T2 Trainspotting : Chronique nostalgique
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Auteur·ice : Charles Gallet
04/03/2017

T2 Trainspotting : Chronique nostalgique

Je me souviens d’un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre … Voilà la phrase un peu con qui nous vient en tête après le visionnage de T2- Trainspotting. On pourrait résumer le film à des retrouvailles avec des potes perdus de vu depuis 20ans, pour une soirée de biture et de défonce. Ce serait non seulement réducteur,  mais surtout cela ferait insulte au talent et à l’intelligence de Dany Boyle et de son scénariste John Hodge, déjà tous les deux à l’origine du premier essai de 1996.

Avant de parler des nombreuses qualités du film, et il y en a, il nous faudra d’abord parler d’un défaut assez évident: T2 se moque de laisser sur le carreau les personnes qui n’auraient pas vu le premier opus culte, le récit ne marchant comme une suite logique du premier. De même, il ne s’appréciera pleinement que si vous avez grandi en même temps que les personnages. Ceux ayant découvert le film récemment, et les moins de 20 ans dont on parlait plus tôt, pourront trouver le film vain voire frustrant, en dehors de son côté jouissif et immédiat.

Que dire alors des nouvelles aventures de la bande de Renton ? Qu’elles scrutent son époque, comme a pu le faire Trainspotting premier du nom ? Oui et non. Si le film parle d’Europe pré-brexit, de la présence d’une classe sociale désœuvrée qui ne parvient pas à sortir de sa condition, de l’évolution de la ville d’Édimbourg, bien loin de la cité ouvrière décrépite à l’odeur de pisse et de mort que dépeignait le premier film, T2 Trainspotting est avant tout une étude et une analyse assez désespérée de la nostalgie. On retrouve donc 20 ans plus tard des personnages qui n’ont pas vraiment changé, toujours les mêmes idiots sans rêves et sans avenirs, vivant la tête dans les souvenirs d’une époque, pas forcément meilleure, mais pendant laquelle l’idée de fuite semblait possible et salutaire, ce qui n’est désormais plus le cas.
Plane alors sur le film une ambiance douce amère, entre modernité et nostalgie, parfaitement incarnée par cette scène de nightclub, ou des jeunes écossais dansent des chorégraphies absolument stupides sur des hymnes de Queen et Run DMC, ou encore par cette scène ou Renton développe un nouveau monologue sur le “choose life“.

Puisque les personnages n’ont pas vraiment changé, leur actions ne bougeront pas beaucoup non plus. Entre alcool et défonce, petites combines plus ou moins glauques, les héros avancent tentant  toujours de survivre pour pouvoir enfin vivre.
Pourtant un personnage semble évoluer vers la lumière, Spud, ce junkie pathétique et incroyable, impeccablement interprété par Ewen Brenner, qui trouve une voie de rédemption inattendue.
Robert Carlyle campe un Begbie de plus en plus inquiétant, même si très drôle malgré lui par moment  à la recherche d’une “gloire” passée et qui n’a que la vengeance dans les yeux. Là encore, dans son osculation de la nostalgie, Boyle offre au personnage un moment de lucidité familiale à l’émotion plus que palpable.
Sick Boy et Renton, n’ont pour leur part eux pas vraiment changé, offrant à Ewan McGregor et Jonny Lee Miller un terrain de jeu régressif et jouissif.
Les quatre acteurs retrouvent donc avec plaisir et conviction les personnages, et leur accent écossais à couper au couteau, qui ont lancé leur carrière.

Quant à Danny Boyle, il profite d’une technologie moderne pour amplifier sa réalisation déjà sous stéroïde. Il en résulte un filme au rythme effréné, au style pop assumé (et excitant, n’en déplaise au critique plein d’aigreur des inrockuptibles) et à des scènes d’une beauté et d’une tendresse hallucinante comme par exemple la scène ou Ewan McGreggor retourne lentement son vinyle d’Iggy Pop.
Certes par moment T2 n’évite pas le fan service, comme avec ce plan sur des toilettes dégueulasses, ou le retour pas forcément utile du personnage de Kelly Mac Donald, mais ces tics résiduels sont si diffus qu’on ne lui en tiendra pas forcément rigueur.

En bon artisan d’une pop culture débridée, il nous offre aussi une bande son magnifique, elle aussi coincé entre modernité, les excellents Young Fathers, originaires d’Edimbourg hum hum …, tirent la couverture à eux, accompagnés entre autres par Blondie, Fat White Family ou encore les évidents Underworld.

Que dire alors de T2 Trainspotting  ? Osculation de la nostalgie plus que film nostalgique, forcément moins bon que son ainé sur le coup, l’oeuvre  diffuse  un spleen et une noirceur bienvenus, une ironie mordante, un manque de compassion évidente pour ses personnages coincé dans l’image d’eux qu’ils fantasment sans réaliser qu’elle ne leur correspond plus.

Ce n’est sans doute pas un film parfait, mais il est à coup sur la suite parfaite des aventures des losers d’Édimbourg.  On se dit rendez vous dans 20 ans ?