Tendrestival : première tendresse au cœur des pierres du Loir-et-Cher
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Auteur·ice : Clémence Maillochon
09/08/2021

Tendrestival : première tendresse au cœur des pierres du Loir-et-Cher

Fleuve en inclination lorsque septembre offre ses derniers rayons. Le 11, le 12. 230 kilomètres de la ville lumière au château millénaire. Funk, House, Disco, Électro. Pavillon historique, vignes et cotillons. Premier rendez-vous, premier ballet. Est-ce du pays de Tendre que l’on nous espère citoyen·nes ? Si Alexandre Martineau était un Molière, il affirmerait : « Je m’en vais gager qu’ils n’ont jamais vu la Carte de Tendre, et que billets-doux, petits-soins, billets-galants et jolis-vers, sont des terres inconnues pour eux. » Il n’en est rien. Du Tendrestival, voici ce qu’il dévoile.

 

La Vague Parallèle : Peux-tu nous parler de la genèse du projet ?

Alexandre Martineau : Au premier confinement, on se faisait chier tout seul. Notre groupe de potes a besoin d’organiser des choses et j’avais cette idée derrière la tête : créer un rendez-vous où des gens qu’on connaît comme des gens qu’on connaît moins se retrouvent. On a tous déjà été en festival, en soirée, on sait ce qu’on veut voir ou non. Et si à notre tour on mettait quelque chose en œuvre ? Ça s’est lancé petit à petit l’été dernier. On a formalisé en créant une association, en septembre. On était 5 membres fondateurs. Depuis, on est 25.

LVP : Comment travaille-t-on à 25 ? Ce doit être une réelle aventure humaine.

AM : Exactement. En fait, il y a eu deux phases. La première était la conception du projet, dessiner ses contours. Moi, je n’étais pas très câblé pour ça car je n’avais jamais eu à le faire aussi largement. Un certain nombre d’entre nous a un passif associatif, étudiant, notamment. Dans mon cas, on m’a toujours accompagné. Tu ne t’en rends pas compte sur le moment mais, tu bosses avec une asso, dans un contexte juridique déjà existant. Pour un gala, tu sais qu’il y aura les diplômé·es, leur famille, il va falloir prévoir un dîner, il y aura sûrement un discours, parfois tu as déjà le lieu. C’est cadencé. Là, on devait tout créer. La deuxième phase était de savoir quelles actions seraient nécessaires, comment les mettre en place, qui fait quoi. C’est de la gestion de projet classique. Toi-même tu le sais, nous sommes en crise sanitaire, on n’avait pas le droit de se voir, et de toute façon on ne pouvait pas puisqu’on est réparti entre Nantes, Paris, Lyon, Montpellier. Depuis le début on travaille donc en visio. Et, comme on organise le festival dans une ville où personne ne vit, Selles-sur-Cher, en moyenne un week-end tous les deux mois on se réunit sur place, dans un gîte, sous réserve d’un test PCR ou antigénique évidemment. On prend les lieux en main, le concept, et surtout, on se retrouve physiquement. Certaines personnes ne se connaissaient pas encore.

LVP : Il y a donc une partie « team building » ?

AM : Bien sûr, il faut que tout le monde puisse s’appréhender. On va quand même prendre des congés avant la manif, des risques et de l’énergie pendant, on en a mis durant dix mois pour se retrouver, bosser, échanger. Pendant ces week-ends, il y a eu des moments de franche camaraderie, pas toujours orientés sur le festival. Mais ce qui est certain, c’est que tout le monde s’entend très bien, car tous motivés par un projet commun, et c’est très inhérent aux valeurs du festival.

Le nom du festival n’est pas sans rappeler la tendresse, donc la convivialité, l’authenticité, le partage. C’est ce qu’on veut vraiment mettre en avant et quand on se réunit, les valeurs sont là.

 

 

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LVP : En résumé, quelles ont été les étapes clés pour monter ce projet ?

AM : En un, créer une entité juridique et se répartir les rôles principaux. En deux, trouver un lieu. On l’a trouvé en octobre-novembre dernier. Jusqu’à fin janvier, on a défini les contours du projet, avant de se dire qu’on avait assez réfléchi, il fallait maintenant le faire. Les week-ends passés sur place étaient aussi des éléments clés. Ils étaient un boost d’énergie. Sans ça tu ne peux pas tenir un an d’investissement, sachant qu’on a tous un job et envie de voir nos potes à côté. Je ne sais pas si c’est une étape fondatrice mais il y a eu l’arrivée du pass sanitaire. De notre côté c’est plutôt vu comme une bonne chose. Pas l’outil en tant que tel mais le fait de scanner à l’entrée, en tant qu’organisateur tu es moins contraint à l’intérieur. Sinon tu dois désinfecter les surfaces toutes les x minutes, rappeler aux gens de remettre le masque, ça pourrit une orga.

