Lubiana s’empare de nos souvenirs dans son premier EP
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
24/04/2020

Lubiana s’empare de nos souvenirs dans son premier EP

La soul moderne a un nom et un visage : celui de Lubiana. Un peu à la façon d’une messagère, elle nous envoûte avec un premier EP ce vendredi 24 avril. Self Love avait déjà suscité la curiosité à propos de l’artiste, avec un clip hautement esthétique. Mais cet EP dévoile et alimente le mystère par la même occasion. Une déesse belgo-camerounaise qui ne descend jamais de son humble trône sans sa harpe, une femme aux multiples talents, simple et puissante.

Si Lubiana s’est essayée à de nombreux instruments avant ça, c’est la kora qui a finalement gagné son cœur. Cette harpe africaine qui lui est apparue dans un rêve, comme pour venir la chercher et combiner leurs deux univers. Le jazz et la soul, liés par la spiritualité de la kora, traditionnellement un instrument masculin. Une voix aussi douce que fragile, puissante que cassée, prêtée par la jeune artiste le temps de quelques chansons. Self Love se place comme l’hymne à la bienveillance qu’il nous fallait. Dans une société où les injonctions sur le corps des femmes ne cessent d’apparaître, nous avons droit à quatre minutes de répit grâce à Lubiana. Une chanson qui se construit si élégamment que lorsqu’elle nous prend par les tripes, on ne s’en rend presque pas compte. Déception quand le morceau se termine, drones et fredonnements de l’artiste comme seule consolation. “Self love is so hard to find, when you only see yourself from their eyes”. Juste et profond.

C’est alors que nos deux morceaux coups de cœur entrent en jeu. Le sentiment est tout autre à l’écoute de I Think ‘Bout You. C’est la sincérité des cœurs brisés qui nous parle maintenant. La douce voix soul s’accompagne d’une production plus rythmée, grâce à une ligne de basse qui complète le côté électro du morceau. La harpe est remplacée par le piano et le violon, mais Lubiana ne perd en rien son identité. Il est difficile de ne pas devenir émotif pendant que l’artiste va chercher aux fins fonds de notre mémoire notre tristesse post-rupture(s). La harpe nous revient dans My Man Is Gone, pour peindre le plus triste des tableaux, une ballade délicate qui fait appel à notre imagination. Une impression d’être porté par une barque à la dérive, dans un paysage brumeux dont la dominante verte rappelle la douleur qui anime les paroles. La déchirure du départ se ressent jusque dans le chant. Cette chanson a l’âme d’un millénaire, et pourtant elle reste intemporelle.

Lubiana a la voix de nos épreuves, elle nous fait passer par tous nos sentiments enfuis, et même par l’envie de danser – comme sur Feeling Low, qui est la chanson la plus accessible de l’EP. La petite surprise, c’est la reprise du légendaire Let It Be à la kora. L’autrice/compositrice s’accompagne à la production de Om’Mas Keith (Frank Ocean, Erykah Badu, Kanye West et Jay-Z) et d’autres figures américaines. Le rendu se colore de délicatesse et spiritualité. Beaucoup d’artistes nous offrent la beauté de leur musique, mais rarement est-elle aussi singulière que celle de Lubiana. Le don de parler de la peine et de la rendre harmonieuse. Après l’écoute de cet EP, on ne se sent plus triste, on se sent grandi·es. C’est un réel chemin que l’on fait à ses côtés.


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