Shot de spontanéité contagieuse avec Ottis Coeur
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Auteur·ice : Joséphine Petit
11/10/2022

Shot de spontanéité contagieuse avec Ottis Coeur

Qu’on se le dise : depuis l’an dernier, Ottis Coeur fait beaucoup de bien à la scène rock française. Duo féminin à l’énergie et la bonne humeur contagieuse, Margaux et Camille font partie de nos coups de coeur les plus évidents sur scène. Lorsque faire du rock est à la fois synonyme de chansons au cœur brisé, foules sur ressorts, revendications féminines et blagues inépuisables, Ottis Coeur excelle. Après leur EP Juste Derrière Toi à l’automne dernier, le duo revient avec Labrador, un titre à la fougue imparable. L’occasion pour nous d’en discuter avec elles lors de leur passage à Rock en Seine.

La Vague Parallèle : Salut Margaux et Camille, on se rencontre juste après votre concert à Rock en Seine, comment ça va aujourd’hui ? 

Camille : Ça va, un petit peu en redescente du stress de la journée, j’ai un énorme coup de barre là j’avoue (rires).

LVP : C’est la première fois qu’on se rencontre en interview pour La Vague Parallèle, est-ce que vous pouvez nous présenter un peu votre projet ?

Margaux : On s’appelle Ottis Coeur, et on fait du rock en français avec des influences garage et psyché. 

© Carolina Moreno

LVP : Comment vous êtes-vous rencontrées ? Vous êtes amies de longue date ?

Camille : Pas tellement ! On s’est rencontrées en novembre 2019 lors d’une formation de musique au Studio des Variétés. Quand le premier confinement a eu lieu, on est parties se confiner ensemble en Loire-Atlantique. 

Margaux : Ça s’est joué à très peu de choses, j’ai appelé Camille pour savoir ce qu’elle allait faire pour le confinement, et elle m’a dit “je vais chez mes parents en Loire-Atlantique, tu veux venir ?”. Je lui ai dit que je la rappelais dans une heure, et cinq minutes après je lui disais ok. Le lendemain, j’avais pris une valise avec trois tee-shirts, je pensais qu’on partait deux semaines (rires). On est parties avec du matos aussi.

Camille : Oui, j’avais prévu de partir là-bas pour faire de la musique, et c’est donc pendant ce confinement qu’on a commencé à écrire des chansons. On a essayé de chanter ensemble, et on s’est dit que ça marchait bien.

Margaux : Et on a enregistré directement ! 

LVP : Ce projet a donc vu le jour grâce à la crise sanitaire, dans un sens.

Margaux : Oui, c’est un bébé covid. (rires)

LVP : On sent que vous portez une certaine importance à défendre la place des femmes dans la musique, et notamment sur scène. Derrière ta guitare, Margaux, il est inscrit « more women on stage », et tu le montres pendant un moment fort de votre show. 

Margaux : Oui c’est vrai, il se passe un truc entre le public et nous à ce moment. J’en ai encore des frissons rien qu’à y repenser !

Camille : On reçoit des énergies. C’est puissant, dès qu’on lève les guitares et que les gens voient le slogan, ils deviennent fous.

Margaux : En fait, le slogan “more women on stage” sur la guitare a été lancé par Lola Frichet, qui est la bassiste de Pogo Car Crash Control. Et ça s’est répandu comme le covid (rires). Il y a plein de groupes à leadership féminin qui portent maintenant le message. En une phrase, ça a un impact tellement fort. 

LVP : D’ailleurs, au-delà de la scène, je crois que votre équipe de tournée est entièrement féminine. C’est quelque chose que vous avez voulu et recherché, ou bien ça s’est fait naturellement ?

Margaux : Naturellement, on s’est rendues compte que c’était plus simple de travailler avec une équipe de meufs. On avait beaucoup de choses à se dire. Je pense aussi que c’est grâce à ça que j’ai pris conscience du manque de femmes dans le milieu. En discutant entre nous, on s’est rendu compte que c’était vraiment un problème.

