Miel de Montagne : “Je voulais faire des morceaux lents”
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Auteur·ice : Léa Formentel
12/05/2022

Miel de Montagne : “Je voulais faire des morceaux lents”

| Photo : Rémi Ferrante

À l’occasion de la sortie de son deuxième album Tout Autour De Nous, le 6 mai dernier, nous sommes allées rencontrer Milan alias Miel de Montagne dans un café dans le 10e arrondissement de Paris. Aussi chill qu’il en a l’air, il nous a raconté comment il a composé ce très beau disque et une petite anecdote sur son feat avec Philippe Katerine.

La Vague Parallèle : Hello Milan, comment tu vas, à l’issue de la sortie de ce nouvel album ?

Miel de Montagne : Je me sens vachement heureux ! Je suis content que ça sorte, parce que j’ai l’impression d’avoir repoussé le temps avec le covid, ce qui m’a permis de ne pas m’éparpiller. J’ai même poussé mon processus créatif. Donc là je suis très content, je vais pouvoir le faire vivre, le défendre, le jouer et après passer à autre chose.

LVP : Trois ans séparent ton premier et ton deuxième disque, qu’est-ce qui s’est passé pour toi durant cette période ?

MDM : J’ai bien pris mon temps pour faire un truc que je voulais faire ! (rires) J’ai réussi à aller là où je voulais aller avec cet album, donc ça me régale.

LVP : C’est toujours un peu difficile de faire un deuxième album…

MDM : Oui, en plus il y avait ce truc. Je me suis dit : « j’ai envie d’aller vers ça », et il y a eu tout un moment un peu compliqué de recherche, et le covid a tout arrêté, ce qui fait que j’ai un peu eu une année de plus ! Donc j’ai un pu un peu plus réfléchir et être sûr. Je suis peut-être allé un peu plus loin, je me suis plus pris la tête aussi. Mais j’ai réussi à ne pas rentrer dans le tourbillon de la perfection et de l’obsession de ruiner un morceau en voulant trop bien faire. Je me suis arrêté juste à temps, mais en effet le covid m’a permis de me demander « est-ce que je suis là où je voulais aller ? » et aujourd’hui, exactement comme le premier, je suis super content, c’est vraiment ce que je voulais faire.

LVP : Est-ce qu’ici tu as plus réussi à traduire tes émotions que sur ton précédent disque ?

MDM : Oui, je suis allé plus loin dans les textes. J’ai écrit un peu plus que deux phrases, avec l’aide de mon père aussi ! On a co-écrit quasiment tout l’album. J’ai la chance d’avoir un auteur à la maison donc j’ai utilisé cette carte. On a fait ça en famille, il m’a apporté ses précieux conseils. C’était cool parce que je voulais aller un peu plus loin ; il y avait des choses sur lesquelles je ne me faisais pas encore totalement confiance et j’avais envie de me prouver que j’étais capable d’écrire des chansons et de chanter guitare-voix. C’est pas encore le cas, parce que dans l’album il y a deux ou trois morceaux que je peux faire guitare-voix, mais c’était la direction. Je suis fan de Mac DeMarco, et quand je le voyais faire sa promo simplement avec des chansons guitare-voix, parce que ses chansons s’y prêtent, j’ai tendu vers ça. Donc mes chansons sont un peu moins dance dans cet album, un peu moins instru et plus chanson. J’étais dans un mood slow, ça me faisait kiffer de prendre le temps de raconter des choses et de parler de sujets qui me questionnaient à ce moment-là.

 

LVP : Fondamentalement, cet album, on le ressent plus mélancolique, plus en suspens par rapport à ton premier. C’est le reflet de ce que tu as ressenti au moment de la composition ?

MDM : À fond. Il y a eu un petit changement. Là j’ai eu 28 ans, j’ai l’impression d’avoir fait ma crise de la trentaine à 27 ans. (rires) Il y a eu des trucs qui se sont confirmés, d’autres qui me font moins kiffer qu’avant. Le fait de m’être vraiment posé à la campagne m’a permis d’être plus dans des questionnements un peu philosophiques. Plutôt que d’être dans la chasse du fun social dans les grosses villes. C’était une autre phase et je l’ai accueillie à bras ouverts. Donc oui, ça s’en ressent dans mon album. Mais j’avoue que j’ai déjà envie de refaire des morceaux hyper dansants pour le prochain, parce que je suis revenu dans cet état d’esprit de la fast life parisienne. C’est juste des mouvances, en réalité.

LVP : Entre Philippe Katerine et Jaques, on peut dire que sur cet album tu t’es bien entouré, comment ça s’est passé ?

MDM : Ça s’est passé humainement d’abord. Pour la rencontre avec Philippe, c’était trop bizarre ! (rires) Je vais faire un rendez-vous professionnel, pour faire écouter mes morceaux à mon nouveau tourneur, et pour C’est Dur, j’avais juste mon couplet et mon refrain donc ça durait une minute. Je fais écouter cette maquette et je dis à Charlotte, ma manageuse, que ce serait bien d’avoir un featuring parce que je n’arrive pas à amener le titre plus loin, et je voulais un rappeur parce que je le voyais comme un rap. Pour rire, Charlotte me dit « tu n’as qu’à demander à Philippe Katerine ! ». En sortant dans la rue, qui je vois ? Philippe Katerine ! Donc je lui ai demandé de rapper sur mon morceau, puisqu’on parlait de lui je me suis dit que c’était un signe. Il m’a dit « avec plaisir » et c’était parti.

