Metronomy : « Nous grandissons avec élégance ! »
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Auteur·ice : Adrien Amiot
18/02/2022

Metronomy : « Nous grandissons avec élégance ! »

Dire qu’on aime Metronomy serait un doux euphémisme. Fort d’une carrière longue de plus de deux décennies, le groupe anglais n’a commis quasi aucune erreur sur son chemin. Parmi ses coups d’éclat, on pense évidemment à la fusée The English Riviera, à l’ambitieux Nights Out ou au somptueux Love Letters. Impossible d’évoquer la pop UK d’aujourd’hui sans mentionner Joseph Mount, producteur, chanteur et fondateur du groupe, dont l’inventivité et la poésie ont influencé une génération entière d’artistes. Alors que le band publie son septième disque studio – par ailleurs une merveille d’écriture -, Mount nous a accordé un entretien précieux, sincère et direct. 


 

(traduit de l’anglais) La Vague Parallèle : En écoutant ton nouvel album, on note un son plus intime, moins spectaculaire. On a l’impression que tu te concentres sur le songwriting. Es-tu d’accord avec ce constat ?

Metronomy : Oui, je suis d’accord ! Je voulais faire un disque avec des chansons ‘artisanales’. J’ai essayé d’être davantage un singer-songwriter sur celui-là que sur les précédents. 

LVP : Comment as-tu enregistré ce disque ? Seul, ou en organisant des sessions avec d’autres membres du groupe ?

Metronomy : C’était principalement seul à cause du confinement. Oscar, qui est dans le groupe, a néanmoins également participé à certains moments. À l’origine, mon plan était d’enregistrer avec tout le groupe. Mais à cause de la Covid, ce n’était plus possible. 

LVP : Ces chansons sont faites avant tout pour le live et pour jouer ensemble. C’est assez différent des précédents disques, non ?

Metronomy : Oui ! Je voulais un album qui accorde une grande importance au jeu musical, à la performance. Le public, je l’espère, y accordera une attention particulière. Cela se traduit bien vers le live, évidemment.

LVP : Sur Small World, tu abordes des sujets comme la famille, l’enfance, l’intime. On peut le noter sur la pochette de l’album. Que cherches-tu à transmettre aux nouvelles générations, avec ce disque ?

Metronomy : Si le disque est écouté par les nouvelles générations, il y a de fortes chances pour que ça le soit via leurs parents. Dans différentes parties du monde, nos fans ont des âges très différents. Dans certains pays, comme l’Italie ou l’Espagne où nous n’avons été reconnus que récemment, notre fanbase est très jeune. Mais les gens qui sont fans de Metronomy depuis dix ans ont grandi. Certains ont des enfants et pourraient les emmener à nos concerts. On n’est pas en compétition avec les nouveaux groupes hype. Nous grandissons avec élégance !

LVP : Dans ce cas, j’imagine que tu ne composes pas tes chansons en fonction des tendances ? Fabriques-tu de la musique qui te fasse d’abord plaisir ?

Metronomy : Je n’essaye en aucun cas de faire ce qui se fait. J’ai l’impression que si j’essayais de le faire, je devrais travailler avec d’autres musiciens, qui seraient plus impliqués dans les tendances actuelles. L’autre jour, j’ai reçu un remix de Things Will Be Fine par un membre du groupe Sorry. En l’écoutant, je pensais “Wow ça sonne vraiment frais, comment fait-il ?”. Je me suis dit qu’il devrait produire un album pour moi… Si tu veux sonner avant-garde, tu dois travailler avec des musiciens d’avant-garde ; mais en vérité ça ne me ressemble pas, pour le moment.

LVP : On a malgré tout l’impression qu’il est important pour toi de rester connecté à la scène actuelle… En témoigne l’EP Posse Vol. 1, qui contient 5 collaborations avec de jeunes artistes.

Metronomy : Oui, j’obtiens cette connexion en travaillant avec d’autres. J’ai besoin d’eux pour m’aider, même si j’ai beaucoup à offrir, en particulier à ceux qui démarrent dans la musique. Si tu y fais attention, tu remarques que tous les musiciens célèbres, quand ils prennent de l’âge, travaillent de plus en plus avec des jeunes producteurs. Kanye West, par exemple. Ils ont besoin de penser la musique sous un angle nouveau. On ne peut pas compter sur soi-même, dans cette situation.