LVP : La scène semble avoir une importance particulière dans votre projet. Quelle est votre expérience du live par rapport à l’enregistrement studio ?

Camille : De mon côté, je n’avais pas fait beaucoup de live jusqu’à présent, mais c’est ce que je préfère. Il y a des artistes qui préfèrent le studio, d’autres le live. Pour nous, c’est carrément la scène avant tout. Il y a quelque chose de différent à chaque fois, ça permet de toujours progresser. Je trouve ça hyper intéressant.

Margaux : C’est aussi le meilleur moyen de mettre en valeur nos chansons. C’est là qu’elles prennent tout leur sens. En fait, on a composé et enregistré l’EP en même temps, alors qu’on n’avait jamais joué les morceaux sur scène. On a ensuite dû monter un groupe et travailler le live, et c’est là que le projet a fait sens. Il y a une certaine énergie qui fait que, même si on ne levait pas nos guitares avec le message “more women on stage”, je pense que le public le sentirait tout de même passer. On a envie d’être là. J’ai fait d’autres concerts avec d’autres projets avant, et je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a mal parlé ou infantilisée. Pouvoir défendre ça aujourd’hui avec une équipe de meufs, c’est trop cool. Il n’y a pas de reproches ici, c’est plutôt de la bienveillance et de l’encouragement pour les futures générations de musiciennes.

LVP : Sur scène, vous êtes un trio alors que le projet reste un duo. Comment est-ce que vous abordez ce décalage ?

Margaux : Sur scène, la formation en trio est efficace. Batterie, basse, guitare, c’est un peu à l’image de la conception de notre EP : le strict minimum avec de petites contraintes qui nous poussent en avant. Je ne sais pas s’il y a besoin de plus, on verra sur le prochain disque.

© Carolina Moreno

LVP : Dans la cartographie musicale actuelle, votre projet fait écho à un autre projet anglais, Wet Leg, un duo de filles qui font du rock. Vous vous sentez un peu liées à elles d’une certaine manière ?

Camille : Ah bon ? On ne nous l’a jamais dit, bizarrement… (rires)

LVP : Vous avez fait leur première partie au Point Ephémère il y a quelques mois.

Margaux : Oui, on a partagé une loge avec elles, on a rigolé et chanté All Star de Smash Mouth dans les loges, c’était marrant ! Bien sûr que ça nous fait plaisir qu’on nous compare à elles. On aime beaucoup leur musique, elles sont hyper cool et très accessibles. Elles commencent tout juste les concerts et font déjà de grandes salles, c’est trop bien.

LVP : Et chanter du rock en français, c’était une évidence dès le début ?

Margaux : Pas pour moi au début, c’était plus un exercice. Camille chantait en français alors que moi non. Elle me l’a transmis. En travaillant ensemble c’est venu tout seul, on n’y a pas vraiment réfléchi. Ce qui est cool, c’est aussi que lorsque tu chantes en anglais, le travail de la langue est plus axé sur le rythme avec l’accent tonique, et moins sur le sens. Dans notre manière d’aborder le français, on travaille sur les deux, ce qui fait un beau mélange des influences de Camille et des miennes. On essaie de faire sonner le français comme une langue rythmique.

LVP : Vous revenez d’une tournée en Amérique latine, c’est comment de chanter devant un public qui ne parle pas français ?

Camille : Ça n’a mis aucune distance. C’était l’un de nos meilleurs publics, ils étaient dingues ! Ils étaient hyper réactifs, très démonstratifs : ils aiment le rock.

Margaux : Ils viennent pour se déchaîner en fait. Ce sont des auto-tamponneuses (rires). Dans le bon sens bien sûr !

LVP : Est-ce que cette tournée vous a apporté de nouvelles choses, musicalement parlant ?

