Ruptures, Vogue et astrologie : une conversation avec Silly Boy Blue
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Auteur·ice : Adrien Amiot
25/01/2021

Ruptures, Vogue et astrologie : une conversation avec Silly Boy Blue

Silly Boy Blue fait partie de la maison LVP. On aime tellement cette artiste qu’on lui a, par le passé, consacré une Mosaïque, une playlist, une interview ainsi qu’une chronique pour son premier EP But You Will (2018). C’est donc à la fois un honneur et une évidence de prendre de ses nouvelles – à distance, mais quand même. Son activité musicale est particulièrement riche ces derniers temps : une série de reprises remarquée, la publication de deux superbes clips fin 2020 et de son premier album, à paraître cette année.

 

La Vague Parallèle : Tu sors bientôt ton premier LP. Peux-tu nous parler de la fabrication de ton nouveau projet ?

Silly Boy Blue : Oui, je le sors au printemps 2021, en mars si tout va bien. Il y a 12 ou 13 titres, je l’ai composé moi-même et j’ai travaillé en studio avec deux producteurs : Sam Tiba et Apollo Noir. Ça s’est hyper bien passé. Ils étaient très à l’écoute et force de proposition. Tout était fluide ! On est allés en studio à la sortie du premier confinement en pensant simplement bosser sur quelques titres. Finalement, on a fini tout l’album en trois jours ! Les gars sont trop cool, ils s’investissent. C’était une expérience absolument géniale.

LVP : Sam Tiba, qui était dans le groupe Club Cheval, et Apollo Noir sont des producteurs de musiques électroniques, de surcroît assez sombres. On sent une évolution majeure dans ta musique, ces collaborations font-elles partie de l’équation ?

SBB : La collaboration avec Sam fait partie de cette évolution, oui. D’autres choses aussi ! Le temps est passé, j’ai évolué dans ma manière de composer. Plein de trucs se sont passés dans ma vie et ont fait que j’assume beaucoup plus le projet. Être entourée de gens dont j’admire le taf, évidemment que ça te porte à fond. J’ai bossé avec des gens qui ne sont pas du tout de mon milieu : Sam qui est dans l’électronique et maintenant dans le rap, Rémi (Apollo Noir, ndlr) qui fait beaucoup de techno. J’admire leur travail ! Ce grand mix de cultures et d’influences différentes a contribué à la réussite de cet album. Chacun avait sa zone de confort et chacun s’est challengé. Avec Rémi, on a beaucoup écouté Domotic, Oneohtrix Point Never, mais aussi Lorde ou Lana Del Rey. Avec Sam on a beaucoup parlé de la prod de Frank Ocean, de l’époque Club Cheval et de leurs prods sans paroles, de Para One… Mais aussi beaucoup de vieux trucs : Kim Wilde par exemple !

 

LVP : Sur ton premier EP, deux personnalités se confrontent : “le petit garçon goth” et la “meuf hyper powerful” pour reprendre tes termes. Sur le nouveau disque, as-tu fait ton choix ?

SBB : Oui et non, je dirais que j’ai affirmé cette dualité. Mais maintenant j’ai vachement moins de complexes à assumer des prods beaucoup plus poussées, énervées, etc. J’ai quand même laissé dans le prochain album deux morceaux guitare-voix et un piano-voix, que j’ai produits. C’est important pour moi car c’est toujours de cette manière que je commence à composer mes maquettes. Je suis moins dans le conflit, la question d’écrire uniquement des piano-voix ne se pose plus. Désormais, je fais aussi des morceaux plus rythmés, entraînants et assumés dans l’écriture comme Goodbye. Je peux aller sur scène montrer quelque chose de très énervé ou bien quelque chose de très personnel. C’est aussi ce que je suis dans la vie. J’ai accepté que j’étais les deux.

LVP : Tu sembles plus confiante et sûre de toi.

SBB : Oui, mais je n’ai quand même pas full confiance en moi. J’ai toujours le syndrome de l’imposteur… Mais j’ai beaucoup de chance d’avoir été validée par pleins de gens, que ce soit mes ami.e.s, ma famille, des producteurs etc. Ça m’aide à me sentir légitime dans ce que je fais.