 

LVP : As-tu parfois l’impression d’être le parrain de la scène pop alternative ?

Metronomy : (silence) J’aimerais l’être !

LVP : Metronomy est souvent le groupe préféré de ton groupe préféré.

Metronomy : Oui, c’est pourquoi je commence à réellement profiter depuis quelques temps. Quelque chose a été atteint. Écouter un nouveau groupe qui fait référence à Metronomy, c’est gratifiant. L’impression d’avoir laissé une trace ! Les groupes qui en influencent d’autres sont tellement plus intéressants que les projets mainstream. C’est toujours un sceau d’approbation.

LVP : Tu as toujours conservé cette image alternative. Comment le rester après 20 ans de carrière ?

Metronomy : Simplement en ne restant pas très connu. (rires) Metronomy est devenu mainstream à un certain moment, c’est sûr. Mais depuis, j’ai emprunté une trajectoire plus intéressante que simplement essayer de le rester. Je ne crois pas que les gens trahissent leurs origines ou sacrifient leur intégrité artistique quand ils choisissent cette voie. On peut être mainstream et produire de la musique intéressante. Pour ma part, j’ai toujours été plus attiré par l’expérimentation et par l’apprentissage de nouvelles manières de fabriquer de la musique. Ce n’est pas une stratégie… Cela devait se passer ainsi.

LVP : As-tu autant d’attentes sur la sortie de ce nouvel album que tu en avais quand tu as commencé ta carrière ?

Metronomy : Oui, quand celui-là va sortir, je serai anxieux d’observer s’il marche ou non. Mais, de manière générale, je me sens plutôt détendu dans ce que je fais. Et confortable dans ce que j’en attends. Lire les critiques, ça fait partie de mon travail, aussi. Je pense que je le ferai pour ce disque. Le problème, c’est que naturellement on ignore les bonnes critiques pour ne retenir que les mauvaises. Comme une punition… C’est étrange.

LVP : As-tu déjà changé quelque chose dans le groupe après une critique négative ?

Metronomy : Non. Si quelques personnes n’aiment pas ma musique, ce n’est pas grave. D’autres l’aiment. J’ai appris ça au fil des années, plus je me suis impliqué dans la musique. J’ai compris qu’il ne faut pas faire en sorte que les gens qui n’aiment pas ta musique finissent par l’aimer. Il y a d’autres choses à penser à la place.

LVP : Pour la composition de Small World, as-tu utilisé des chansons ou albums de référence ?

Metronomy : C’est toujours utile de se constituer un moodboard de musique significative pour soi. Pour cet album, j’écoutais beaucoup R.E.M.. Leur son est très ouvert, aéré mais également assez subversif, j’aime ça. Il ne faut pas essayer de copier un autre disque mais en être influencé fait partie du métier de musicien. Je peux également citer Big Thief, qui m’a donné envie d’écrire un disque comme Small World. Je me suis souvenu de ce que j’écoutais dans le passé, orienté country : Cat Power, Smog… C’est dans ce type de monde que j’ai essayé de m’intégrer

LVP : Comment fais-tu pour renouveler ton son, plus de 20 ans après le début de ta carrière ?

Metronomy : Ce n’est pas un jeu, mais j’essaye de jouer avec ça. Je me dis : “Pourquoi je ne publierais pas tel ou tel disque ?”, comme un défi. Cela découle forcément sur une réinvention car je m’implique à fond dans cette idée. J’essaye toujours quelque chose de différent mais avec beaucoup de conviction.

© Hazel Gaskin

LVP : Te reste-t’il un rêve à accomplir musicalement ? 

Metronomy : Non ! Tous les clichés d’un groupe de pop ont été atteints : voyager, jouer d’énormes concerts, etc. Il n’y a plus de rêves à réaliser. J’aimerais peut-être composer des musiques de film. De manière générale, j’ai envie de passer à la prochaine étape, à une version plus âgée de moi-même, et y faire face avec dignité. (rires)

LVP : Tu te réfères souvent aux musiques électroniques dans tes morceaux, suis-tu l’actualité de la scène house ou techno par exemple ? 