Margaux : Ça nous a montré que la langue n’est pas une barrière. C’est marrant, parce que quelques personnes nous avaient dit qu’on devrait chanter en français pour mieux s’exporter, mais en fait pas du tout !

LVP : Vous avez sorti votre premier EP à l’automne dernier. Avec un peu de recul, comment avez-vous vécu cette sortie ?

Camille : Bien, même si je pense qu’on hésitait un peu à le sortir aussi tôt. Les iNOUïS ont un peu précipité la sortie, et finalement c’était le bon moment. Il fallait que ça sorte, et on n’aurait pas pu faire plus que ce qu’on avait. Ça a lancé le projet, et maintenant, on enchaîne !

Margaux : Je viens d’avoir un flashback des retours qu’on a eus sur le premier single, Je marche derrière toi. C’était fou, je ne m’attendais pas à avoir autant de réactions. Et tout s’est enchaîné directement ensuite avec notre sélection aux iNOUïS.

LVP : Justement, depuis l’an dernier vous avez été accompagnées par les iNOUïS du Printemps de Bourges Crédit Mutuel, le Fair ou encore FGO-Barbara. Qu’est-ce que tous ces accompagnements vous ont apporté ?

Camille : Plein de choses, et avant tout énormément de conseils. Des gens étaient toujours là pour répondre à toutes nos questions. On a eu de l’argent aussi, des moyens pour avancer, faire de la production, des photos, etc. On a aussi rencontré plein de gens, on a eu des opportunités, on a trouvé un entourage. 

Margaux : Tout en restant le plus autonomes possible. C’est ce qui est cool aussi. 

LVP : Vous avez sorti cette semaine un super titre qui s’appelle Labrador. Quelle est la suite à venir pour Ottis Cœur dans les prochains mois ?

Camille : Pour le moment, un clip qui sort dans quelques jours, et peut-être un prochain titre un peu plus tard.

 

LVP : Le clip de Labrador a été filmé pendant votre tournée au Pérou dans une vibe très joyeuse. C’est important pour vous de faire du rock tout en gardant de la bonne humeur ?

Margaux : Oui, en étant dans la bienveillance et sans se prendre trop au sérieux non plus, on déconstruit un peu les clichés du rock qu’on connaît.

Camille : On est comme on est aussi. On se marre bien dans la vie, donc je ne vois pas pourquoi on tirerait la gueule dans les clips (rires).

LVP : Vous avez toutes les deux également des side projects, par exemple Camille avec Roma Luca. Comment est-ce que vous gérez les deux à la fois ?

Camille : J’essaie surtout de bien organiser mon emploi du temps. S’il y a des trous et que je n’ai rien de prévu avec Ottis Coeur, j’en profite pour avancer sur mon projet. Ça avance tranquillement.

LVP : Et toi Margaux, tu es aussi illustratrice. On retrouve tes dessins dans le projet d’Ottis Coeur, mais aussi pour d’autres artistes comme Johnnie Carwash, qu’on a rencontrés récemment et qui nous ont confié que tu étais « membre d’honneur de l’association Johnnie Carwash ». Travailler avec d’autres artistes sur leurs projets, c’est quelque chose qui t’anime ?

Margaux : Carrément, c’est tout ce dont j’ai toujours rêvé. Le pari que j’ai fait en me lançant dans la musique, c’est de ne travailler que sur des projets qui me tiennent à cœur. Et aujourd’hui ça paie. Je suis très heureuse de pouvoir vivre de ça, faire des clips pour des potes et soutenir des scènes indé qui ont besoin d’images, de clips, comme Johnnie Carwash

LVP : Pour finir, vous pouvez nous confier votre coup de cœur dans la programmation de Rock en Seine cette année ?

Margaux : Yoa, Ysé, et Zaho de Sagazan ! On va aller voir Yoa après d’ailleurs.

Ottis Coeur à Rock en Seine© Olivier Offschir

Interview co-écrite et réalisée avec Chloé Lahir

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