LVP : Pour quelles raisons, d’après toi, ressens-tu ce syndrome de l’imposteur ? Tu es dans le milieu depuis presque dix ans. Le premier album de Pegase, le groupe qui t’a révélée, est sorti en 2014… Tu as plus d’expérience et de légitimité que la majorité des artistes pop actuels.

SBB : Avec Pegase ce n’était pas tout à fait pareil. J’étais avec 3 garçons. C’est Raphaël qui composait… Je pouvais me planquer derrière le rôle de la chanteuse. Maintenant j’arrive en disant que je suis autrice compositrice, que j’écris mes textes et que je choisis la DA. C’est plus dur d’assumer un projet que tu dois porter toi-même.

https://youtu.be/ptuoYAlrxe4

 

LVP : Tes textes racontent souvent des moments tristes de ta vie. Sortir ces morceaux te permet-il de faire le deuil de ces souvenirs douloureux ? Tu parles parfois d’ ”enfer de la création” ?

SBB : Oui c’est très dur. J’ai du mal à dire les choses. C’est donc mon moyen de m’exprimer. Il y a des moments où, pendant une rupture, les gens disent tout ce qu’ils pensent à l’autre. Ce moment, je ne l’ai pas. Je reste muette et ça vient quand j’écris des morceaux. C’est toujours l’enfer de la création mais maintenant j’ai réussi à m’approprier ce moment-là, à poser des mots dessus. Ça me fait énormément de bien. C’est cliché de malade mais c’est ma manière de dealer avec mes problèmes, ma thérapie. Donc c’est clair qu’à l’instant T c’est très dur, mais quand je ferme le carnet, quelque chose est parti de moi.

LVP : Ce sont les mêmes thèmes que tu vas aborder dans l’album ?

SBB : L’album est une panoplie de chansons de rupture. Il y a des morceaux très tristes où je dis mon incompréhension mais il y a un morceau dans l’album, qui s’appelle Creepy Girl, qui parle d’un crush que j’ai eu sans l’avoir jamais dit à personne. Je suis tombée sous le charme de quelqu’un et j’explique comment ça se passe dans ma tête.

LVP : C’est universel !

SBB : On l’a tous vécu, le “tant que tu m’auras pas dis non je continuerai à t’aimer complètement en secret”. Deux morceaux me tiennent très à cœur, ce sont les plus tardifs que j’ai écrits. Le premier s’appelle Teenager et j’y parle de comment je me vois maintenant. Il y a une phrase importante à mes yeux, c’est mon coming out de la bisexualité : “j’essaye encore de réaliser que je ne serai pas uniquement hétérosexuelle”. C’est comme tout dans ma vie, les choses importantes sont dans mes morceaux. Donc ça ne parle pas forcément que de rupture ! (rires) L’autre morceau parle de la vie en tournée et du fait d’être seule dans des chambres d’hôtel. Le disque est un grand mélange de plein de choses qui sont venues avec ces chansons de rupture.

 

LVP : Dans Goodbye, tu dis : “Well do you read the interviews ? And get the hints I left for you” (Lis-tu les interviews ? Et repères-tu les indices que je t’ai laissé ?). As-tu un message subliminal à faire passer ?

SBB : Complètement ! C’est avec une personne qui d’ailleurs est à l’origine de pas mal de chansons dans l’album, et qui le sait pertinemment. Quand tu racontes des ruptures, forcément tu te poses la question : “est-ce que la personne est en train de lire ça ?”. Je glisse des messages que les personnes saisissent ou pas. Il n’y a pas de vengeance. Je n’arrive jamais à être fière de ce que j’écris, mais dans Goodbye il y a une des rares phrases de l’album où je suis vraiment contente de l’avoir dite. Ça raconte une rupture dans laquelle j’ai beaucoup fermé ma gueule. Je dis : “J’étais en train d’en chier complètement” / “Oh babe, I’ve been through a lot” pendant que toi t’étais en train de pécho quelqu’un d’autre. Je suis contente d’avoir passé le step de victime, de “pourquoi tu m’as quittée” pour maintenant dire “en vrai c’est chaud ce que tu as fait”. Maintenant j’ai le droit d’ouvrir ma gueule, de dire “c’est vraiment pas classe, c’est abusé de ouf ce que tu as fait”. Je ne l’ai pas dit sur le moment, mais la personne était vraiment en train de pécho alors que j’étais en dépression.

