“S’inventer des histoires en partant de souvenirs réels” – Pépite, entre rêve et réalité
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Auteur·ice : Victor Houillon
04/09/2021

“S’inventer des histoires en partant de souvenirs réels” – Pépite, entre rêve et réalité

C’est l’été ! Pour célébrer la fin des vacances et de la saison officielle de Pépite, le duo le plus solaire de la pop francophone est de retour avec Rêve Réalité, un EP qui capture le doux équilibre entre la candeur qui nous subjugue depuis leurs tout premiers titres et l’excitation due à de nouvelles perspectives musicales. Pour l’occasion, on a rencontré Edouard et Thomas sur le Perchoir de la Gare de l’Est, quelques instants avant une release party intimiste qui a su réchauffer nos petits cœurs fragiles.

Que vous ayez tourbillonné sur une planche de surf ou regardé glisser les bateaux depuis la plage, Pépite convient tout à fait à la bande-son de vos souvenirs d’été. De jour, comme de nuit, d’ailleurs. Après Virages, qui nous évoquait les lumières dans la nuit, les deux garçons poursuivent leur conquête musicale en explorant désormais l’onirisme. Composés durant une période qui s’y prêtait fatalement, les textes de Thomas y développent le champ lexical du rêve et du souvenir, de l’évident tube Uno à la délicieuse Brume, sans discontinuité. Sous la houlette d’Edouard, les productions y sont toujours plus travaillées, plus texturées, pour une overdose bienvenue de sensations. Entre passé et futur, entre mélancolie et entrain, entre candeur et malice, conversation avec los Pépitos, entre rêve et réalité.

 

La Vague Parallèle : Comment ça va les gars ?

Thomas : Contents d’être back dans le game encore une fois ! Contents de pouvoir sortir, faire des petites soirées, et surtout travailler.

Edouard : Aujourd’hui, c’est la première fois qu’on rejoue devant des gens. Notre dernier vrai concert, en groupe, était au Trianon en janvier 2020. Depuis, on a fait quelques sessions à deux, mais c’était devant des caméras, dans des salles vides.

LVP : Qu’avez-vous retenu de ces livestreams ?

T : C’était super agréable, d’une certaine manière. C’est toujours agréable de faire son métier. On a pris des galons en piano-voix. On a redécouvert nos morceaux avec ces nouveaux arrangements.

E : C’est un exercice un peu bizarre au départ, mais, en se prêtant au jeu, on a cherché à voir comment cette situation pouvait nous faire grandir, au fur et à mesure. Le piano est devenu notre priorité.

T : On sera d’ailleurs dans cette formule ce soir pour notre release party.

LVP : Pas trop d’appréhension de retrouver de vraies conditions live ?

T : Un petit peu, mais ça va être cool de fêter la sortie du disque.

LVP : J’imagine que c’est un disque à l’histoire un peu particulière, composé pendant le confinement ?

T : Complètement. On s’envoyait des maquettes pendant le premier confinement.

E : Chaque jour amenait une manière différente de travailler, c’était assez marrant de faire ça à distance. Parfois, Thomas m’envoyait des maquettes sur lesquelles je rajoutais une batterie, parfois il posait des textes sur mes instrus. Ce n’était pas du tout l’énergie dans laquelle on pensait être à ce moment-là, avec plutôt une envie de live avec le groupe, et finalement on s’est retrouvés enfermés chacun de notre côté. On s’appelait tous les jours (rires). Ça a donné ce disque un peu curieux.

LVP : La dernière fois qu’on s’était vu, vous m’aviez dit que la formule classique de Pépite était un squelette de composition de Thomas avec des arrangements d’Edouard. C’était donc différent cette fois-ci ?

T : Ça a un peu changé, Edouard a en effet fait quelques instrus sur lesquelles j’ai écrit, avec pas mal d’allers-retours. C’est le cas de Uno.

E : C’était le premier jour du premier confinement, d’où le nom. En essayant d’apprendre l’italien, je m’étais mis tous les chiffres sur le calendrier du confinement, pour que ça rentre dans la tête.

 

LVP : Du coup, tu sais compter jusqu’à une petite centaine ?

E : Uno, c’est tout ce que j’ai retenu (rires). Ça aurait été bien si on avait été aussi productifs pendant le reste du confinement.

LVP : Vous aviez tout de même sorti Désert pendant ce confinement, une chanson qui m’avait beaucoup touchée, car elle rappelait vos premiers disques.

T : C’était en effet une ancienne chanson. On n’avait jamais vraiment trouvé de place pour cette chanson sur un disque. Justement, avec ce confinement, c’était le bon moment pour la sortir.

E : On l’a jouée à notre tout premier concert. On avait essayé de la mettre sur un disque, on l’avait d’ailleurs enregistrée pendant la session de Virages. Mais ça faisait treize chansons, pour la sortie numéro 13 de microqlima (rires).