Metronomy : Pas tant que ça. D’abord parce que cette industrie s’est fortement ralentie depuis la pandémie. Je n’ai pas été autant exposé à la dance music que j’ai pu l’être plus tôt dans ma vie. Je ne prête pas d’attention particulière à l’actualité de cette scène, mais j’ai malgré tout l’impression de toujours finir par écouter les bons disques. La dance music de bonne qualité trouve toujours son chemin vers un large public. Il y a quelques mois, j’ai découvert DJ Koze et Modeselektor.

LVP : J’aimerais parler de ton album Love Letters. Il est en grande partie acoustique, ce qui contraste fortement avec le précédent, The English Riviera. Celui-ci avait, je trouve, inventé une nouvelle manière d’incorporer l’électronique dans des chansons pop et influencé une génération entière de musiciens. As-tu cherché à briser intentionnellement les codes que tu venais juste d’établir ?

Metronomy : (rires) Pas vraiment ! Il y a une évolution dans les quatre premiers albums. Le premier, Pip Paine (Pay the £5000 You Owe), était complètement instrumental. Puis, Nights Out, bien qu’il intègre mes premières parties de chant, est toujours un disque de musiques électroniques instrumentales fait pour danser. Sur le suivant, The English Riviera, j’ai essayé d’atteindre un son plus accessible, car j’avais l’impression que le public avait besoin d’une manière plus simple de comprendre ma musique. Bien sûr, Love Letters a été conçu d’une manière très analogique, à l’ancienne, mais il y a déjà dans le précédent cette marque de fabrique ‘pop’, chaleureuse, ouverte. Il ne s’agissait donc pas d’effectuer un virage à 180°. La réalité, c’est que The English Riviera a été le disque que le public a adopté sur lequel toute l’attention a été focalisée. Mais si ça avait été Nights Out, tu aurais été surpris par la suite de la même manière, je pense. Finalement, ce que je préfère dans la fabrication d’un disque, c’est de donner corps à une idée.

© Hazel Gaskin

LVP : Quelle a été ton émotion la plus intense, en écoutant de la musique ?

Metronomy : Je me rappelle avoir pleuré en écoutant la chanson de The Shangri-Las, I Can Never Go Home Anymore. Sur le moment, je n’ai pas compris pourquoi. Mais cette texture, ce son, je ne l’ai jamais retrouvé nulle part ailleurs.

LVP : Quel style de musique écoutais-tu quand tu étais adolescent ?

Metronomy : Quand j’étais un jeune ado, j’écoutais les Weezer, Green Day, Nirvana, ce type de guitar-band américain. Quelques années plus tard, je me suis plutôt tourné vers le hip hop, DJ Shadow, The Pharcyde, A Tribe Called Quest.

LVP : Quels seraient les trois disques dont tu ne pourrais jamais te séparer ?

Metronomy : Je dirais What’s Going On de Marvin Gaye, Songs in the Key of Life de Stevie Wonder et The Love Below de OutKast.

LVP : Si tu devais choisir, quel serait ton meilleur souvenir sur scène, et le pire ?

Metronomy : Mon meilleur souvenir serait sûrement la première fois que nous avons joué au Zénith de Paris. À l’époque on n’avait pas de production, tout était si nouveau. Donc on avait joué exactement le même show dans cette énorme salle que dans les petites salles de concert où on jouait habituellement. J’étais tellement impressionné par le public, si nombreux. Pour choisir le pire, je dois choisir parmi des centaines… Peut-être un souvenir amusant : on jouait dans un festival en Corse et un immense orage s’est déclenché tout près. Mon nez a commencé à saigner très fort sur scène, c’était un moment super humiliant.

Metronomy se produira sur la scène du Zénith de Paris le 6 avril prochain et est également annoncé à l’affiche des festivals Musilac et les Vieilles Charrues en juillet 2022. Détails de la tournée ici.


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