LVP : C’est un peu les sept phases du deuil finalement. Le choc, la douleur, la colère… et à la fin seulement, l’acceptation.

SBB : Exactement ! Il y a vraiment ces étapes : le déni, être vener, être triste… Une autre chanson dans l’album, qui s’appelle Be The Clown, dit “Je serai toujours le clown qui revient vers toi, ton jouet que tu appelles à 3h du mat’… et puis c’est ok, moi je répondrai”. 

LVP : Goodbye est calibré pour la radio. On a l’impression que tu peux jouer ces morceaux dans des grandes salles. Est-ce une volonté de ta part ?

SBB : Quand on a choisi parmi les maquettes ce qui serait sur l’album, j’avais très envie qu’il y ait un morceau que tu puisses écouter en road trip avec tes copains en ouvrant les fenêtres. Plus powerful et joyeux… On a choisi Goodbye. Je ne voulais pas que ce titre soit forcément lourd, triste ou violent. Il y a toujours une mélancolie – parce que je n’arrive pas à composer autrement – mais j’avais envie d’un morceau plus cool, détendu, solaire, épique, pour faire redescendre la pression. Évidemment ce n’est pas au niveau de ce morceau-là, mais mon inspiration c’est Heroes de Bowie. Ambiance Le Monde de Charlie, le passage dans la voiture.

 

LVP : Goodbye à Coachella, ça marche.

SBB : Eh ben mon rêve ! En 2024, quand on aura le droit de sortir de chez nous.

LVP : Comment vis-tu le fait de ne plus faire de concerts en physique ?

SBB : C’est compliqué. Comme tous les artistes, la scène manque beaucoup parce que quand tu écris un morceau, tu l’imagines sur scène. Quand tu enregistres en studio, tu imagines les arrangements pour le live aussi. Tu y penses à toutes les étapes de la création. C’est comme si tu planifiais ton mariage… Tu achètes la robe, tu choisis les invités, tu penses à ce que tu diras dans tes vœux et au final il n’y a pas de mariage. Tout perd de son sens. Ça crée d’autres choses aussi, je suis admirative de tout ce que les artistes ont réussi à créer. Mais c’est compliqué. Je me mets dans un tout, j’ai de la peine pour tous les artistes globalement. Je ne me pense pas individuellement, parce qu’il y a pire – et mieux – que moi dans cette situation. En terme global, c’est une catastrophe pour la culture, et – je pense aussi beaucoup à ça – c’est une catastrophe pour beaucoup de gens qui devrait avoir accès à la culture. Sans la musique et sans le cinéma, je ne sais pas ce que je serais devenue, concrètement. Je ne sais pas où j’aurais pu trouver des réponses à des questions et à des gros tourments, à des moments très durs.

LVP : Pour l’émancipation !

SBB : De ouf ! Pour te construire, pour te créer, pour comprendre ce que tu aimes. Quand tu regardes un film, tu te demandes pourquoi tu aimes bien ce personnage : parce qu’il fait telle action, parce qu’il ressent cette émotion, parce qu’il aime telle personne. Quand tu écoutes une musique, tu te dis “ces paroles là sont ma vie”. Je trouve ça horrible ce manque de culture pour le public, ce gros trou, au-delà des artistes et de la situation horrible dans laquelle tout le monde est.

LVP : Tu as préféré ne pas décaler la sortie de ton album et le sortir quoiqu’il arrive ?

SBB : Oui. On s’est posé la question… Peut-être que des choses vont bouger parce qu’on a envie de réaliser certains clips et s’ils ne sont pas faisables on décalera la sortie de l’album. Mais on ne décalera pas en termes de marketing. À ma petite échelle, j’ai envie de donner des morceaux aux gens. Pourquoi ne pas faire plaisir à telle ou telle personne en sortant tel ou tel morceau ? Ce n’est pas possible de se mettre à l’arrêt comme ça, je peux comprendre qu’il y ait des enjeux marketing, mais on est là pour partager de la musique et du divertissement. Si on ne peut pas passer par la scène, on passera par d’autres plateformes.

 

LVP : Tu as été journaliste en même temps qu’être musicienne, est-ce toujours d’actualité ?