LVP : Pourquoi le territoire du Loir-et-Cher et le Château de Selles-sur-Cher ? Et comment avez-vous investi les lieux ?

AM : À la base on se fichait du territoire. On ne peut pas être restrictif et dire « ce sera le 41 ». On voulait investir un lieu chargé d’histoire, avec un patrimoine architectural hors du commun. Il y en a partout en France mais pour faire des bringues dedans c’est compliqué. On voulait aussi un spot où les gens se posent en se disant “c’est cool, on est en week-end, il y a de la musique, tout se passe bien”. Très tôt, on a donc monté un dossier de comm avec notre graphiste de talent. Après avoir benchmarké toute la France, on l’a envoyé. Un ou deux lieux nous ont recontactés, dont le château de Selles-sur-Cher, qui a proposé un rendez-vous le mercredi pour le vendredi. Marine, la trésorière, et moi sommes descendus. Ils étaient très attentifs. Eux souhaitent que leur château gagne en visibilité et en attractivité, car quand tu parles des châteaux de la Loire, tu ne parles jamais de celui de Selles-sur-Cher. Selles-sur-Cher, au mieux tu le cites pour un fromage mais pour les châteaux, c’est Chambord, Chenonceau, etc. Maintenant, on se doit de leur apporter notre sérieux, d’être crédibles pour être libres de faire ce qu’on veut, autant que possible, et travailler dans la durée. La finalité n’est pas de venir, faire une soirée, puis repartir. Sinon, on se fait traiter de Parisiens. Or, on n’est pas tous de Paris et ce n’est pas l’ambition. Pour la deuxième partie de ta question, on a pris les lieux en main en sortant les plans sur Google Maps et en allant sur place autant de fois que c’était possible/nécessaire. Parce qu’il faut quand même réunir 25 personnes. Tu ne rentres plus dans un seul gîte. Il faut des voitures, de la bouffe, c’est un match dans le match.

 

 

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LVP : Comment s’est passée la rencontre avec les locaux, notamment les producteurs qui vont animer les ateliers d’oenologie et de zythologie proposés sur le festival ?

AM : L’objectif étant de bosser dans la durée, de dégager quelque chose de vertueux, l’une de nos ambitions est d’être acceptable pour l’écosystème. Il y a aussi l’enjeu écologique, plus largement celui de l’éco-responsabilité. On voulait donc travailler avec des fournisseurs et prestataires locaux. Si on réussit à amener 1500 personnes, autant que les personnes autour en profitent. Le château est un objet de leur patrimoine, elles nous accueillent, on se doit de leur rendre. Au-delà de ça, ça fait sens. Notre prestataire de sécurité est de Blois. La bière est brassée à trente kilomètres. Le vin est celui du domaine viticole du château, on ne peut pas faire plus local, on a les pieds dedans. Il y aura quatre stands de nourriture, dont trois viennent du département et l’autre d’Orléans, dans le Loiret. Le prestataire technique s’appelle Audio Espace, il vient aussi du département. On bosse également en étroite collaboration avec la Mairie. Les locaux bénéficient de tarifs préférentiels, pour les inciter à prendre part au projet. S’il y a plusieurs éditions, et les conditions se réunissent plutôt pour, l’idée est que les gens s’approprient le festival. Les prestataires c’est une chose, le public c’en est une autre.

LVP : Concernant la notion d’éco-responsabilité, quelles actions ont été mises en place ?

AM : Il y a plusieurs sujets. En premier, la mobilité. À Selles-sur-Cher, on a la chance d’avoir un TER direct depuis Tours. On a communiqué les horaires des trains. On va aussi proposer de venir à vélo. Les départs seront organisés en convois. Prochainement, on va sortir une plateforme de covoiturage dédiée et simple d’utilisation. Ensuite, il y a la question principale des déchets. Un festival est anti-écolo par définition. Ça génère des déchets, du gaspillage, des gens se déplacent au même endroit pour seulement deux jours. Si tu veux vraiment être écolo, tu ne fais pas de festival. Mais, c’est la culture. L’enjeu est donc d’amener une pédagogie autour. On a challengé les prestataires, de la même manière que l’on s’est challengé. Tu viens proposer de la nourriture sourcée en circuit court, c’est cool, mais tu ne vas pas donner des couverts en plastique. Évitons au maximum les contenants, même si pour boire une bière c’est quand même plus agréable. Finalement, le meilleur déchet est celui que tu ne crées pas. Maintenant, on va forcément en créer. Qu’est-ce qu’on en fait ? Chacun est responsable de les jeter dans la bonne benne, que l’on mettra correctement en évidence. Puis, qu’est-ce qu’on fait des bennes ? On va rendre certaines choses au gestionnaire pour qu’il les réutilise. Enfin, on souhaite bosser sur certains déchets, comme les déchets organiques. Par exemple, on va demander si un agriculteur de la région veut bien les mettre dans son méthaniseur et produire du biométhane, donc de l’énergie renouvelable. Tout ce qui est organique se recycle jusqu’à créer de l’énergie. La boucle est bouclée. On est toujours sur quelque chose de vertueux.

