalgie vous gagne dans d’autres domaines ?
DJC : On essaie de l’être le moins possible pour éviter d’avoir l’air de vieilles réacs avant l’heure, mais ce n’est pas si facile. S’il faut être honnête, j’ai personnellement un petit regret pour l’époque du plastique-roi et de l’insouciance climatique, des questions sans réponses, du journal au format papier ou des belles journées de printemps à passer le tracteur-tondeuse sur les genoux de mon papi.
LVP : Que va-t-on pouvoir découvrir dans votre nouveau CD qui sort demain ?
MCV : À la première écoute, on pourrait nous prendre pour des marioles, mais si on écoute bien on aborde les sujets importants. Par exemple, le morceau Un oiseau au Paradis, si on l’écoute à la légère on dirait Françoise Hardy qui ferait de la dubstep, alors qu’en fait c’est un morceau pro-avortement. Parfois, on se laisse plutôt porter par les belles sonorités et autres allitérations (« J’ai des gros muscles, t’as des mollusques », par exemple). C’est pour ça qu’on a inclus un livret avec des paroles, pour pouvoir décortiquer nos textes qui sont loin d’être cons et qui seront un jour, on l’espère, objets d’analyses de texte au bac français.
LVP : Ça me permet de vous poser une question plus large, dépassant le cadre de la musique puisque cela semble faire partie de votre démarche : de votre point de vue, comment va la France en ce 24 octobre 2019 ?
DJC : Franchement, ça aurait été cool de pouvoir être un groupe de rock des 30 Glorieuses. Là ce n’est pas toujours simple de trouver des sujets drôles à traiter dans nos chansons. Alors on trouve des sujets pas drôles qu’on essaie de traiter avec humour. Et des fois ce n’est pas possible non plus : certains sujets ne sont tellement pas drôles qu’on n’a même pas envie d’en rire. C’est pour ça que vous n’avez pas encore entendu de chanson des Vulves assassines sur l’accueil des exilés ou le revival de l’extrême droite. On se sent un peu démuni sur certains thèmes… Merde c’est ta question sur la nostalgie, ça m’a mis le moral dans les chaussettes.
En tout cas, à chaque problème sa solution. Sauver le monde, c’est une des missions qu’on s’est fixées (avec faire un magazine hebdomadaire qui s’appellerait L’Hebdromadaire), donc tu peux compter sur nous, on y bosse sérieusement.
LVP : Et sur scène, à quoi doit-on s’attendre ? Comment envisagez-vous votre show ? Quelles sont les prochaines dates et comment elles se sont mises en place ?
DJC : On fait notre maximum pour offrir à notre public un véritable show à l’américaine. Sur scène nous sommes accompagnées de nos vulvons, des danseurs en slip qui donnent à imaginer l’homme du futur. C’est autant un spectacle sonore que visuel. Et pour couronner le tout, MC Vieillard déclenche des effets pyrotechniques avec une petite télécommande. C’est très impressionnant à voir. En général notre public est content.
MCV : La prochaine date, ce sera le 16 novembre au Landy Sauvage à Saint-Denis, pour la Bike Wars. Jusqu’ici on joue principalement dans le réseau militant, chez les gauchos, les féministes et les LGBTQR+, dans tout un tas d’endroits merveilleux où on refait le monde dans la joie, mais où par contre il n’y a pas beaucoup de thunes. On essaye donc de faire de l’œil aux salles parisiennes plus en place pour mettre un peu de beurre dans nos épinards, mais pour l’instant elles sont plutôt farouches.
https://youtu.be/wd-5tfWCMI8
Activiste du monde des musiques alternatives.