SBB : De moins en moins. Je bosse encore pour un seul média qui me tient vraiment à cœur, Têtu. Sinon j’ai arrêté parce que je n’avais plus le temps et c’était compliqué. Pour Têtu j’essaye de continuer, relativement peu souvent, mais vu que j’aime beaucoup l’équipe, le rédac chef, le média… J’essaye d’écrire encore quelques fois avec eux.

LVP : Comment arrives-tu à gérer des moments de création, très énergivores et chronophages, avec un rythme journalistique ? Ce ne sont pas des temporalités inconciliables ? 

SBB : À un moment, j’étais étudiante, musicienne avec Pégase et journaliste en même temps, je bossais pour les Inrocks. Il y a deux choses. Déjà, je dors très peu, ça aide. Ce n’est pas très sain comme vie… J’ai toujours besoin de faire des choses – j’enfouis un peu mes problèmes. Après je me mets des temps de pause aussi ! Mais j’ai ce besoin de cumuler les activités pour canaliser mon cerveau. Aussi, c’est trop con, mais c’est de l’organisation à fond. La dernière interview que j’ai faite pour Têtu, c’était Declan McKenna. J’avais un concert à faire juste après et je devais prendre le train. Pendant les 2h de trajet,  j’ai dérushé l’interview. Je suis arrivée sur place, je fais mes balances, mon concert, je suis rentrée à l’hôtel, j’ai commencé à rédiger un brouillon. En me réveillant le lendemain, j’ai terminé le brouillon, puis j’ai fini l’article dans le train. C’est hyper compartimenté pour le coup.

LVP : Un artiste ne devrait-il pas éviter de trop compartimenter ?

SBB : J’aimerais bien savoir le faire mais je suis trop control freak pour me laisser aller.

LVP : Y arrives-tu quand même, parfois ?

SBB : Pour la composition, oui. Autant toutes mes activités sont bien réglées, autant pour la composition je peux y passer un temps infini. Je me mets devant mon piano à 18h, si je finis à 19h30 parce que j’en ai marre, je finis à 19h30. Si je finis à 4h du matin parce que j’ai envie de finir ce morceau, je le fais. 

LVP : Tu étais journaliste musicale, était-ce pour répondre à des questions que tu te posais en tant qu’artiste ?

SBB : Oui ! C’est le meilleur truc ! Grâce aux interviews d’artistes, tu as plein de réponses, plein de points de vue. J’ai beaucoup demandé à des gens, pour Têtu, comment ça c’était passé l’avant / après de leur coming out. C’est une question qui m’intéresse profondément. J’ai fait mes armes comme ça aussi ! Quand j’étais plus jeune, je lisais des interviews d’artistes que j’admirais, puis j’ai eu la chance de leur poser des questions directement, c’est vraiment cool.

 

LVP : Quel est ton instrument préféré ?

SBB : Ma guitare ! Elle est juste derrière moi, à côté de mon sabre laser. C’est à la fois mon instrument préféré et détesté en même temps, parce que j’ai du mal à me l’approprier. D’un autre côté c’est le premier instrument que j’ai eu, et celui qui m’a donné envie de faire de la musique. J’ai une relation d’amour / haine parce que j’ai l’impression de ne pas arriver à faire plein de choses. Je ne suis pas méga douée à la guitare, mais ça me rappelle pourquoi tout ça est arrivé et comment ça a commencé. Ma première guitare, je l’ai eue super tôt, elle est chez mes parents à Nantes, je ne la vendrai jamais. Je la garderai toute ma vie.

LVP : Est-ce que tu joues d’autres instruments ?

SBB : J’ai joué de la basse dans des groupes, j’ai plusieurs claviers aussi. C’est tout ce que je joue.

LVP : Ça t’intéresserait de jouer dans un groupe avec un autre instrument ?

SBB : Ouais ! J’ai toujours appris comme ça. On me donnait un instrument et on me disait “est-ce que tu peux jouer ça ?”. Je le faisais, avec peine et entraînement évidemment, parce que c’est pas inné du tout. Mais oui ça m’intéresserait vachement ! Je pars du principe que tant que je ne connais pas tout à la musique, j’ai toujours des trucs à apprendre. C’est hyper grisant. 

LVP : La manière dont tu es habillée dans tes nouveaux projets est très travaillée. Est-ce que tu suis la mode ? Si oui, quelle est ta maison préférée ?

