XXL et Realo au Botanique : fin du monde et communion
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Auteur·ice : Charly Galbin
15/11/2023

XXL et Realo au Botanique : fin du monde et communion

Photos | Melissa Fauve pour La Vague Parallèle

Il faut être motivé pour daigner sortir ce jeudi 9 novembre. La tempête Ciaran souffle dehors ses bourrasques et ce n’est pas dans la Rotonde du Botanique qu’il faut ce soir espérer trouver refuge : le collectif bruxellois XXL et l’artiste français Realo – le programme ne prévoit pas moins d’agitation.

Sur le chemin du Botanique, le vent fume nos clopes à notre place. Nous enfilons notre casque et au rythme du projet BASSLINE de Realo et Tony Seng, le chaos formé des trajectoires aériennes aléatoires des feuilles d’automne au pied des gratte-ciels de Rogier révèle un tableau social contradictoire, celui d’une époque comme prise en étau, entre la fin et le renouveau – beauté bizarre que nous nous surprenons de célébrer.

Faisant l’effet du jet pack, la force des courants libres au croisement de la Rue Royale et du Boulevard du Jardin Botanique nous propulse brutalement devant la porte de ce dernier. Jetons, serres, bières, le trajet jusqu’à la salle circulaire est bien connu.

Tout comme le collectif artistique local XXL qui l’est presque autant que des Bruxellois·es, déjà présent quand nous nous faufilons dans la fosse et qu’on est plus surpris·e de voir sur la scène des meilleurs évènements de la capitale. Ce soir je sip réunit Michael Skurtson, ego8 et eugene, la branche musicale du crew interprétant leur morceau présent sur l’excellent projet de ce dernier, World End. Les lumières éclairent la coupole, faisant de l’interprétation du titre éponyme un moment emo dramatiquement beau, même s’il sonne comme une dernière messe, celle qu’on dit dite.

Les signes avant-coureurs ne manquaient pourtant pas aujourd’hui. Nous y sommes, ça y est, si tôt, l’apocalypse. Les basses de Gatekeep nous tombent dessus à intervalles courts et réguliers, le stroboscope finit de plonger les gens dans une confusion générale. eugene réclame maintenant qu’on plonge la salle dans le noir pour les prochains sons, nous faisant disparaître en même temps que sa paire de boots noires.

La suite appartient aux survivant·es du prochain monde, qui ne manqueront pas de décrire un plancher prêt à craquer sur Raspoutine de Michael Skurtson et un eugene suppliant ses convives de Quitter la ville. Ce terrible dernier jour, rappelleront-iels, fût l’occasion pour les vieux démons de revenir nous hanter une dernière fois. Ainsi ego8 profitait du cafouillage pour envoyer une exclu, rap fleuve génial en hommage à Tony Parker, le chanteur… Sonné, le public n’eut rien pu faire sur ce remix Alive de T’aimes bien quand c toxic ?, la tektonik portant le coup fatal à l’humanité. Et à cette première partie réussie.

Trap, rock, drum’n’bass, le DJ set de Recklessboise forme un entracte dont la qualité ne parvient à dissiper l’impatience de voir éclore un espoir du champ de mine laissé par la prestation XXL précédente. Au bout de trente minutes, c’est finalement Realo qui déboule sur scène avec la vitalité d’un homme qui revient d’entre les morts, n’attendant pas beaucoup de minutes avant de rejoindre la foule elle aussi ressuscitée. L’énergie d’un réacteur nucléaire vient d’investir la Rotonde.

« C’est la musique qui parle » a-t-on droit comme seule présentation de Realo sur le site du Bota. Et vu tout ce qu’elle a à dire, on comprend en fait qu’il est impossible de la contenir dans un seul paragraphe. Cette musique déborde, c’est un trop plein, un raz-de-marée.

Rempli est aussi le répertoire de Realo, ainsi pioche-t-il un peu partout dans celui-ci. Le public se voit par exemple servir son dernier projet en date cité plus haut. De la basse techno bien grasse avec REVERBERE, des sonorités eurodance et un beat hyperactif avec PAPAPA et déjà ces mots limitent sa musique tant elle les dépasse.

« Je rentre sur la prod en mode superman » reprend toute la salle alors que résonne un K9 à peine sorti. Son projet EMOTION est lui dehors depuis plus d’un an, un classique dont fait partie CRASH, douce « balade à vélo » nous offrant un bol d’air pas inutile avant d’aborder la suite.

Qui contient une belle surprise, puisqu’alors que nous le voyions s’ambiancer dans la fosse depuis le début du show, Timothée Joly est invité à chanter sur scène le temps d’un morceau, l’artiste préféré des artistes recevant de Realo un sincère hommage, conscient qu’il doit beaucoup musicalement, comme pas mal de sa génération, à sa pop augmentée.

Sur les cendres de l’ancien, un monde renait. Dans celui-ci l’artiste forme un tout avec son public. Realo communique horizontalement avec lui, espérant que la bienveillance règne pendant son concert, car « ici on est tous·tes pareil ». C’est dans cette optique aussi qu’on le voit s’inviter dans les quatre coins de la salle, tâchant de capter le regard de chacune des personnes. Vous avez payé, comme il dit, c’est la moindre des choses de vous respecter.

Alors il donne. Tout. Son humilité campagnarde ne l’empêche surtout pas d’être une rockstar. Chaque concert semble être son dernier. Comme ses morceaux dont l’intensité laisserait croire que là il a tout mis, on ne peut pas plus. C’est ce que fait ressentir C ma shit pt.2, le tube avec lequel beaucoup l’ont découvert, sorti en 2021 et toujours en haut de ses titres les plus populaires. Un titre qui gicle de partout, intensité qui en fait sans doute un hymne générationnel pour beaucoup d’auditeur·ices de cette musique décomplexée, qui pioche partout, curieuse et libérée.

À la fois sombre comme le monde, vert fluo comme l’espoir, la musique de Realo a ce soir lié tous·tes celleux présent·es par un fil, fragile comme le monde, délivrant comme l’espoir. « On n’est pas beaucoup mais qu’est-ce qu’on est plein » ose-t-il devant une assemblée vidée de toute énergie et dont chacun·e rentrera en ayant cette sensation d’avoir pris part à une communion, soudée autour d’un son au vitalisme capable de réanimer n’importe quel monde.

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