T : On l’a aussi sortie pour passer à autre chose. Ça permettait surtout d’avoir un contact avec nos fans et les paroles correspondaient bien à la situation.

 

LVP : Pour en revenir à Rêve Réalité, vous l’avez, cette fois, produit vous-mêmes ?

E : Oui, on a pratiquement tout fait à Chaville, à domicile. Seule la batterie a été rajoutée après, au Studio Mégaphone, à Aubervilliers, par Nicolas Ballet, notre batteur de scène. Un peu plus fait maison que par le passé.

LVP : Les synthés d’inspiration années 80 ressortent plus que par le passé. C’est une musique que vous écoutez actuellement, ou quelque chose que vous aviez en tête depuis longtemps ?

T : J’ai l’impression que ce n’est ni l’un ni l’autre (rires). C’est bizarre, mais on se focalisait d’abord sur les chansons et la couleur générale s’est révélée d’elle-même par la suite. Il y a peut-être une velléité d’utiliser plus de synthés, de s’écarter des vraies batteries, qui donne ce côté synthétique. Mais ce n’était pas vraiment réfléchi de notre part. Surtout, comme on n’a pas pu se voir, c’était plus instinctif que par le passé.

E : C’est marrant, c’est un retour qu’on nous fait beaucoup. Ça m’a surpris au début.

T : Peut-être que sur Mauvaise Idée, on entend cette influence.

E : Eh bien, écoute, c’est très bien, moi j’adore les années 80 (rires).

S’inventer des histoires en partant de souvenirs réels

LVP : Au niveau des paroles, le champ lexical du rêve ressort au fil de l’album. Tu parles beaucoup de brume, de rêve. Il y a l’idée de voir défiler la vie de l’extérieur ?

T : Oui, bien sûr. C’était un moment où on ne vivait rien. J’ai fait beaucoup d’introspection sur ce que j’avais vu, vécu. Souvent, certains souvenirs prennent la forme d’un rêve ou sont brumeux. Je ne voulais pas parler du confinement, j’estimais que ce n’était pas vraiment mon rôle. J’ai essayé d’aller dans des souvenirs parfois très lointains, d’où ce côté brumeux. C’était le moment de faire un bilan. Je suis assez mauvais pour être très clair sur ce genre de chose, établir ce qui est bien ou pas. Je ressens plutôt d’anciennes sensations, de vieilles choses que j’avais vécues, qu’elles soient vraies ou non, d’où ce côté Rêve Réalité. S’inventer des histoires en partant de souvenirs réels.

LVP : Comme c’était le cas dans Virages, avec Rubis, Brume clôture ce nouveau disque d’une manière d’abord très épurée, qui se dévoile peu à peu. Pouvez-vous nous parler de cette chanson ?

E : C’est un peu le même processus que Rubis (rires). C’est une chanson qui a eu un million de versions différentes. Pendant longtemps, ça a été une chanson très hip-hop, très dark, un peu reggae. Ce serait marrant de sortir toutes les maquettes de Rubis et de Brume, un jour. On est revenu au plus simple. Dès la maquette que Thomas m’avait envoyée, je trouvais que le refrain épuré en piano-voix sonnait vraiment bien. Je ne retrouvais jamais la même émotion sur les arrangements qu’on faisait par la suite. C’est cette simplicité, finalement, en guitare-voix, qui crée l’émotion de cette chanson. Mais oui, ça pourrait peut-être devenir récurrent, de finir les albums de cette manière.

 

LVP : Ce serait très chouette ! Ça rappelle les albums d’avant, où on retrouvait ce genre de vibe.

E : C’est vrai ! On retrouve quelque chose de similaire dans les albums de Phoenix, il y a toujours une chanson instrumentale au milieu de l’album. J’aime ce genre de petites règles à s’imposer.

LVP : Peut-être que ce sont les nombreux formats piano-voix que vous avez faits récemment qui vous ont orientés vers ce choix ?

T : Peut-être, même si on a choisi la guitare pour varier un peu (rires). Ces sessions en duo, ça va surtout nous apporter par la suite pour la composition. Mais en termes de production, je ne pense pas qu’on parte là-dedans.

LVP : Maintenant que Rêve Réalité est sorti, quelle est la suite pour vous ?

T : Le Grand Casino de Paris le 15 décembre ! Et plein d’autres chansons qui vont arriver.

E : Il y aura une petite surprise avant le Grand Casino, mais on n’en dira pas plus.

LVP : On a hâte ! Pour finir, la dernière fois que je vous avais vus, Thomas m’avait conseillé d’écouter Evergreen de Calcutta, un album qui ne me quitte plus depuis. Vous avez d’autres coups de cœur ?

T : Pour rester dans la pop italienne, je te conseille Rino Gaetano, un chanteur des années 80 vraiment excellent, que Calcutta a dû beaucoup écouter. Ma il cielo è sempre più blu.

LVP : Super, merci beaucoup et bon concert !