SBB : Je sais ce qui me plaît et ce qui ne me plaît pas. Après je ne suis pas calée… Je peux simplement citer des créateurs, des matières ou des genres que j’aime. La dernière chose qui m’a marquée, c’est un shooting magnifique que Harry Styles a fait pour Vogue. Les fringues sont incroyables, c’est un enfer tellement il est beau.

 

Tyler Mitchell/Vogue

 

Je me suis beaucoup rapprochée de Caro, ma styliste, parce qu’elle bosse beaucoup avec des marques clean, écoresponsables. Pas du tout de fast fashion. Ça me plaît, c’est un mode de vie qui me parle. Elle a un côté très barré ! Elle a compris que j’étais une ancienne bébé goth, qui avait des collants résilles et tout le bordel. Elle a réussi à adapter mon identité à des choses portables aujourd’hui : moins de collants rayés rouges et noirs, mais plus des grosses chaînes, etc. Pour citer une maison que j’aime, je dirais bien Gucci, mais ça me ressemble moins. J’aime aussi beaucoup Balenciaga. Dans tous les modèles goth, les robes énormes rouges, le velours, les énormes joyaux… Ça me fascine tout ce qui est un peu néo goth revisité. Dans les costumes, je trouve ceux d’Yves Saint-Laurent sublimes.

LVP : Tu as grandi à Nantes. La scène nantaise t’a-t-elle influencée ?

SBB : Complètement ! La scène nantaise était déjà très variée quand j’étais ado à Nantes. Il y avait du punk, du rock, de la pop, du rap…   Et surtout – je l’ai ressenti comme ça – elle était très ouverte. Plein de scènes existaient, c’était très accueillant, j’ai trouvé ma place un peu partout. Si tu montais un groupe, dix jours plus tard tu pouvais aller jouer au Blockhaus, au Stakhanov, plein de salles pouvaient t’accueillir. C’était très ouvert, plein de bons plans et de soutien. Tout le monde s’entraide pour des clips, pour du mix, pour se prêter des synthés… Je l’ai vécu de manière très bienveillante, ça poussait à la création. Donc super de grandir en tant qu’artiste à Nantes, à ce moment-là en tout cas. Après je suis partie à 16-17 ans de chez mes parents, donc je n’étais plus à Nantes.

LVP : Tu as donc fait tes premiers concerts là-bas ?

SBB : Oui carrément. Mon tout premier concert de ma vie, j’étais en troisième ou en seconde avec ma meilleure amie de l’époque. Elle faisait de le basse et moi de la guitare. Ce n’était pas vraiment un groupe… On faisait de reprises et des morceaux à nous à la fête de la musique, devant le magasin Zadig & Voltaire de Nantes. On s’était branchées sur un groupe électrogène. C’était trop cool ! Après j’ai joué dans les salles que j’ai cité tout à l’heure, Stakhanov, Blockhaus, j’ai fait pas mal de bars avec pas mal de groupes, etc… Chacun faisait son petit bout de chemin d’artiste.

LVP : Penses-tu que tu aurais fait la même musique si tu étais née, au hasard, à Reims ou à Nancy ?

SBB : En vrai, j’aimerais bien être médisante envers qui que ce soit, parce que c’est une passion de vie… Mais je n’en ai aucune idée. J’avoue qu’il y a une effusion culturelle à Nantes, et c’est encore le cas aujourd’hui. Si je n’avais pas grandi à Nantes, je pense que j’aurais pas été si incitée à faire de la musique. Les jeunes Nantais, il faut y aller ! Au pire ça ne marche pas, ça te saoule et puis tu arrêtes. Au mieux tu réussis, ça donne quelque chose et c’est cool !

LVP : C’est quoi le livre que tu as le plus lu dans ta vie ?

SBB : Bonjour Tristesse de Françoise Sagan. Parce que c’est le premier livre qui m’a bien parlé de l’ennui. Je l’ai lu un été où je m’ennuyais à mourir et je me suis dis “wow, pas besoin dans un livre d’avoir un début, des péripéties, etc”. Ça me parle vachement. Le dernier qui m’a le plus marqué c’est La Cloche de Détresse de Sylvia Plath. C’est le seul livre qu’elle a écrit parce qu’elle est morte très jeune, elle s’est mis la tête dans son four pour se suicider. Donc déjà on aime bien le contexte, ça ajoute un côté dramatique. Ça parle d’ennui et de plein d’autres choses. Je l’ai trouvé absolument incroyable.