On dit aux gens que l’on souhaite s’implanter dans le territoire de manière durable. Tout est dans le message. On prend en compte le public, les populations, les prestataires, et l’environnement, tout ça dans la durée.

 

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LVP : Une autre des valeurs du festival est la mise en avant de la gastronomie, quelles sont les spécialités berrichones que nous retrouverons au Tendrestival ?

AM : Les spécialités berrichones sont trop spécifiques pour que je sache t’en parler. Par contre, je peux te dire qu’il y aura des planches apéro avec charcuterie, fromage, et la déclinaison végé. Il y aura des grands plats en sauce typiquement français, ce qui est cool et peu commun en festival. Il y aura aussi les classiques burger et kebab. Les produits étant sourcés dans la région, ce sera probablement plus chouette qu’un cheeseburger. Concernant le kebab, on a challengé des prestataires, ils connaissent nos enjeux, c’est en cours.

LVP : Côté musique, le Tendrestival se veut Funk, House, Disco, Électro, comment avez-vous construit la programmation ?

AM : À nouveau, on s’est posé la question de ce qu’on aime écouter en festival. La majorité d’entre nous est sensible aux musiques électroniques, des plus énervées aux plus smooth. Artistiquement on a pensé la prog pour qu’elle chemine et que le public puisse goûter à plusieurs choses en terme de rythmes et de sonorités. Tu ne peux pas construire un festival, comme Tomorrowland, qui semble proposer le même style musical tous les jours pendant cinq jours, du matin au soir. On voulait aussi de la musique live. Côté grande scène, les groupes live sont Culte, c’est mortel, Argentique, un groupe très cool de pop/rock qui grimpe petit à petit, VSSVD en rap, Genoux Vener. On a aussi Bomel, un mec qui boucle des morceaux joués en live, Fasme, Bellaire, Paloma Colombe, un espoir dans son esthétique. Vernacular Orchestra va proposer un live expérimental. Ce sont cinq gars et leurs machines. Ils les branchent ensemble, quatre d’entre eux jouent et un cinquième module leurs sons.

LVP : Y avait-il une volonté de mixer têtes d’affiche et artistes émergent·es ?

AM : On voulait une tête d’affiche pour se faire kiffer et parce que c’est un bon moyen « marketing ». Il faut faire venir du monde jusqu’à Selles-sur-Cher mine de rien, ce n’est pas chose aisée. Sinon, on était vraiment sur l’idée que si tu vois un Bellaire ou un Bomel remixer ABBA, tout le monde se met en mouvement en même temps car nos parents ont dansé sur du ABBA, moi je danse sur du ABBA remixé. C’était aussi le point de départ de nos réflexions. On a une deuxième scène, adaptée aux DJ sets, aux petits collectifs et artistes solos, ouverte de 12h à 4h. On commencera avec de l’ambient, pour finir sur de l’électro, et entre-temps, il se passera énormément de choses. Toujours dans l’idée de s’inscrire sur le territoire, pendant un mois et demi on a organisé un tremplin DJ orienté « talents du territoire ». Deux sont tombés quasiment à égalité.

D2MITO et Sainte Exp se sont mis d’accord pour faire un B2B. Ce à quoi on répond « OK c’est une avalanche de tendresse » !

 

LVP : La tendresse, c’est quoi pour vous, monsieur Martineau ?

AM : La tendresse c’est un truc entre bienveillance et convivialité. C’est se retrouver, partager. C’est un festival où les gens dansent ensemble peu importe leur âge et leur provenance, où les gens se respectent et partagent un état d’esprit. D’ailleurs, on fait venir le collectif Consentis, qui bosse sur le consentement dans ce genre de soirée. Douze personnes de notre asso seront formées en amont. Et ça, c’est de la tendresse !

LVP : Une astuce pour apporter et recevoir de la tendresse malgré les gestes barrières et autres mesures de distanciation ?

AM : Ma première astuce est celle bien connue du pass sanitaire, qui permet d’aller chercher de la tendresse partout où il est permis d’en avoir. La deuxième astuce est de faire de grands sourires en enlevant son masque à distance. C’est quand même assez agréable de voir des sourires. En tout cas, moi, quand je vois des gens sourire, je suis content.

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