Session numérique #41 : Pomme ensorcelle un Théâtre de Fourvière vide
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
19/09/2020

Session numérique #41 : Pomme ensorcelle un Théâtre de Fourvière vide

Dans Session Numérique, La Vague Parallèle sillonne la toile à la recherche de ce qu’Internet nous réserve de plus fort, de plus doux, de plus coloré. Aujourd’hui, on clique sur le live de Pomme qui joue à domicile (Lyon) et brise le silence du Théâtre antique de Fourvière sous la caméra d’Arte Concert. Un instant de magie, entre humour et douceur. 

Bonsoir. Il n’y a personne, mais c’est pas grave. Je vais faire comme si il y avait des gens.

Lauréat de la Victoire de la Musique dans la catégorie Album révélation, le disque Les Failles ainsi que sa réédition Les Failles cachées  (sortis avant l’apocalypse, comme elle le dit si bien) auront su marquer cette année 2020 de par leur transparence, leur profondeur et leur mélancolie. Trois ingrédients que Pomme parvient à intégrer à son show qui, à l’image de sa musique, secoue les coeurs et les corps. Elle qui devait se produire cet été aux Nuits de Fourvière délivre ici une prestation mesmérisante de ces failles qui sont un peu devenues les nôtres aussi.

Jouer seule face à l’immensité déserte du Théâtre antique de Fourvière, en voilà un concept. Une expérience cocasse que la jeune chanteuse n’hésite pas à ironiser tout au long de son show par un humour pince-sans-rire fondant. En résultent des répliques iconiques qui mâtinent la mélancolie de son registre d’une touche de légèreté opportune. On vous a compilé les meilleures interventions gênantes de la reine du malaise, régalez-vous.

Je n’aurai jamais imaginé jouer dans Fourvière vide, en 2015. Personne ne savait.

Peut-être que Jésus il savait ? C’est le seul qui sait.

Entourée de ses deux musiciennes, Claire Pommet prouve sa capacité à insuffler une seconde vie à ses morceaux, que ce soit à travers des versions a cappela (je sais pas danser qui ouvre le bal) ou en troquant la sobriété d’un titre comme la lumière contre une réinterprétation semi-électro semi-lyrique (à 26:04). Et même si l’idée d’une Pomme armée de sa simple autoharp au milieu de ces ruines monumentales vous inspire des images de vulnérabilité, il n’en est rien. La chanteuse fait rimer fragilité et force, comme elle a pu le faire sur tout l’album, pour faire trembler les colonnes du Théâtre de Fourvière par ses cris du cœur aigus et maîtrisés.

© Photo : Susie Waroude pour Tribune de Lyon

Pendant plus d’une cinquantaine de minutes, Pomme délivre ainsi ses essais musicaux sur l’allégresse (soleil soleil, les séquoias), la mort (lumière, pourquoi la mort te fait peur ?) et l’amour, aussi. “Que serait-on sans les chansons d’amour ?” lance-t-elle à son public fictif ce soir-là. Les hymnes à l’amour crève-cœur, elle en a fait son affaire. En témoignait le brillant On brûlera trois ans plus tôt, dédié à celle qui partageait sa vie. Sur Les Faillesc’est notamment au travers de une minute qu’elle ouvrait son cœur pour laisser couler son romantisme. Un morceau auquel elle fait ici honneur avec une version live d’abord vaporeuse sur la première moitié et qui s’élève crescendo vers une outro instrumentale plus intense.

La prochaine chanson parle de la mort.

C’est marrant cet écho et ce silence après cette phrase.

Au milieu du concert se glisse aussi un instant moins morose, voire dansant. “Du coup si vous êtes chez vous et que vous avez envie de vous ambiancer, bah profitez de cette occasion parce que ça se représentera pas énormément dans ce concert. Donc n’hésitez pas à tout lâcher.” blague l’artiste avant de se lancer dans une interprétation imparable de son tube folk-rock les cours d’eau, présent sur la réédition parue en février dernier.

On retiendra de ce live suspendu les envolées vocales perçantes d’une des voix les plus troublantes du moment (brillante sur la cover de bad guy), sa prestance scénique maladroite et pourtant si captivante, la justesse de ses interprétations et la sincérité de ses compositions. On se donne rendez-vous l’an prochain, le 1er juin, pour les Nuits de Fourvière 2021 : même artiste, même endroit, de nouvelles chansons (on l’espère) et, surtout, un public.

Merci, public.


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