LVP : Est-ce que tu lis de la poésie ?

SBB : Oui ! J’étais très fan d’un recueil d’Aragon quand j’étais jeune mais j’en lis beaucoup moins maintenant.

LVP : Est-ce que tu te sentirais légitime d’écrire un recueil, un roman?

SBB : Pas encore, mais j’ai l’idée en tête. Parce que quand tu lis beaucoup, tu t’imagines toujours. C’est comme quand tu écoutes de la musique, tu te demandes toujours si tu pourrais le faire. Mais je ne pense pas encore avoir la maturité d’écrire quelque chose comme un roman, une nouvelle, ou autre.

LVP : Est-ce que les livres de Despentes t’ont influencé ?

SBB : Tu as vu ma bibliothèque ou pas ? (Elle me monte sa bibliothèque, presque tous les Virginie Despentes y sont, ndlr) Du coup je dirais que OUI. Comme beaucoup de personnes, King Kong Théorie ça m’a retourné le cerveau. J’aime beaucoup la manière très crue, très violente dont elle écrit. Cette manière d’écrire, frontale et froide, me manquait dans les livres qu’on me faisait lire dans ma vie, ou que l’on me recommandait.

 

LVP : Si tu devais chanter les paroles d’un auteur, lequel serait-ce ?

SBB : Ce serait, je pense, L’Attrape-cœurs de J. D. Salinger

LVP : Quelle musicalité trouves-tu dans ce texte ?

SBB : Ce que je trouve très beau, c’est la cohabitation entre des élément très poétiques et d’autres très spontanés, très argots. J’aime beaucoup cette dualité. Je trouve que c’est comme ça qu’on est, en tout cas moi je suis comme ça. Il y a des moments où je dis des choses très recherchées, posées, et d’autres où il n’y a rien de mieux que des phrases de cinq mots. Avec tes mots à toi.

LVP : Tu as aussi une super collection de DVD !

SBB : Comme une vieille personne ! Ce sont des objets que j’adore. Les DVD je pense que c’est la prochaine étape du retour des objets. On a eu les vinyles, les K7… J’en suis sûre et certaine. Quand ce sera ce moment-là, et bien moi j’aurais tous mes films préférés en DVD ok ?! J’aime avoir ma bibliothèque filmique que je peux disposer comme je veux. Avec Netflix tu ne peux pas faire ça ! Il y a des objets que j’ai besoin d’avoir. Je me dis si Internet coupe demain, que je suis en voyage ou autre, j’ai toujours ces objets là qui m’appartiennent et que je peux voir quand je veux.

LVP : Si tu devais me décrire ta scène de film préférée ?

SBB : Il y en a beaucoup… Une que je trouve fantastique : c’est une cafétéria, et toutes les tables sont décrites une par une, avec qui est à quelle table. Un peu comme un dessin avec “là c’est les loosers, là c’est les machins, etc”.

LVP : C’est hyper Desperate Housewives

SBB : Oui c’est exactement ça. C’est teen movie, dans Lolita malgré moi. Ces scènes-là où “on décrit chaque table” sont à mon avis hyper datées et intéressantes. L’autre scène que je pourrais citer, ce sont deux personnes qui sont dans un couloir d’immeuble. Et ils se disent qu’ils sont ok avec les défauts de l’autre. C’est Eternal Sunshine of the Spotless Mind, à la fin. Une des plus belles scènes de film du monde entier. C’est pour ça que j’ai appelé mon premier EP But you will. Dans cette scène-là elle lui dit : “But you will. You know, you will think of things”. J’avais découpé le début.

(Attention, spoil)

 

LVP : Quel film pourrais-tu voir dix fois de suite ?

SBB : Il y en a énormément, je suis une personne qui regarde tout le temps les mêmes films. Sans aucun problème. Donc Eternal Sunshine, Les Amours Imaginaires, que je peux aussi regarder quarante fois sans me lasser. 500 jours ensemble, Edward aux mains d’argent, tous les Tim Burton en fait, je peux les regarder sans arrêt. Et aussi les Seigneurs des Anneaux.

