“Est-ce que c’est assez ?” Voilà le genre de constat vertigineux qui s’impose dans la vie de tout un chacun. L’heure cruciale de déposer le bilan, d’analyser le passé, le présent, et d’esquisser le futur. La crise existentielle qui peut tout aussi bien cristalliser le statu quo que provoquer la fameuse tabula rasa. Pour les membres de Magenta, ce fut la deuxième option qui leur est tombée dessus, sans crier gare. Une urgence artistique et créative de faire ensemble de la musique « qui danse et qui pense ». Dissociez donc le collectif parisien de ses (brillants) antécédents et laissez-lui une chance de vous conquérir une nouvelle fois, sous un nouveau jour, dans des chatoiements incandescents d’électronique vibrante.
Sous ce nom mystérieux se cache une double lecture intéressante, reflet de l’intention artistique d’un projet inattendu que les Parisiens ne pouvaient plus garder pour eux plus longtemps. Magenta, c’est d’abord le nom d’un boulevard parisien où les premières notes électrisées de cette musicalité nouvelle verront le jour en 2015. Choisir le nom de la localisation de leurs premières expérimentations, c’était aussi une façon pour la tribu d’exprimer la spontanéité de ce prochain chapitre, l’authenticité de ce virage à 180°. Une façon pour eux d’abandonner l’intellectualisation trop intense de leur univers, au profit d’une simplicité captivante. Sans pour autant se dévoiler davantage que par le passé, le boys band s’assume pleinement en tant que quatuor déterminé à rendre hommage aux sonorités de leur adolescence, au cœur de la vague French touch des années 90-2000. Une ambiance qui se fond dans chacune des œuvres de l’EP, subtilement sur certaines et de façon plus évidente sur d’autres, à l’image du survolté Chance, partagé avec la sulfureuse Vendredi Sur Mer.
Parce que si le véhicule a changé, l’équipe dans l’habitacle c’est une partie du CORPS : on sait d’où on vient, et on n’oublie rien. Les mots sont désormais au service de l’instru, et plus l’inverse… Mais au fond le besoin lui aussi est identique : expulser pour faire de ce projet une nouvelle béquille / lanterne / bouclier.
La deuxième interprétation de ce nom de scène, c’est l’allégorie évidente de la couleur magenta acidulée. Un rose plus mûr et acide qui vient symboliser la vivacité de cette nouvelle identité sonore, inspirée autant par l’effervescence d’une électro vintage et franche à la Stardust ou Daft Punk que par la modernité céleste contemporaine de The Blaze. Un condensé intergénérationnel du meilleur de l’électro française couplé à le verve textuelle d’un groupe à la plume aiguisée. Mais alors qu’ils nous avaient habitués à une prééminence claire du texte sur la musique, c’est ici l’inverse qui fait la beauté de ces cinq morceaux. Cinq cris du coeur mais surtout du corps qui invitent à s’affranchir de ses vieux démons (sentiment de décalage par rapport à la marche du Monde, peur de l’avenir et de soi-même, fatigue “d’exister” parfois, et bien d’autres) qui se retrouvent exorcisés sur la piste de danse effrénée d’un Tom Tom Club ou sur les vaporeuses lignes en ritournelle saveur rumba du début d’Intimité.
Long Feu marque la renaissance d’un des emblèmes de la musique francophone de la dernière décennie, nouvellement nommé Magenta, pour nous prouver que le changement, il n’y a que ça de bon. En s’appropriant les codes d’une électro sophistiquée des années 90, les quatre comparses parviennent à nous délivrer la plus belle promesse d’electro-slam (bien sûr que ça existe !) et reviennent mettre leur avant-gardisme déroutant au service d’une musique irrésistible. La suite des aventures de Magenta est déjà prête et devrait pointer le bout de son nez dans le courant de l’année. Jusqu’ici, pour ce premier aperçu généreux, on leur dit merci les kheys et on s’assomme à coup de kick, de tom, tom, tom, torom (avec modération, bien sûr).
Caméléon musical aux allures de mafieux sicilien.
