Dans l’équipe de La Vague Parallèle, on aurait du mal à cacher notre admiration pour cette grande gueule de Slowthai. En même temps, c’est pas comme si le gars avait de quoi rougir de son parcours. En moins deux ans, le sale gosse de Northampton a pris d’assaut la scène rap britannique pour y distiller généreusement un style qui n’appartient qu’à lui, à la croisée des chemins entre punk, grime, drill et j’en passe. À cela s’ajoute une personnalité attachante qui a permis au mec de progressivement s’installer comme une sorte de working class hero d’une angleterre toujours aussi attachée à l’underground.
C’est donc en terrain conquis qu’arrive Tyron, faisant suite à un premier album magistral qui a permis à son auteur de profiter d’une hype constante pendant tout le processus de création de ce second projet. C’est bien simple, même le bad buzz de la cérémonie des NME ne semble pas avoir entaché la réputation du gaillard, ce qui était pourtant loin d’être gagné… Pourtant, à l’écoute de cet album, on sent bien que Slowthai n’est pas sorti indemne de sa montée en puissance et de la grosse descente qui l’a accompagnée.
Rien qu’en parcourant la tracklist, on devine que Slowthai a une idée derrière la tête. Et de fait, en découpant son album de la sorte, il envoie un message clair : Il refuse de se limiter au seul rôle de pile électrique qui lui a rapidement été attribué en début de carrière. Et si certaines douceurs avaient réussi à se glisser sur Nothing Great About Britain, il faut admettre qu’elles restaient anecdotiques face à la force brute de morceaux comme Doorman ou Polaroid. Pour Tyron, c’est tout le contraire. En effet, si l’album commence par une démonstration de force, celle-ci laisse rapidement la place à l’introspection, comme si ce choix structurel témoignait d’un changement de perspective chez son auteur. Un changement qui ne se fait pas sans mal, mais qui, au vu du résultat, pourrait s’avérer salvateur…
En effet, après s’être pris en pleine tronche les 15 minutes qui constituent la première partie du disque, on a bien du mal à choisir un titre particulièrement marquant, tant celle-ci semble avoir été réalisée à la va vite. La faute, notamment, à des morceaux relativement courts et à des productions pas vraiment mémorables qui rendent le tout un peu bordélique. C’est bien simple, mis à part les quelques moments de fulgurance que sont les singles MAZZA et CANCELLED (pour lesquels la présence des invités fait beaucoup), on ressort de cette première partie à la fois épuisé·e·s et un peu confus·es.
Ce n’est qu’en arrivant au niveau de la transition magnifiquement amenée par PLAY WITH FIRE qu’on se dit que rien n’est perdu. Et pour cause, dans la seconde moitié de Tyron, on découvre un Slowthai métamorphosé et ô combien plus inspiré par les thèmes qu’il aborde. Pour le plus grand plaisir de nos oreilles, ce dernier s’empare de ses morceaux avec une aisance incroyable, faisant de chaque piste un moment unique qui montre à quel point Slowthai maîtrise l’art de l’introspection. Sur ce point, impossible de laisser ne pas parler d’adhd, un final qui vous prend aux tripes tant au niveau du texte que de son interprétation.
Au final, malgré un démarrage difficile, Tyron restera certainement dans les annales de la discographie de Slowthai comme un disque charnière. C’est le témoignage du cheminement de son auteur comme quelqu’un d’excessif, instable et souvent perdu. Un mec connu pour son énergie impressionnante mais qui sent qu’il doit évoluer pour rester pertinent. Tyron est donc le reflet de cette mue, bien qu’elle ne se soit pas produite sans accrocs. Cela dit, il nous en faudra clairement plus pour remettre en doute le talent de ce garçon dont on est certain·e·s qu’il n’a pas fini de nous surprendre.
Biberonné au rock de Pink Floyd et Led Zeppelin puis reconverti au hip-hop, j’aime ma musique comme j’aime mon café : dès le réveil et sans édulcorant !