LVP : La tendance actuelle de ne regarder qu’une seule fois un film, puis de passer directement au suivant, qu’en penses-tu ? Ne perd-t-on pas cette magie des objets que l’on garde pendant des années ?

SBB : Je suis grave d’accord ! (rires) C’est exactement ça. Normalement tu saignais un CD que tu avais. Le CD de Shakira que j’ai reçu à mon anniversaire quand j’étais petite, je connaissais tout par cœur, Avril Lavigne pareil, ou même les DVD. Et maintenant tu as tellement de choses à regarder ou à écouter, que tu passes moins de temps sur des œuvres entières. Je trouve que tu perds de l’interprétation, tu rates le détail que tu n’avais pas. On passe vite à autre chose… Je suis beaucoup moins attachée aux films que je vois maintenant. Parce qu’il y a tellement d’offres que je ne vais pas repasser trop dessus. Je trouve qu’on a perdu la zinzinerie de regarder tout le temps les mêmes choses.

LVP : En 2020, quel est le disque que tu as écouté en boucle comme Shakira à l’époque ?

SBB : Un que j’ai adoré, c’est le disque de Selena Gomez. Excellentissime. La production est magnifiquement bien. Aussi, Sufjan Stevens, dont je trouve les œuvres fantastiques. La dernière l’était comme d’habitude. Eh ouais, Sufjan Stevens et Selena Gomez !

 

LVP : Fais-tu des rêves, des cauchemars ?

SBB : Beaucoup, beaucoup. Quasiment tout le temps, et c’est à la fois plaisant et déplaisant parce que c’est très concret. C’est mon côté “je refoule beaucoup et je mets des choses sous un tapis”. La nuit, mon inconscient de personne Verseau me dit (en chantant) “Hey ! On va te faire regarder en face ce que tu ne voulais pas voir !”

LVP : Ta meilleure et ta pire anecdote de concert ?

SBB : La meilleure c’était à un de mes concerts. J’ai vu une de mes amies dans la salle. Elle devait être à Londres à ce moment-là et m’avait fait la surprise. J’ai pleuré comme un bébé parce que je l’ai vu en chantant, c’était trop émouvant comme moment, hyper beau. La pire anecdote de concert, c’était il y a pas très longtemps. Il faut savoir que je ne mange jamais avant les concerts parce que je stresse. Il y a quelques mois, j’ai fait une série de concert dans des églises avec un quatuor à cordes. On était une semaine en résidence, et j’étais en mode “trop cool la vie, je vais manger avant j’en ai rien à foutre c’est pas grave”. Donc j’ai mangé avant et pendant tout le concert j’ai psychoté, je me suis dit “c’est pas possible je vais vomir, j’ai trop mal au ventre”. J’ai juste passé le concert à me dire “ok là je vais vomir à la prochaine parole que je dis”. Alors que c’était faux, c’était mon cerveau débilos qui paniquait. Les gens m’ont dit “c’était bien, mais tu avais l’air stressée” (rires) C’était un enfer mental.

LVP : Une dernière chose : tu as parlé de ton signe astrologique tout à l’heure. Est-ce que tu crois à l’astrologie et quelle place a-t-elle dans ta vie ?

SBB : Avant ça n’avait pas une grande place dans ma vie. Mais à un moment, je me suis intéressée de plus près à mon signe et je me suis rendue compte que ça répondait à énormément de questions. J’ai commencé à paniquer. Ça m’intéresse beaucoup, je ne suis pas du tout pro mais je sais maintenant à quoi correspondent les signes. J’essaye de ne pas passer ma vie dessus… Par contre, je comprends beaucoup de choses sur ce que je suis et comment je ressens les évènements grâce à ça. Je me dis que c’est une manière ou une autre de se donner des clés. Depuis que je sais que je suis Verseau, je comprends mieux mes insomnies, ma créativité, mes zinzineries dans mes relations. Avec trois copines, à minuit pile on s’envoie le screen de nos Co-star pour savoir comment va être la journée du lendemain. Tu connais The Pattern ? C’est Co-star mais en plus poussé.

LVP : Je ne connais pas, mais je suis très heureux de conclure cette interview de cette manière.

SBB : Tout pareil !

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