Et Jacques, pareil, c’était très cool de l’avoir sur l’album. Ce sont deux personnes hyper importantes, dans le sens où j’ai eu pas mal de commentaires avec Pourquoi pas, sur le fait que j’étais « le fils caché de Philippe Katerine », et depuis que je suis petit je l’entends à la maison, parce que mon père l’écoutait et ça a toujours été une bonne inspiration en termes de personnage. Et Jacques, c’est mon coloc magique qui me l’a fait rencontrer, parce que j’ai deux labels, un parisien et un bordelais. C’est un peu grâce à Jacques que j’ai rencontré Etienne, du label Pain Surprise Records (Paris), donc c’était un clin d’œil de le mettre sur l’album. Si je n’avais pas rencontré Jacques, j’aurais peut-être continué à faire de la house music dans les clubs et j’aurais été malheureux, parce que mon truc c’était de faire ce que je fais là, au fond.

LVP : Dans la chanson « C’est Dur », justement, tu dis « c’est dur de rester soi-même quand on peut être quelqu’un d’autre », c’est un sentiment que tu partages ?

MDM : Quand j’ai écrit ça, oui. Il y a des situations inconfortables où tu n’es pas forcément à l’aise tout le temps, c’est normal, c’est humain et c’est cool d’ailleurs, mais parfois quand tu es obligé de t’afficher publiquement… Il y a beaucoup de choses auxquelles tu dois faire attention et tu te remets en question tout le temps ; j’en avais un peu marre de penser à moi et je me demandais s’il y avait un trick pour être tout le temps soi-même, comme ça tu es tout le temps à l’aise. Depuis que j’ai fait ce morceau, j’ai l’impression que j’ai tourné la page et d’être tout le temps moi-même maintenant. (rires) Parce qu’à chaque fois que j’appréhende une situation, je me rappelle qu’il n’y a rien à faire à part rester soi-même. Si tout le monde restait soi-même ce serait bien, au moins il n’y aurait pas de mythomanes. C’était un peu une porte ouverte à la confiance en soi, ce titre. Ça ne sert à rien de jouer un rôle pour prouver que tu es cool. Si tu restes toi-même, les gens vont aimer ça, et ce sont les différences qui sont intéressantes.

© Rémi Ferrante

 

LVP : Même sur le titre « Trop Vite », tu te sens en décalage avec le monde qui t’entoure ?

MDM : Oui oui, il y a des gros moments où ça arrive. Je me sens chanceux de faire ce que je fais, si je ne pouvais pas le faire ce serait horrible. Je suis épaté par les gens qui sont serveurs par exemple, parce que je n’arrive pas à capter le truc. D’ailleurs je me suis fait virer de tous mes boulots à cause de ça, c’était un enfer. Et ça me rendait malheureux parce que je me sentais très mal. C’était des échecs pour moi. Donc j’ai la chance de pouvoir vivre de la musique aujourd’hui parce que c’est le truc que je fais le mieux, en tout cas pour l’instant. (rires)

Donc oui, parfois je me sens complètement en décalage du monde qui m’entoure, et les informations mettent du temps à se digérer dans mon cerveau, même lors d’une simple conversation, et c’est difficile à vivre, mais bon, je travaille là-dessus. Je ne suis pas tout seul, il y a une grosse équipe derrière moi. Parfois j’en fais un peu baver les autres, parce que ma communication est un peu foireuse, mais j’y travaille. J’arrive de plus en plus à me connecter au réel et ça me fait du bien.

LVP : Comment on fait un album aussi animé quand on est imprégné de l’ennui et de la lenteur du quotidien ?

MDM : Parce que l’ennui, c’est trop cool ! Je reprends souvent l’image d’un enfant qui s’ennuie dans le jardin, il va prendre un bout de bois ou quoi que ce soit et il va se créer tout un imaginaire pour triper. En fait tu es sous acid, c’est énorme. L’ennui est bénéfique à la création. Même les moments où je suis un peu en spleen et où je suis ennuyé, je le transforme en quelque chose de créatif. Aujourd’hui, c’est dur de s’ennuyer avec les réseaux sociaux, on fuit l’ennui qui, je pense, est beaucoup plus sain que d’enfouir cet état. On n’aime pas cet état mais il est bienveillant en réalité, il faut l’accepter.

LVP : Est-ce que tu as un petit message pour les personnes qui vont écouter Tout Autour de Nous ?

MDM : Vous avez écouté l’album et vous l’avez aimé ? Venez au concert ! Parce que je fais de la musique pour les concerts, ça n’a aucun sens de n’écouter la musique que chez soi, il faut venir la voir.

LVP : Pour terminer, quels ont été tes derniers coups de coeur musicaux ?

MDM : Idol EyesCommon Saints, Real Situation Bob Marley, je n’avais jamais écouté ce morceau et je l’ai découvert aux Caraïbes, ça s’y prêtait tellement bien. Choses nouvelles – Bertrand Belin.


 

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