Tamino et la symphonie des Milles et Une Nuits au Stereolux
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Auteur·ice : Clémence Maillochon
15/03/2019

Tamino et la symphonie des Milles et Une Nuits au Stereolux

La légende raconte qu’un jeune Flamand s’empare chaque soir des cœurs de son public afin de les rendre plus purs, plus rouges, de les faire battre plus fort. Sous le nom d’un prince mozartien, Tamino cultiverait son génie en flirtant avec le Nil de ses origines et le phrasé de certains conteurs tels que Leonard Cohen ou Jeff Buckley. Depuis 2018, son envoûtant premier élixir, Amir, séduirait par-delà les confins de son royaume. Nous avions déjà tenté de rompre le mystère lors d’une interview. Toujours sous l’emprise du doute, nous sommes allés nous abandonner à lui, vendredi 8 mars au Stereolux de Nantes.

Ce soir, le Stereolux remplit la salle Micro. Une petite foule de quatre cents personnes patiente sous la bruine. Alors que sa Majesté revient d’une Cigale, également complète, nous envisageons une expérience autrement intimiste et particulière.

En guise d’introduction, Elia impose sa grâce avec un piano-voix des plus délicats. Sourire aux lèvres, elle annonce un premier single, Aurore. Bientôt accompagnée de ses instrumentations numériques, la demoiselle enchaîne les poésies. Les mots ricochent dans sa bouche sur des sonorités entremêlant variété française et effluves R&B. La Parisienne ne manquera pas de dédier une de ses œuvres à la grande Barbara, ni de citer la fameuse “rue St Vincent”. Sa douceur nous attendrit, l’auditoire est conquis.

Les lumières se rallument. Nous balayons la salle du regard et notons la mixité des visages alentours. Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes… Tamino attise la curiosité de tous. Les rangs se resserrent, la température grimpe. Un bleu nuit habille la scène.

À travers la pénombre, une silhouette s’avance. Celle du grand Tamino. Tout de noir vêtu, guitare en main, le fabuliste préface avec le mythique destin de Persephone. Chacun retient son souffle, les yeux équarquillés face à son charisme naturel. Profonde et grave, sa voix résonne au-dessous de notre chair. Parfois, elle frôle le sommet des dunes du désert blanc et nos poils se dressent. Quelques battements suffiront pour que le percussionniste, auréolé de teintes cuivrées, ne dessine le panorama oriental.

Le chapitre suivant s’ouvre sur les nappes du transcendant Sun May Shine. Bouleversant contraste entre les basses aux abysses et les vocalises enchanteresses de ses compagnons de route, nos esprits s’égarent. Juste le temps d’adresser un timide “bonsoir”, d’esquisser deux ou trois mots français, un rideau lumineux l’enveloppe et le replonge dans ses réminiscences. Puis, Cigar comble ses courtisans qui semblaient l’attendre. Nous distinguons d’ailleurs des murmures complices imiter quelques intonations.

Le jeune homme change de guitare pour la quatrième fois. Autour de son buste, une merveille ornée d’une rosace métallique diffuse un timbre si atypique que nous croyons perdre nos pieds, enfoncés dans le sable, sous le soleil brûlant d’Each Time. Nous prenons alors la mesure de l’importance accordée aux parties instrumentales. Immobilisés par la puissance de son chant, intimidés à chaque silence, nous nous laissons achever par l’étourdissant So It Goes. Notre orateur se confie ensuite avec Verses. Les yeux mi-clos, il se fait maître du désert sur w.o.t.h. Après que le public se soit fendu les paumes sous la ferveur de leurs applaudissements, il réussit à partager sa joie d’être parmi nous.

La fin approche. Un de ses plus beaux joyaux lui est ardemment imploré. Avec humour, l’artiste instaure le suspens puis gratte innocemment quelques cordes. Nous ne tarderons à reconnaître le précieux Habibi, son piano cristallin et sa déconcertante sensibilité, capable de mille miracles comme offrir un sursis au temps fuyant.

Cette journée, pour le moins singulière, n’aurait pu trouver meilleure conclusion que le tendre My Kind Of Woman qui s’inscrit habituellement dans les carnets du fameux Mac DeMarco. Un récit inédit ne saisissant que l’intention du morceau afin de le déclamer avec le ton que nous lui connaissons désormais.

Le prince se retire dans une ultime révérence.

La légende est bien réelle ; nulle performance scénique ne saurait détrôner le pouvoir hypnotique de Tamino. Sa sobriété et son élégance parlent d’elles-mêmes.

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